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Billet de blog 27 avril 2018

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Les revendications des syndicats pénitentiaires, entre mauvaise foi et corporatisme

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Il est patent que la sécurité est un des sujets de prédilection des médias français. Et pour qu’ils se saisissent du dossier carcéral, le syndicat du mouvement des surveillants en grève a, au lieu d’exposer des revendications de meilleures conditions de travail, préféré jouer la carte de la sécurité des surveillants. 

Des luttes intestines

Mission réussie : en janvier dernier, les médias ont jeté lumière sur le prétendu plus important mouvement d’agitation des surveillants depuis plus de 25 ans en France, qui a fini par accoucher d’un accord entre le syndicat UFAP-UNSA et le ministre de la Justice. 

Tout commence le jeudi 11 janvier 2018 lorsqu’un détenu d’une maison centrale du Pas-de-Calais agresse physiquement trois surveillants. En conséquence, les syndicats réclament la démission de Richard Bauer, directeur de l’établissement pénitentiaire concerné. Pour sa part, le ministre de la Justice refuse de donner suite favorable à cette demande : Richard Bauer continue d’exercer ses fonctions. 

C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. 139 établissements pénitentiaires sont bloqués à la demande de la CGT pénitentiaire et FO pénitentiaire. Les revendications des syndicats se réduisent à trois mots : sécurité, indemnité, statut. 

Des revendications donnant lieu à un accord lourd de conséquences

Mettons l’accent sur la première revendication. Ces deux syndicats demandent que les détenus les plus dangereux soient isolés dans des quartiers avec des normes de sécurité renforcées. De plus, ils réclament l’abrogation de l’article 57 de la loi pénitentiaire en vertu duquel la fouille de détenus n’est autorisée que dans certains cas. 

Au bout de douze jours, un accord a été signé. Celui-ci prévoit plusieurs mesures, notamment le droit aux fouilles inattendues de cellules, l’évaluation des détenus radicalisés et la création de 1500 places supplémentaires réservées aux détenus islamistes, terroristes et radicalisés.

Si l’on pense que cet accord sera garant d’une accalmie, ne serait-elle que passagère, les sources d’inquiétude sont multiples. 

En effet, le problème trouve son origine dans le phénomène du surpeuplement carcéral et les conditions de détention des détenus inhumaines et indignes. Rappelons que selon l’Observatoire international des prisons, la population carcérale a atteint, au 1er janvier 2018, 68 974 détenus pour 59 765 places, soit une surpopulation de 115 %. 

D’après ces chiffres, il devient évident que les détenus, privés de conditions d’incarcération dignes et respectueuses des droits de l’Homme, revendiquent leurs droits, mais surtout leur existence qu’on s’efforce de faire disparaître comme on gomme une rature, par le biais de la violence. Celle-ci, quoiqu’elle soit condamnable, demeure le seul moyen à leur disposition pour faire entendre véritablement leurs voix et prend généralement pour cible première les fonctionnaires de l’administration pénitentiaire, en l’occurrence les surveillants. 

Autre source d’appréhension : la crise de légitimité des syndicats. À l’image des partis politiques, les trois syndicats qui représentent le système carcéral ont épousé le corporatisme. Leurs revendications n’ont plus de fond et de cohérence, mais concernent essentiellement des dispositions statutaires et matérielles. À propos de la dernière grève, seul l’UFAP exige des réformes en faveur des détenus et de leurs familles.

En somme, il est indéniable que la fonction de « surveillant pénitentiaire » est délicate, mais le corporatisme des syndicats — et leurs récentes revendications sans tête ni queue ! – ne fera qu’attiser leur haine envers les détenus. Il serait alors plus judicieux que les syndicats pénitentiaires se recentrent sur la nécessité de la refonte du système carcéral dans son intégralité.

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