CARCASSONNE
Rapide contexte historique de la légende de Dame Carcas :
A partir du VIème siècle av. J.C., les Celtibères, puis les Volques Tectosages installent, sur un éperon rocheux qui domine le fleuve Aude, un oppidum leur permettant de contrôler les voies commerciales avec le bassin méditerranéen. Les Wisigoths en feront un avant-poste défensif de la Septimanie wisigothique devant la poussée franque. Au VIIIème siècle, les Arabes de Al-Andalus y feront une brève apparition avant que la cité ne soit définitivement annexée au royaume de Charlemagne.
Au XIIème siècle, elle connaît une période de prospérité et d’expansion urbaine sous la direction de la puissante famille Trencavel.
La croisade contre les cathares 1209 – 1229
L’hérésie Cathare venue d’Orient s’implante profondément dans le sud de la France (L'Eglise Cathare est dirigée par quatre évêques (Albi, Agen, Toulouse et Carcassonne. La primauté va à l'évêque d'Albi, d'où le nom d'Albigeois donné aux cathares du Languedoc)
Les doctrines cathares et catholiques s'opposent sur de nombreux points. Les cathares rejettent l'église catholique qu'ils qualifient d'église de Satan. L'église voyant son autorité sapée dans le Midi -car la vie des « Parfaits » paraît bien plus exemplaire que les relâchements du clergé catholique-, considère le catharisme comme un danger mortel pour celle-ci.
Le Pape Innocent III envoie trois légats prêcher contre les Albigeois.
Malgré cela, le catharisme se développe aussi bien en Lombardie que dans le Languedoc.
De plus, La cohésion entre les seigneurs du Midi, mise en évidence par leur soutien unanime aux Cathares, laisse craindre une sécession politique et religieuse du Midi.
En 1208, prenant prétexte de l’assassinat de son légat à Saint Gilles du Gard, le pape prêche la « croisade contre les albigeois ».
Des barons, majoritairement français du nord, partent alors en croisade.
Le roi de France Philippe-Auguste ayant refusé d'en prendre le commandement, l'armée croisée est commandée par le légat du Pape. Il faut cependant un chef militaire à l'expédition, et le choix se porte sur Simon de Montfort.
Après la prise de Béziers - (La tradition veut que, alors qu'on lui demandait s'il fallait distinguer les catholiques des cathares, le légat du Pape aie répondu « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ». La véracité de l'anecdote est controversée mais elle résume bien l'état d'esprit de l'homme qui écrira au Pape : « Les nôtres n’épargnant ni le rang, ni le sexe, ni l’âge, ont fait périr par l’épée environ 20 000 personnes et, après un énorme massacre des ennemis, toute la cité a été pillée et brûlée. La vengeance divine a fait merveille ») -, la cité de Carcassonne se rend le 15 août 1209 au terme d’un siège de 15 jours l’eau venant à manquer.
Raymond-Roger Trancavel, vicomte de Béziers et de Carcassonne, négocie la vie sauve pour toute la population qui doit quitter la ville en y abandonnant tous ses biens. Le vicomte sera le seul emprisonné.
Simon de Montfort se fait attribuer les titres retirés à Raymond-Roger Trencavel et devient chef de la Croisade qu’il mène pour son propre profit.
L’inquisition
Cependant, le catharisme reste vivant au sein de la population.
En 1223, l’Inquisition, confiée à l’ordre mendiant des Dominicains, puis des Franciscains par le pape Grégoire IX est mise en place dans le pays.
L’amour du prochain, tel que conçu par l’église au nom de celui du christ, y prend alors l’expression qu’il saura si bien retrouver à l’époque des colonisations. Une prison, le mur, est édifiée à l’extérieur du rempart. En 1312, 163 personnes y sont emmurées tel Bernard Délicieux (1260-1320), lecteur du couvent des Franciscains de Carcassonne qui fut un adversaire des Dominicains et un porte-parole de la colère de la population contre l’inquisition. Il fut torturé et condamné au mur.
Le village de Serres
Tout comme la quasi-totalité des châteaux de la région, celui de Serres fut abattu par les croisés français lors de la guerre contre le Catharisme Occitan. Le village de Serres fut particulièrement éprouvé par l’inquisition. Son église très ancienne offre une particularité intéressante.
Lors d’une restauration récente de son intérieur, nombres de décorations anciennes datant du XIIème Siècle furent mises à jour. Parmi elles une représentation surprenante : juste avant le Chœur, au plafond, sont peintes deux croix chrétiennes dont une portant la mention INRI. Lorsque des Occitans étaient soupçonnés de sympathie Cathares, - sans pour autant être des « Parfaits » ou des « Bons Hommes », ce qui leur aurait valu le bûcher -, ils étaient, bien souvent, condamnés au Mur de Carcassonne. Ceux qui survivaient à cette prison et en sortaient, étaient obligés de porter sur leur vêtement une pièce de tissus jaune représentant une double croix chrétienne. Ils devaient la porter jusqu’à leur mort, sous peine d’être condamné au bûcher. Il est probable que l’Eglise Catholique et probablement l’évêque de Carcassonne, ait voulu rappeler ceci aux habitants de Serres, particulièrement nombreux à être inquiétés par l’inquisition car les anciens sympathisants Cathares étaient non seulement obligés de porter la double croix jaune, mais aussi de suivre les offices religieux catholiques romains du village et ils avaient ainsi sous leurs yeux, tout au long des offices, le rappel de cette double croix et de la menace qu’elle représentait en cas de son renoncement.
LA LEGENDE DE DAME CARCAS
La maison de Dame Carcas
Aux environs du IXème siècle de notre ère, avec son mari le Prince Balaak, Dame Carcas menait une vie tranquille dans une magnifique cité du Sud de la France.
Hélas, Charlemagne, l’empereur de l’époque, ne voyait pas l’installation de Sarrazins d’un bon œil. Aussi, entouré de ses douze pairs et de ses douze cents paladins, suivi d'escadrons et de bataillons sans nombre il vint leur faire la guerre.
Le Prince Balaak rassembla ses chevaliers et sortit livrer bataille à cette armée mais une flèche le tua ainsi que nombre de ses combattants.
Dame Carcas savait que les remparts de la cité étaient si épais et si hauts que personne – y compris l’Empereur et son armée aussi redoutable fut-elle – ne pourrait vaincre l’obstacle.
En effet, après quelques vaines tentatives, l’ennemi encercla la ville et le siège commença. Dame Carcas revêtit l’armure de son mari et s’empara de ses armes et elle prit la tête des chevaliers qui restant.
De ce fait, le siège dura longtemps, de longues semaines d’abord qui se transformèrent en longs mois. A tel point que l’armée impériale commença à murmurer. Ils étaient venus pour combattre, non pour piétiner sous les murs d’une cité imprenable brûlés par le soleil du midi ! Mais l’empereur tint bon. Il était convaincu que la famine pousserait tôt ou tard les habitants à se rendre.
Mais les habitants de la ville préférèrent mourir de faim plutôt que de tomber entre les mains des francs même quand les vivres vinrent à manquer. Au cours des longs mois de siège toutes les réserves de la cité s’étaient peu à peu épuisées. Les soldats se trouvaient dans un tel état de faiblesse qu’ils avaient du mal à combattre. Alors, Dame Carcas imagina une ruse : avec de la paille, elle fit fabriquer des mannequins qu’elle fit vêtir des vêtements et armures des soldats et elle courait de l’un à l’autre en décochant des flèches qui atteignaient toujours leur but. Sa rapidité et son adresse donnaient à ses ennemis le sentiment que son armée était intacte et décidée à en découdre…
Mais au début de la sixième année de siège, il lui fallut bien se rendre à l’évidence : il n’y avait plus rien à manger dans le palais ni dans les quartiers habités par les Sarrazins.
Elle demanda alors à ses soldats d’aller frapper aux portes des quartiers juifs et chrétiens pour leur demander de la nourriture pour ceux qui assuraient la protection de la ville. Les juifs avaient déjà donné tout ce qu’ils avaient et se préparaient pour le dernier combat. Chez les chrétiens, il restait un porcelet et un peu de blé.
Qui allait en profiter?
Dame Carcas sachant que ses chevaliers refuseraient de manger du porc et que, de toute façon, un seul cochon serait de peu d’utilité décida d’un stratagème dont elle fit part à la population inquiète qui s’était réunie et se lamentait :
« Mes chers ami/es, dit-elle, ce goret, va être la solution du piège mortel que nous avons tous et toutes affronté vaillamment…”
Et elle ordonna que l’on nourrisse le cochon avec la dernière mesure de grain sous les yeux médusés des habitants affamés. Puis elle fit assommer le porcelet et le jeta elle-même par-dessus les remparts en disant sur un ton de moquerie méprisante :
- « J’ai entendu vos soldats gémir qu’ils avaient faim, comme cela me fait pitié voici de quoi leur remplir la panse ! »
Le malheureux animal s’écrasa au pied des assaillants et éclata en touchant le sol. De son ventre déchiré s'échappa alors un flot de bons grains. Tous restèrent figés de stupéfaction : on avait tellement de blé à Carcassonne qu'on en nourrissait les pourceaux et qu’on pouvait se permettre de les jeter pour ridiculiser l’ennemi ! Le coup fut fatal au moral des troupes.
Les soldats de Charlemagne commencèrent à grogner :
– “ Comment se fait-il qu’ils aient encore tant de nourriture qu’ils la jettent par-dessus bord ?…Le siège va encore durer des années!… ”.
- "Place débordante de vivres, que celle où l'on donne le froment aux plus viles bêtes !" murmurèrent les barons chrétiens.
L’Empereur dût se rendre à l’évidence : il lui fallait lever le camp sous peine de devoir affronter une mutinerie.
L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais la légende rajoute ensuite que, voyant les troupes lever le siège et partir, Dame Carcass fit sonner les cloches de la ville à toute volée, ce qui fit dire à l’aide de camp de Charlemagne:
“ Sire, Carcas sonne, Carcas sonne! ”
C’est ainsi que la ville de Carcassonne fut nommée, il y a plus de mille ans, dans le sud de la France.
Dame Carcass fit preuve d’une grande sagesse en accomplissant un acte d’apparente folie qui surprit ses ennemis et sauva son peuple.
On peut toujours visiter aujourd’hui les imposants remparts de la ville.
Ainsi que son Mur sinistre, mais c’est une autre Histoire…
La légende de Dame Carcas à Carcassonne | PATRIMOINE ...
Cette partie de l’histoire de Dame Carcas est très connue (du moins dans la région) mais j’ai entendu, dans l’Ardèche lors d’une veillée de contes avec des ancien/nes une vieille femme raconter la rencontre de Dame Carcas et de son époux. (C’était d’ailleurs la première fois que j’entendais parler de Dame Carcas). Elle disait qu’en réalité (la réalité des contes, bien sûr !), à l’origine elle n’était pas une Sarrazine mais une jeune fille délurée du pays qui avait fâché le seigneur du lieu en protégeant par toutes sortes de ruses les animaux qu’il voulait chasser. Un jour que celui-ci avait voulu s’attaquer à elle, elle s’était vaillamment défendue mais n’avait dû sa survie qu’à l’intervention de Balaak.
Cependant, cela fait longtemps que je l’ai entendue et je n’ai retrouvé par la suite aucune trace de cette version, dommage car elle mettait en scène une jeune fille espiègle et sensible….et ce dont je me souviens est insuffisant pour écrire un récit cohérent…
Dame Carcas est certainement un personnage imaginaire, mais le fait qu’il ait été inventé me semble démontrer que les Sarrazins faisaient moins peur à nos ancêtres que les francs et l’église catholique….
watayaga@hotmail.fr