
Il n'aura échappé à personne que le remaniement express, effectué par le Président Hollande au lendemain de la "claque" des municipale, a conduit Europe Écologie - Les Verts à prendre la décision de ne pas participer au nouveau Gouvernement conduit par Manuel Valls. Si l'issue pour les écologistes - à travers leur "sortie" du Gouvernement - constitue pour la majorité (semble t'il quand même) de ses militants une bonne nouvelle, elle appelle à quelques commentaires, tant sur les éléments qui ont conduit à la déroute des municipales, qu'à l'agenda que doivent désormais se fixer les écologistes s'ils entendent peser sur l'avenir politique du pays.
Je laisse à d’autres l’analyse exhaustive du scrutin des 23 et 30 mars dernier, mais il est important de comprendre que la défaite historique de la gauche - qui perd en une élection ce qu'elle avait mis 20 ans à construire - et donc succès important pour la droite (et l’extrême droite, mais moins que ce que disent les médias) vient d'abord et avant tout de l’abstention massive de l’électorat de gauche. L'étude des résultats électoraux montre très bien que c'est notamment là où le candidat Hollande avait fait de bons scores que la gauche perd des voix, jusqu'à passer derrière la droite comme dans plusieurs villes d’Île de France. La conquête par la droite d'environ 150 villes de plus de 10 000 habitants tient donc moins à la crédibilité et au message politique véhiculé par l'UMP et l'UDI depuis 2012 qu'à la faible mobilisation des électeurs "de gauche". Selon moi, cette abstention exprime leur forte déception, leur impatience ou leur colère, 22 mois après avoir élu François Hollande, et ce pour mettre en place un changement politique qu'ils attendent toujours. Il revient à l'ensemble des forces politiques de gauche de tirer les leçons de ce scrutin et du message des électeurs-trices, mais pour la majorité des écologistes, le message est clair : la politique gouvernementale n'est pas à la hauteur, ni à celle des enjeux, ni à celle des attentes des Français. Les mesures libérales, austéritaires, inefficaces et peu ambitieuses ont fait leur temps. Il est urgent de mettre en œuvre le changement de cap réclamé depuis plus d'un an par EELV et la « gauche de la gauche », en se tournant vers une politique plus courageuse et ambitieuse en matière d'écologie, de démocratie, de justice sociale et de solidarité.
Hélas le signal envoyé par le Président de la République, tant dans son annonce de remaniement que dans le choix de son Premier Ministre - le plus droitier au PS - apporte l'évidente démonstration que le cap libéral est maintenu. Le discours de politique générale du nouveau Premier ministre mardi l’a confirmé : la priorité reste au Pacte d’(ir)responsabilité et à la baisse des dépenses publiques, assortie il est vrai d’un joli Pacte de solidarité et de grandes annonces (probablement sans lendemain) sur la suppression des conseils généraux et le redécoupage des Régions.
Dans ce contexte, et avant même la confirmation par le discours de politique générale, il ne restait aux écologistes plus qu’à mettre leurs actes en cohérences avec leur analyse politique de la situation, en ne participant pas au nouveau Gouvernement Valls. Je ne reviendrai pas sur les conditions dans lesquelles s’est prise cette décision car l’important réside désormais dans l’agenda que se fixent les écologistes dans cette nouvelle séquence du quinquennat, et à la veille de la manifestation du 12 avril contre l’austérité.
Modestement, je tente d’apporter quelques éléments de réflexion sur la façon dont les écologistes peuvent se positionner pour continuer à faire avancer leurs idées dans la société française, et remporter des nouvelles victoires, visibles ou moins visibles comme sur Notre-Dame-des-Landes, l'EPR ou le diesel.
Premièrement, il convient d’assumer et d’expliquer notre choix de ne pas participer au gouvernement. Si nous sommes fiers du travail de Pascal Canfin et Cécile Duflot au Gouvernement, des avancées qu’ils ont obtenues et mises en œuvre en matière de développement, de logement, et d’égalité des territoires, leur influence n’était pas suffisante pour peser sur une ligne gouvernementale définitivement trop libérale. L’issue des municipales et le choix du remaniement ne laissent aucun doute sur la ligne politique du Gouvernement et sur la perception qu’en ont les Français. Dans ces conditions, la sortie du Gouvernement était inéluctable, pour la simple et bonne raison que – comme le disait une Ministre du Logement lors de ses vœux en janvier - l’écologie n’est pas soluble dans la doxa-libérale. Elle n’est pas non plus compatible avec la social-libéralisme et l’austérité sans lendemain. Cette décision de ne plus participer au Gouvernement – si elle est difficile à accepter pour la majorité des parlementaires écologistes – peut être salutaire pour l’écologie politique en France, si elle démontre que l’écologie n’est pas à vendre contre quelques « places » au Gouvernement, et si elle constitue l’occasion pour les écologistes de se renforcer durablement dans nos territoires et donc dans le rapport de force face à la gauche productiviste, incapable de penser autrement le 21e siècle.
Deuxièmement, les écologistes doivent affirmer clairement leur positionnement. Ce doit être celui de l’exigence vis-à-vis de nos partenaires politiques, mais aussi de l’ouverture vis-à-vis de la société civile (autant les syndicats, associations, collectifs et ONG que les entreprises, les intellectuel-le-s ou les acteurs de la recherche, de l’innovation). L’exigence, nous continuerons de la porter à l’Assemblée nationale et au Sénat, comme nous savons déjà le faire dans les exécutifs locaux. L’ouverture et le dialogue, nous les construirons d’une part à travers des échanges plus étroits avec nos partenaires politiques, et d’autre part à travers des Assises de la transformation écologique et sociale que nous organiserons cet automne en Régions, avec la société civile et les acteurs avec qui nous voulons construire une plate-forme politique alternative.
Troisièmement, le mouvement écologiste doit se (re)mettre en marche autour de quelques grandes mobilisations, et pas seulement les élections européennes, sénatoriales et régionales. Europe Écologie – Les Verts a besoin de se projeter à 2 ou 3 ans et d’affirmer une stratégie. De mon côté, et dans la continuité des propositions portées par la motion LOVE au congrès de Caen, je pensequ’il est indispensable de mettre en œuvre une stratégie de renforcement militant du mouvement écologiste en France.
Après avoir fait de notre travail dans les institutions l’alpha et l’oméga de notre action politique, il est temps de se consacrer au développement local et militant du parti – celui-là même qui nous a permis de faire des bons scores aux municipales, dans les territoires que nous avions « labourés », où nous avions patiemment construit et « semé » depuis plusieurs années – je pense à Grenoble évidemment, mais aussi à Strasbourg, Rennes, Nantes ou l’Île Saint-Denis. Affirmer cette priorité ne signifie pas que nous ne pèserons plus sur les débats politiques et au Parlement - au contraire nous comptons plus que jamais sur nos parlementaires pour faire entendre notre voix – mais il faut consacrer (en lien avec le calendrier électoral) plus de temps et de moyens à notre implantation local, à nos liens avec le « peuple de l’écologie », nos alliés naturels et avec nos réseaux, relais et partenaires dans la société civile.
Cette mobilisation à construire pourrait s’articuler autour de plusieurs initiatives politiques fortes entre chaque élection. Après les élections européennes, et avec l’objectif de peser fortement sur le Gouvernement, les écologistes doivent être à l’initiative d’une mobilisation forte et positive en faveur de la transition énergétique.
A partir de Journées d’été et de l’automne, les écologistes doivent animer le débat politique à gauche en proposant des Assises de la transformation écologique et sociale ouvertes au plus grand nombre. Ce espace politique de travail, à partir d’événements dans nos villes et départements, constituerait également une forme de préparation des élections régionales durant lesquelles nous entendons démontrer que cet échelon est pertinent pour poursuivre la transition écologique des territoires.
Enfin, en parallèle et jusqu’à fin 2015, nous devons préparer la COP21 qui se tiendra en décembre 2015 au Bourget, et soutenir par tous les moyens souhaitables les initiatives politiques et citoyennes qui visent à faire de ce grand rendez-vous international un succès dans la lutte contre le dérèglement climatique.

D’ici là, d’autres rendez-vous vont s’offrir, comme la marche du 12 avril contre l’austérité. Si je ne fais pas de cette initiative du Front de Gauche – prise sans réelle concertation – un rendez-vous incontournable dans notre mobilisation, elle s’organise néanmoins sur des revendications (contre l’austérité, le « pacte de responsabilité » et pour une juste redistribution des richesses) que nous partageons. J’y participerai sans doute, avec d’autres, pour montrer que les écologistes veulent construire l’espoir à gauche. Mais je n’oublierai pas que la gauche et l’écologie, pour convaincre et peser, doivent se réinventer, non pas derrière quelconque figure charismatique ou providentielle, mais derrière des valeurs communes et un projet de société qui tire toutes les leçons du 20e siècle et accorde une place centrale aux principes d’égalité, de sobriété, d’autonomie et de solidarité.