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Billet de blog 4 juillet 2024

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L'idéal renversé

Au gré du jeu politique, Jordan Bardella n'occupera peut-être pas le poste de premier ministre le 8 juillet. Le Rassemblement National a pourtant gagné, d'ores et déjà, une bataille peut-être plus importante encore que celle des élections législatives, celle du récit. Un récit en rupture avec les idéaux français.

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L’extrême droite n’a jamais été aussi proche d’accéder au pouvoir en France. Au soir du 7 juillet, par un jeu d'alliances et de désistements, la catastrophe sera peut-être évitée. Le mouvement politique fondé par Jean-Marie Le Pen, polissé par sa fille, Marine, et rendu bankable sur les réseaux sociaux par Jordan Bardella, aura, sans conteste, réussi quelque chose de tout aussi important : imposer un récit. 

Son récit.

Celui d’une nation qui devrait l’essentiel de ses difficultés à l’immigration et à la mondialisation. D’une société en perte de repères sous le coup des revendications féministes ou de minorités sexuelles. D’un art de vivre à la française menacé par l’Islam. D’un pays décadent parce que métissé.

La loi immigration votée en janvier dernier, portée par le parti présidentiel se réclamant du centre, est probablement le symbole le plus manifeste de cette victoire idéologique.

En 2022, chez Frictions, nous documentions ce virage à l’extrême droite, en partant à la rencontre d’une partie de la jeunesse française, persuadée, en cédant au pire des pulsions nationalistes et xénophobes, de “sauver la France”.

Un idéal renversé.

Après cette élection, on ne pourra plus parler de vote protestataire, blâmer l'abstention ou le manque d’alternative. Douze millions de personnes ont apporté un vote d’adhésion à un projet politique raciste, en rupture avec les valeurs de la République. Un projet d'apartheid.

Personnellement, c’est une situation qui me blesse triplement : d’abord en tant que citoyen français inquiet pour l’avenir de mon pays et la sécurité de mes proches, ensuite en tant qu’auteur et dirigeant de média indépendant conscient des menaces sur la liberté d'expression et la poursuite même de mes activités, et enfin, de manière plus intime, en tant que fils d’immigrés algériens, enfant de la classe ouvrière, amer de voir la contribution de mes parents, reçue avec tant de mépris quand, à l’instar de beaucoup de déracinés, ils se sont amputés d’une partie d’eux-mêmes pour faire le pari de la France.

Aujourd’hui, alors que nous dansons au bord du ravin, que nous avons perdu le fil du récit, quel pari faire ? « Empêcher que le monde se défasse » répondrait Albert Camus.
Oui, mais encore ? « Ne pas livrer le monde aux assassins d'aube », ajouterait Aimé Césaire. D’accord, et ensuite ? « Notre avenir, c'est la minute d'après », scanderait IAM.

Parer à l’urgence, donc. 
Libre à nous de croire le chaos irrémédiable ou de nous emparer de ce qui est à notre portée pour l’en empêcher.

C’est parfois dans les heures les plus sombres que l’on produit la lumière la plus pure. En attendant de fonder un nouvel idéal ou de refonder l'ancien, le 7 juillet, votons pour sauver l’essentiel : le commun.

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