WataYaga (avatar)

WataYaga

Abonné·e de Mediapart

334 Billets

2 Éditions

Billet de blog 8 juillet 2011

WataYaga (avatar)

WataYaga

Abonné·e de Mediapart

Prenez bien soin de votre chat, mademoiselle !

WataYaga (avatar)

WataYaga

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La première histoire se situe vers la fin des années 70. J’avais récupéré une chatte abandonnée avec laquelle s’était aussitôt établie une relation singulière qui m’a toujours parue étrange : la nuit elle venait se lover tout contre moi et à ce moment là, dans mes rêves apparaissait une belle jeune femme, toujours la même, avec laquelle je me promenais dans des paysages magnifiques. Nous parlions ensemble et il y avait entre nous beaucoup de tendresse et de gaîté.

Le jour, c’était une banale chatte tigrée, affectueuse et indépendante à la fois.

Dès qu’elle le pouvait, elle quittait mon appartement pour se rendre chez les voisins, des jeunes –comme moi à l’époque -, qui l’accueillaient avec plaisir, ce qui m’avait permis de faire connaissance avec eux.

C’était une époque où il était facile d’aller les uns chez les autres : pas besoin de prévenir à l’avance et l’heure… Vous avez dit l’heure ? C’est quoi l’heure ?...

On n’avait pas de confort, pas d’argent, pas de travail mais on était solidaire et on se débrouillait avec la récup : l’un repérait des meubles ou des vêtements sur les trottoirs des beaux quartiers, d’autres allaient les chercher avec une vieille bagnole, d’autres encore repeignaient les meubles avec des fleurs et d’autres, toujours, retapaient les fringues, puis chacun(e) venait chercher ce qui lui plaisait dans une ambiance insouciante et rigolarde.

La chatte avait créé les liens et nous en avions profité pour les tisser…

Un soir, je rentre chez moi : pas de chatte ! Je vais chez les voisins à tous les étages : personne ne l’avait vue depuis le matin !

Branle-bas de combat, tout le monde la cherche : en vain.

La nuit, impossible de dormir.

Soudain, j’entends au loin un miaulement pathétique : c’est elle, j’en suis sûre !

Je m’habille à la va vite et je sors dans la rue en essayant de repérer l’immeuble d’où venaient les miaulements et, au passage, pour ne rien négliger, je regarde sous les voitures en criant son nom.

Je me trouve bientôt encerclée par cinq mecs en goguette, genre « bon chic, bon genre » un peu éméchés et égrillards : ils jouent à m’envoyer de l’un à l’autre, en riant et en tenant des propos grivois.

Instant de panique totale : personne d’autre dans la rue….

Soudain l’un d’eux trébuche, je profite de l’ouverture et m’enfuis sous leurs sarcasmes mais je comprends qu’ils sont trop ivres pour me suivre.

Rentrée chez moi, je ne peux fermer l’œil de la nuit et, épisodiquement, j’entends les miaulements désespérés de ma chatte. J’enrage de mon impuissance mais en même temps, cela me rassure : elle est vivante !

Le lendemain matin, je sors dans la cour de l’immeuble et j’entends que les miaulement proviennent d’un autre immeuble, derrière le mur de la cour.

Je regarde dans leur direction, indécise.

Arrive alors un jeune cuisinier tunisien qui travaille dans un restaurant dont la cuisine s'ouvre sur la cour.

En riant, il me demande ce que je fais là, à regarder ce mur. Je me sens un peu bête, mais je lui dis que je pense que ma chatte se trouve quelque part de l’autre côté et, à ce moment là, comme pour confirmer mes paroles nous entendons un miaulement déchirant.

Le jeune homme me demande ce que je compte faire et je lui explique que, soit je fais la tournée des immeubles voisins en frappant à toutes les portes, soit je trouve une échelle et je passe par-dessus le mur.

Il me regarde et éclate de rire.

Sur le coup, je suis vexée et furieuse. Mais avant que j’aie eu le temps d’ouvrir la bouche, avec une souplesse toute féline, il saute par-dessus le mur et disparaît, me laissant là, en plan, sidérée, bouche bée !

Comment a-t-il fait ?

Le temps s’étire paresseusement et il ne revient pas ! Du coup, je suis doublement inquiète et, plus ce maudit temps s’allonge, plus je trépigne d’angoisse.

A tort : le jeune homme revient avec ma chatte dans les bras.

Il m’explique rapidement qu’elle se trouvait dans les toilettes d’un appartement en chantier et qu’elle ne pouvait plus en sortir.

Il me la tend en disant : « il faut que je me dépêche, maintenant je suis en retard pour mon travail ». Et il rajoute goguenard : « bonne journée, mademoiselle et surtout prenez bien soin de votre chat »

Je n’ai pas eu le temps de le remercier : à peine est-il entré dans la cuisine que la porte s'est refermée sur lui.

Je ne l’ai plus jamais revu : d’un jour à l’autre il n’y avait jamais les mêmes cuisiniers dans ce restaurant bas de gamme, mais je ne l’ai jamais oublié ce héros anonyme du quotidien…

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.