Avertissement : ceci n'est ni un compte-rendu ni une prise de notes fidèle, ce n'est que quelques grapillages que je souhaite les plus fiidèles possibles aux propos tenus lors de cette demi journée très intense.
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Je ne vais pas faire un compte-rendu circonstancié de cette journée passionnante – enthousiasmante et déprimante à la fois - car ma mémoire me fait défaut pour retranscrire tout ce qui a été dit et par qui exactement, mais tout au long j’ai pensé au billet de JEAN-PAUL BOURGÈS "La France n’est plus un pays de cocagne ?" car il m’est apparu qu’a travers les films présentés et les propos tenus par les représentants Amérindiens présents transparaissait – au-delà des souffrances endurées – le schéma du processus de démoralisation des populations à l’oeuvre depuis des siècles dans notre pays et sans doute dans nombre de pays européens qui ont suivi un cheminement civilisationnel similaire – les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Il me semble que la dépossession de cette forme de puissance individuelle qui s’exprime au travers de
liens familiaux forts – en particulier avec les enfants et les anciens-,
la solidarité communautaire,
une relation forte et respectueuse avec le monde naturel,
la liberté de mouvement et d’expression des enfants
empêche les personnes d’acquérir une image positive d’elles-mêmes et, donc de résister en les amenant à se sentir totalement impuissantes face à l’autorité surtout quand celle-ci fait usage de la force brutale.
Le rôle d’asservissement de l’institution scolaire que je vois à l’oeuvre ici où l’école nous a été vendue (de force, il ne faut pas l’oublier...) comme « libératrice » (ce qui paraissait et ne pouvait être qu’incontestable face à l’exploitation éhontée des enfants par le patronat), n’est pas anodin dans le processus généralisé d’acculturation qui engendre des clivages intergénérationnels au sein des familles et crée des générations qui perdent le lien avec leurs ancêtres tout en restant discriminés dans la société qui leur impose cette rupture.
Dans un film brésilien sous-titré en anglais j’ai réussi à choper quelques passages qui nourrissent cette réflexion – car il me semble essentiel, au-delà d’une émotivité que provoque la visualisation de la violence féroce à laquelle ces peuples sont confrontés parce qu’ils osent encore risquer leur vie face à une oppression dont nous oblitérons inconsciemment l’extrême brutalité dont elle est capable - y compris à notre égard si nous sortons des clous -,, de prendre conscience que ces peuples en sont au début d’un processus qui a détruit nos ancêtres au fil des siècles pour aboutir à notre reddition consentante.
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Par exemple, un groupe d’Indiens fuient les maladies importées par les colonisateurs et arrivent dans une mission. Le prêtre qui les a reçus dit : « quand ils sont venus ils étaient en train de mourir. Pour survivre il fallait qu’ils se soumettent. Ils se sont soumis et ils ont survécu... On leur apprend à lire, à écrire, ils se sont convertis au catholicisme, ont travaillé... »
A travers ces propos on voit bien que la seule alternative possible est de se soumettre ou de mourir (« de s’adapter ou de disparaître » avait déjà déclaré un président us au 19ème siècle...)
A propos de l’école ces Indiens parlent d’un « lieu de réclusion », cela m’a ramené au concept « d’école caserne » ( Chronique de l'école caserne - Champ social de Fernand Oury. Jacques Pain.), ainsi qu’à mes souvenirs d’enfance et à ce que j’observe quotidiennement du fonctionnement majoritaire de cette institution dans les quartiers populaires que je fréquente (mais les échos que j’ai des établissements plus « hauts de gamme » ne sont pas vraiment réjouissant en terme de respect de la personne des enfants)....
Quand j’étais enfants, je me demandais quel crime nous avions commis pour qu’on nous mette en prison. Rarement j’ai ressenti l’institution scolaire comme autre chose qu’un endroit d’enfermement et lorsque cela a eu lieu, j’étais comme une plante desséchée qui recevait de l’eau et reprenait vie.
Lorsque les Indiens interviewé parlent de la culture du soja qui s’est répandue autour de leurs villages, les encerclant, j’ai repéré un subtil clivage entre les formulations d’un homme et celles d’une femme.
L’homme disait que « ce serait facile de gagner de l’argent en cultivant le soja et (qu’)ainsi tout le monde serait heureux ». La femme, elle, affirmait que si les blancs sont fils de dieu, les Indiens aussi le sont. Elle ajouta que les blancs ne comprennent pas le rapport à la terre.
Ils disaient aussi qu’ « avant l’arrivée des blancs, ils n’avaient pas de maladie car les femmes utilisaient les plantes traditionnelles qui devenaient de plus en plus difficiles à trouver.
Quand la communauté vivait selon ses propres conceptions personne ne manquait de rien parce que tout était partagé en fonction des besoins de chacun. Ce n’était pas du troc, ni de l’échange donnant-donnant mais maintenant il faut tout payer avec de l’argent. Tous les profits ne servent qu’à avoir plus : les Indiens chassaient pour partager avec tout le monde alors que les blancs accumulent l’argent pour eux-mêmes. »
Les blancs vont finir par tuer leur culture celle-ci est déjà en train de disparaître parce qu’ils n’en peuvent plus et que les jeunes « n’aiment que les blancs mais ils ne seront jamais blancs ». Seulement ce dont les blancs ne se rendent pas compte c’est que leur mode de vie les tuera comme ils tuent les Indiens car ils détruisent ce qui fait la vie aussi bien pour eux que pour le reste de la planète.
Chaque peuple Indien a ses problèmes et ils n’ont pas beaucoup d’espoir mais tant qu’ils seront vivants ils continueront de manger les fruits de la forêt et de défendre la flore et la faune de leur terre contre la destruction de la végétation faite au nom de la production du soja dans le Mato Grosso qu’ils comparent à une mer qui les encerclent.
Beaucoup d’autres problématiques ont été évoquées dans ce film mais je ne suis pas arrivée à tout comprendre suffisamment bien pour en parler ici.
Ce qui m’a particulièrement touché c’est la difficulté des jeunes qui sont écartelés entre deux cultures dont l’une leur paraît séduisante mais les disqualifiera en tant qu’Indiens une fois qu’elle les aura piégés et l’autre, ultra minoritaire ne semble pas avoir d’avenir.
Dans ce cadre difficile pour les parents de transmettre leurs traditions. Mais n’en sommes nous pas là, nous aussi, car le clivage intergénérationnel s’opère à un rythme accéléré et la génération des parents d’adolescents actuels sont souvent désemparés devant les comportements de ceux-ci, autant il me semble que nos parents l’étaient devant les OVNI que représentaient pour eux les jeunes de la génération des années 60/70.
De plus, les enfants d’immigrés rencontrent les mêmes problèmes de disqualifications sociale et culturelle de leurs famille que ceux ma génération quand ils étaient issus de milieux paysans ou/et ouvriers.
Avoir honte de sa famille - et donc de ce que l’on est – est une épreuve très difficile à dépasser.
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Ensuite il y a eu une table ronde autour de la Déclaration de la protection de la Pachamama (Terre Mère) en présence de Sergio Cacéres, Ambassadeur de l’état plurinational de Bolivie auprès de l’UNESCO qui a développé le concept de « la Terre Mère » qui n’existe pas dans le droit international.
Jusqu’en 2005 l’espace du pouvoir n’appartenait pas aux Indiens qui ne représentaient qu’une base de travail et d’électeurs pour entretenir l’élite au pouvoir.
L’Etat de Bolivie est un état plurinational qui est constitué des 36 nations Indigènes (2009 vote de la constitution).
Il a été développé la notion du « vivre bien » : « nous les Indigènes nous ne voulons pas « vivre mieux », nous voulons « vivre bien », c’est à dire être en harmonie avec la nature et les uns avec les autres. C’est notre façon de penser ».
Cela les a amené à faire une « Déclaration des Droits universels de la Mère Terre » : la Terre s’en sortirait mieux sans nous mais nous, nous ne nous en sortirions pas sans elle. Il est donc vital de vivre en équilibre et en harmonie avec la Mère Terre pour vivre bien en récupérant les savoirs ancestraux (loi cadre). Les pays du nord s’y sont opposé car ils la trouvent incongrue parce qu’elle fixe la non prescription des crimes commis contre la Mère Terre : cela a été refusé par les états et les entreprises mais ils ont l’espoir que les populations dans le reste du monde feront pression sur leurs gouvernements.
Le 21 décembre 2012 le gouvernement bolivien a invité tous les peuples du monde pour une grande réunion autour du nouveau cycle qui commence. Il a été parlé de « fin du monde » mais pour les Indiens il s’agit de la fin d’une ère et du début d’une autre : c’est la vraie vie qui pourra commencer si les peuples prennent leur destin en main.
Il est fondamental pour la protection effective des droits humains à l’eau, à l’air, à une nourriture saine etc. de prendre toujours en compte la protection et le respect des droits de la Terre Mère comme un être, un système vivant dont l’humanité fait partie. Ce qui implique de ne pas suivre le modèle de développement des pays du nord : le développement doit inclure la réparation des torts commis à l’encontre de la Mère Terre.
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Jeneda Benally Nation Dine / Navajo
Sur notre réserve notre langue est maintenant enseignée dans les écoles. Nous nous battons pour la survie de notre culture. Il y a beaucoup de problèmes très pressants et beaucoup de ces problèmes sont partagés par les autres Nations Indiennes (elle arrête sa prise de parole pour aller consoler sa fille qui pleure)
Clayson Benally Nation Dine / Navajo
Un des moyens de garder notre culture c’est de garder notre lien à la Terre qui pour nous est un être vivant féminin. Nous faisons des cérémonies dans le but de maintenir l’équilibre et l’harmonie avec la Terre.
Notre père (Jones Benally) est un medecin man qui travaille avec les médecins des hôpitaux.
Aux usa c’est le colombus day qui est célébré. Pour moi c’est un mythe. Il y a beaucoup de stéréotypes et de racisme.
La plupart des politiques à l’égard des Indiens ont consisté à « sauver l’homme en tuant l’Indien » et cette politique est toujours en place.
Mon père n’est allé dans les pensionnats où l’on envoyait les enfants arrachés à leurs familles qu’à l’âge de 20 ans, il a eu de la chance car il parle sa langue et connaît et pratique les cérémonies. Ma soeur et moi quand on allait à l’école on n’avait pas le droit de parler le Dine et cela dès la maternelle. C’est seulement à partir de 1993 que le Dine a été enseigné dans les écoles mais en tant que langue étrangère ce qui est très frustrant car quand votre langue ne vous sert pas pour apprendre les matières enseignées c’est comme si elle n’avait aucune utilité.
Notre éducation nous vient de notre père. Il enseigne les plantes médicinales. Aujourd’hui six personnes pratiquent cette médecine. Les cérémonies sont très compliquées et se font dans le respect de la nature. On mène de nombreuses luttes pour tenter de protéger les plantes sacrées.
La montagne sacrée qui s’appelle le mont San Francisco a été désacralisé : les eaux usées ont été utilisées pour être transformées en neige artificielle très toxique (elle contient des éléments chimiques et des virus que l’on ne peut pas traiter).
Les tribunaux américains se sont montrés plein de préjugés et peu respectueux des droits autochtones.
Je veux vous remercier de votre soutien même si nous avons perdu. Lorsque nous avons perdu le réseau de ski a voulu nous attaquer en justice. Ils continuent à nous poursuivre et veulent faire enlever sa licence à notre avocat. La lutte pour le respect de cette montagne sacrée existe depuis 1970 et personne n’a jamais été d’accord pour que cette piste de ski soit construite.
Il y a eu un cas précédent qui nous opposait au département des forêts et à cette occasion il a été déclaré que les peuples indigènes « n’avaient aucun droit sur les terres publiques ».
La ville de Flagstaff se trouve à 1h du grand canyon ; c’est là qu’il y a le plus d’hôtels dans la région. Elle a accepté, avec un contrat de 20 ans de vendre les eaux usées pour le ski bien que nous soyons dans une zone de sécheresse. Ils veulent faire croire que ces eaux ne présentent aucun danger.
Si vous écrivez personnellement (ils ne tiennent aucun compte des pétitions) à la ville de Flagstaff que vous aviez l’intention d’aller visiter le grand canyon mais que vous n’irez pas à Flagstaff à cause de l’utilisation qui est faite des eaux usées mais que si cela changeait vous n’auriez plus aucun problème pour vous y rendre, cela pourrait avoir du poids car ils ne connaissent que l’argument de l’argent.
A suivre....