Ce n’est pas parce que nous sommes au cœur de l’été. Rien à voir, même si c’est pire. Non, la situation se dégrade petit à petit depuis plusieurs années déjà et s’est brutalement accélérée depuis 2020. Déjà à ce moment là, souvenez-vous de la panique de nos édiles nationaux. Et que dire de nos élus ici à Mulhouse.
Oui, je l’affirme, Mulhouse est un désert médical. Et il ne s’agit pas d’une petite bourgade de province isolée qui, bien entendu, aurait toutes les excuses pour ne pas attirer les médecins (et dire que maintenant on trouve cela normal…). Non, Mulhouse c’est « un territoire tri-national à proximité des grandes métropoles économiques européennes », et « Un cadre de vie de grande qualité » mais aussi « Un pôle éducatif complet, de la petite enfance au doctorat ». Dixit le site Internet de la Mairie.
Oui mais voilà, après 8 mois d’errance à chercher un médecin généraliste pour moi et ma famille, un nombre incalculable de refus, de négociations sans succès, et pour finir en téléconsultation à la pharmacie, un médecin me révèle se chiffre qui m’était jusque là inconnu : 40 000 mulhousiens n’auraient pas de médecins traitant. 1 mulhousien sur 3 !
Chiffre certainement à vérifier, mais au vu de mes échecs à en trouver un, et selon les pharmaciens, cela ne serait pas surprenant.
J’en appelle à nos députés fraîchement réélus, qui a-t’il de plus important que la santé de nos concitoyens ? Reviendrons-nous au temps des rebouteux ? Peut-être y sommes-nous déjà ? Combien de traitements interrompus ? D’actes de prévention non réalisés ? De cancer et autres maladies graves non détectées ? Ou décelées trop tardivement ?
Et surtout, ne me répondez pas une antienne du type « qui aurait pu prédire qu’après le Covid tant de médecins partiraient en retraite » ou « les jeunes ne veulent plus travailler autant ». Non ! Balivernes, billevesées ! La formation d’un généraliste est longue, trop longue pour ne pas avoir vu le mur venir. Trop de consultants nourris aux statistiques travaillent dans les ministères pour ne pas avoir déduit qu’en 2024 la situation serait catastrophique. Trop de médecins, de pharmaciens, tirent la sonnette d’alarme depuis bien longtemps.*
Selon vous, combien de médecins généralistes à Mulhouse ? 124 en 2022 selon un article dans les DNA et basé sur les statistiques de la DREES. Vraiment ? Mais combien sont-ils réellement à proposer des consultations de médecine générale ? Car en réalité, beaucoup sont certes de formation généraliste, mais exerce en réalité l‘homéopathie, l’ostéopathie, voire ne délivrent plus que des certificats pour récupérer son permis de conduire et refusent une consultation de médecine générale en bonne et due forme ! N’en doutez pas, j’en ai rencontré quelques-uns au cours de mes dernières pérégrinations.
Alors aujourd’hui, que fait-on ? Quelles solutions proposez-vous ? Multiplier la téléconsultation ? Acte de consommation de santé pure, sans suivi, sans relation et presque sans interaction (si ce n’est une voix et une image vidéo de mauvaise qualité). Est-ce cela la médecine du XXIeme siècle ?
Selon l’OMS, « Les médecins de famille, souvent appelés généralistes, jouent un rôle primordial dans l’amélioration de la santé de la population et dans la prestation de soins de santé personnels, complets et continus aux patients. » complets et continus: impossible via un écran avec un médecin différent à chaque consultation. À cela, j’ajouterai coordonné. Mais oui, rappelez-vous : le parcours de soins coordonnés. Cela vous revient ? Si vous désignez un médecin traitant et respectez le parcours de soins coordonnés, vous serez mieux remboursé. C’était la nouvelle injonction de la Sécu il y a 20 ans. Des spots de pub nous incitaient à choisir son médecin traitant rapidement sinon on serait moins bien remboursé. À l’époque, je m’en souviens, l’enjeu c’était de ne pas oublier de faire signer la feuille à son médecin. Qu’est-ce que c’était facile… De là à dire que les mulhousiens ont aujourd’hui la double peine: plus de médecin et des soins plus chers (au zut je l’ai dit).
Alors, messieurs les députés alsaciens, à défaut de pouvoir appeler mon médecin (puisque je n’en ai pas), je me permets une interpellation directe. Voici ce que pourrait être votre première priorité : légiférer pour que demain (pas dans 10 ans), chaque mulhousien puisse avoir accès à un suivi médical complet, coordonné et continu.
*article Rue 89 paru le 4 juillet 2022 https://www.rue89strasbourg.com/mulhouse-rares-medecins-236031/amp
Article des DNA paru le 29 mars 2022 https://www.dna.fr/sante/2020/01/13/data-ou-sont-les-deserts-medicaux-en-alsace#