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Billet de blog 18 février 2013

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"La joie que donne le partage n'est pas négligeable " ou l'économie du don

"La joie que donne le partage n'est pas négligeable non plus"Citation d'un commentaire de Jonasz ICIDans le texte qui suit, je tente de penser une autre économie qui serait entièrement fondée sur le plaisir et qui ne s'appuie pas sur celles inventées par l'occident qui ont toutes des relents de religions qui prônent la souffrance comme valeur salvatrice. Souffrance des un/es abondance délirante des autres sont les deux faces d'une même médaille qui s'appelle avidité matérielle, l'avidité étant toujours engendrée par le sentiment de manque même au milieu de la richesse la plus effroyable : ne rien perdre, avoir toujours plus pour combler un vide intérieur semblable au Le tonneau des Danaïdes Je m'appuie donc sur des références issues de différentes cultures non occidentales et donc cela n'a rien d'une recherche d'exactitude ethnographique concernant un peuple particulier, l'économie du don se pratiquant dans le monde entier, y compris dans nos banlieues comme je viens d'en avoir la confirmations supplémentaire (je l'ai vécue moi-même ici en vivant avec des Africains) en lisant le livre d'Aurélie Foulon et Mara Kanté Préjugé(s) coupable(s)Ce n'est donc qu'une amorce de réflexion mais il me semble qu'il serait nécessaire que nous la menions si nous voulons sortir de notre enfermement mental.le texte ci-dessous s'inspire principalement de sociétés amérindiennes et aborigènes mais je suis convaincue que des personnes issues de cultures africaines (nord et sub sahariennes) et asiatiques y retrouveront des éléments de leurs conceptions relationnelles.

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"La joie que donne le partage n'est pas négligeable non plus"

Citation d'un commentaire de Jonasz ICI

Dans le texte qui suit, je tente de penser une autre économie qui serait entièrement fondée sur le plaisir et qui ne s'appuie pas sur celles inventées par l'occident qui ont toutes des relents de religions qui prônent la souffrance comme valeur salvatrice. Souffrance des un/es abondance délirante des autres sont les deux faces d'une même médaille qui s'appelle avidité matérielle, l'avidité étant toujours engendrée par le sentiment de manque même au milieu de la richesse la plus effroyable : ne rien perdre, avoir toujours plus pour combler un vide intérieur semblable au Le tonneau des Danaïdes

Je m'appuie donc sur des références issues de différentes cultures non occidentales et donc cela n'a rien d'une recherche d'exactitude ethnographique concernant un peuple particulier, l'économie du don se pratiquant dans le monde entier, y compris dans nos banlieues comme je viens d'en avoir la confirmations supplémentaire (je l'ai vécue moi-même ici en vivant avec des Africains) en lisant le livre d'Aurélie Foulon et Mara Kanté Préjugé(s) coupable(s)

Ce n'est donc qu'une amorce de réflexion mais il me semble qu'il serait nécessaire que nous la menions si nous voulons sortir de notre enfermement mental.

le texte ci-dessous s'inspire principalement de sociétés amérindiennes et aborigènes mais je suis convaincue que des personnes issues de cultures africaines (nord et sub sahariennes) et asiatiques y retrouveront des éléments de leurs conceptions relationnelles.

La plupart des peuples anciens considèrent l’accumulation de biens matériels comme une marque de souffrance, de faiblesse constitutionnelle de la personnalité, une défaillance dans la construction de l’être en tant qu’humain et non comme quelque chose d’enviable ou d’honorifique.  Pour eux, la notion de propriété n'a de sens qu’en ce qu'elle permet le don.

Ils éprouvent du plaisir à offrir. Les personnes actives apportent de la nourriture aux anciens, aux infirmes,  offrent des cadeaux aux orphelins... Mais elles ne le ressentent pas comme une obligation extérieure, un  devoir pesant, quelque chose de pénible qui procure du désagrément aussi bien à celui qui se sépare de ses biens pour soulager momentanément sa mauvaise conscience par la charité qu'à celui qui reçoit qui paye le prix fort en subissant l'humiliation et le sentiment d'indignité liés à une générosité qui ne provient pas du plaisir que l'on prend soi-même à faire plaisir... Pour elles cela émane plutôt d'une nécessité intérieure de partager le plaisir pris à donner et à recevoir. C'est du domaine du ressenti relationnel et non de l'ordre du matériel.

Cette pratique du don fonde une économie égalitaire au sein du groupe. Ainsi, personne ne devient un fardeau pour la société mais, au contraire, ceux que l’âge où le handicap rendent dépendants représentent un moyen pour les personnes en recherche de notoriété de l’acquérir grâce à l’admiration que leur vaut leur générosité puisqu'être généreux témoigne de l'équilibre mental et du degré de sagesse atteints par un individu. Cela fait que ceux qui se trouvent dans l’impossibilité  de subvenir à leurs besoins ne souffrent pas de privations.

Dans ces sociétés on considère que même l'idiot, même le paresseux apportent quelque chose au groupe. Le  trickster lui-même peut se révéler indispensable à la survie de sa société..

Le don n’est pas que matériel, ainsi quelqu’un qui n’a pas de bien matériel peut créer une mélodie plaisante ou un texte profond qu’il peut offrir à une personne qui en retirera du plaisir. Ce don immatériel est considéré comme particulièrement précieux car celui qui ne possède pas de chanson ou de poème en propre est considéré comme malheureux car souffrant de pauvreté intérieure.

Donner amène à recevoir et la seule valeur de cet échange informel consiste en celle de l'intention de faire plaisir et non en celle d’une quelconque valeur matérielle du don.

Le don peut se dérouler dans une relation individuelle mais aussi donner lieu à des cérémonies.

Ces cérémonies qui reposent sur un concept de confiance réciproque permettent une redistribution des biens. De plus, plus une personne veut acquérir de prestige aux yeux des autres plus elle doit donner. Le don en fait un personnage digne d'intérêt et susceptible d'accéder si, par ailleurs ses compétences dans la résolution des conflits et sa compassion à l’égard des autres sont reconnues, à de hautes fonctions. La cérémonie consiste donc, à l'occasion d'un événement familial marquant, à donner tout ce que l'on possède aux autres membres du groupe, sachant que l'on pourra compter sur la générosité de celui-ci en retour pour ne pas tomber dans le dénuement !

La valeur d’un individu n'existe que par ses qualités personnelles et il prouve dans cette circonstance qu'il est au-dessus des contingences matérielles et que le groupe auquel il appartient a plus de valeur à ses yeux que son bien-être matériel individuel. De plus, il témoigne par ce don de la confiance absolue qu’il a en les autres membres du groupe.

Sans propriété individuelle le don n’est pas concevable.

Cependant, l'augmentation des biens de chacun, si elle va au-delà de ce qui est nécessaire pour vivre décemment ne suscite que défiance et mépris. L’idéal de générosité qui est pratiqué, associé aux honneurs rendus à ceux qui se défont de leurs biens pour les partager et procurer bien-être et plaisir aux autres, rendent le don désirable.

Les biens matériels n’ont de valeur que par l’utilisation qu’on en fait et non par leur accumulation et les offrir représente l'utilisation la plus pertinente quand on en a plus que nécessaire pour son bien-être fondamental.

Par ailleurs, le don est considéré comme un plaisir que l’on se fait à soi-même à travers le plaisir que l’on procure à une autre personne que l’on aime, que l’on apprécie ou à qui on souhaite apporter un soutien symbolique, à un moment propice, dans son cheminement personnel. Celui/celle qui le fait n’en attend donc aucune reconnaissance, aucun remerciement car sinon il serait considéré qu’à travers ce don il/elle tenterait d’acheter la liberté de la personne à qui il/elle le fait. Ce qui explique que chez certains peuples quand quelqu’un/e souhaite se faire plaisir en offrant un cadeau à une autre personne, il/elle dépose le cadeau à un endroit où cette personne le trouvera en son absence.

L’objet offert fait toujours courir le risque à la personne à qui il est donné de s’attacher à la valeur matérielle de cet objet plus qu’à sa valeur affective et donc de sombrer dans l'avidité. Donc celui/celle qui offre ne survalorise pas la valeur du don qu’il/elle fait car il/elle a conscience que celui-ci peut représenter un piège pour la personne qui le reçoit si elle se trouve dans un état de fragilité intérieure.

Souvent, c’est seulement à la mort d’une personne qu’est révélée l’aide que celle-ci a apporté à d’autres personnes. Le prestige en rejaillit alors sur les membres de sa famille – en particulier les enfants orphelins – dont tout le groupe prendra soin par sentiment de gratitude admirative.

A suivre…

Pour illustrer cette réflexion un conte moderne des aborigènes d'Australie que j'ai entendu raconté par Plume d'Aigle flottante :

LA BOITE JUSTE

Il était une fois une petite fille qui  était allée dans la forêt pour ramasser des baies. Son panier était à moitié rempli quand elle entendit un appel au secours pressant. Elle laissa son panier sur place et courut en direction de la voix. Elle arriva sur le bord d'un torrent et vit au milieu des eaux bouillonnantes une vieille femme qui s'accrochait à une pierre pour ne pas être emportée par le courant. La petite fille ne savait pas quoi faire mais ses yeux tombèrent sur un long et solide morceau de bois qu'elle traina avec difficulté car il était trop lourd pour elle et réussit après bien des efforts à poser sur la pierre de telle sorte que la vieille puisse s'y accrocher pour sortir de l'eau.

Une fois sauvée la vieille dit

- "Merci, tu m'as sauvé la vie",

la petite fille lui répondit : "c'est normal de tout faire pour sauver la vie de quelqu'un qui est en danger".

La vieille lui sourit et lui dit : "viens avec moi, je veux te faire un cadeau"

- "Ah! Non Madame, ce n'est pas la peine de me faire un cadeau, je suis heureuse de vous avoir aidée"

- "Non, ce n'est pas pour te remercier mais parce que cela me fait plaisir, c'est mon cœur qui me le dit"

- "Alors si c'est votre cœur qui le dit, je suis d'accord"

La vieille emmena la petite fille jusqu'à une hutte de branchages et lui dit :

- "Assieds-toi sur cette pierre et attends-moi, je ne peux pas te faire entrer dans ma maison car vois-tu je suis une sorcière et il y a des objets très puissants qui pourraient te blesser. Attends-moi, je reviens avec mon cadeau"

Quelques instants plus tard la vieille revint avec une boite arrondie et elle lui expliqua :

"Tu vois, cette boite : elle n'est ni bonne ni mauvaise, elle est juste. Si tu lui demandes quelque chose elle te le donnera mais tu devras lui donner en échange quelque chose qui a de la valeur pour ton cœur."

- "Oh ! Merci, madame"

- "Non, ne me remercie pas, c'est mon plaisir de t'offrir cette boite, je le fais de bon cœur, mais souviens-toi que c'est une boite juste !"

La petite fille retourna dans sa maison toute contente.

Elle posa la boite sur une jolie natte et se demanda :

- "qu'est-ce que je pourrais bien demander à la boite ?"

(si on raconte cette histoire à des enfants, il y en a souvent un qui se souvient du panier de baies laissé sur place)

- "Ah ! Oui, mon panier ! Belle boite est-ce que tu peux me ramener mon panier ?"

La boite se mit alors à faire "tchac a tchac tchac a tchac BOUM !" et le panier se trouva devant la petite fille tout rempli de baies succulentes.  Elle sauta de joie ! "Super !" et se régala d'une partie des baies puis elle se souvint qu'elle devait donner quelque chose à la boite. (on peut alors inviter les enfants à dire, s'ls en ont envie, ce qu'ils donneraient)

- "Ah oui ! Mon bracelet, je l'aime bien, il va me manquer, mais je vais le donner à la boite." Elle dépose le bracelet dans la boite qui fait : "tchac a tchac tchac a tchac BOUM !" et le bracelet disparait.

Ensuite, selon les propositions les plus courantes des enfants : elle demande tout ce qu'il faut pour faire une super fête avec ses ami/es et offre un dessin en échange puis demande un livre de contes pour lire avant de s'endormir et offre un collier mais cela peut être bien d'autres choses : c'est un conte interactif)

Finalement, la petite fille va se coucher en posant la boite sur le rebord d'une fenêtre ouverte (il fait chaud) près de son lit.

Ce qu'elle ne savait pas c'est qu'un homme l'avait observé toute la journée et que cet homme s'était dit :

- "Cette petite fille est d'une bêtise révoltante : elle ne demande que des futilités à cette boite magique, elle n'en fait pas une bonne utilisation. Moi, je sais comment utiliser cette boite de façon sérieuse et productive, il est donc normal que je la lui prenne puisque j'en ferai une utilisation supérieure, infiniment plus raisonnable et intelligente" Et il s'empara de la boite pour la ramener chez lui. Il habitait une grande maison de pierre luxueuse. Arrivé chez lui, il posa la boite sur une table, ferma tous les rideaux pour que personne ne le voit et demanda :

- "Belle boite donne-moi un sac d'or !"

La boite fit alors : "tchac a tchac tchac a tchac BOUM !"et un gros sac rempli d'or apparut. L'homme fut content quelques instants mais il se dit : " J'ai été presqu'aussi stupide que cette gamine : les diamants ont beaucoup plus de valeur que l' or : belle boite, donne moi des diamants, beaucoup de diamants". Encore une fois la boite fit : "tchac a tchac tchac a tchac BOUM !"et un énorme sac rempli de diamants apparut (à ce moment de l'histoire la plupart des enfants interrompent le conte pour s'exclamer : "mais il n'a rien donné à la boite, elle n'aurait pas dû lui donner les diamants" et là on peut leur préciser que la fin de l'histoire leur donne raison car) l'homme en voyant cet énorme sac de diamant devient tout excité et s'écrie : "belle boite, encore des diamant, plus de diamants..." Mais la boite reste silencieuse. L'homme n'avait pas pris en considération le fait que la petite fille faisait des cadeaux à la boite car cela lui avait paru une lubie de gamine arrièrée : quelle idée stupide d'offrir quelque chose à une chose inerte qui vous procure tout ce que vous lui demandez ? Donc, cette idée ne l'a même pas effleuré, il a pensé que la boite était en panne et il a plongé sa main et son avant bras dans la boite pour voir s'il n'y avait pas un mécanisme à remettre en route.

Alors la boite se mit  à faire "tchac a tchac tchac a tchac BOUM !" et la main et l'avant bras de l'homme disparurent instantanément. L'homme prit peur : "Cette boite n'est pas bonne, comme je le croyais, elle est mauvaise, diabolique ! Cette gamine est une sorcière qui va me détruire si je ne lui rends pas sa maudite boite !"

Alors, à toute vitesse, il a couru jeter la boite devant la fenêtre de la petite fille et il est retourné chez lui.

Le lendemain matin, la petite fille s'est réveillée en pensant à sa boite. Mais celle-ci n'était plus là où elle l'avait laissée, sur le rebord de la fenêtre. Elle se dit que, peut-être, elle est retournée chez la vieille femme et que c'est bien ainsi parce qu'elle en a bien profité la veille. Finalement son regard se pose sur le sol au-delà de la fenêtre et elle voit la boite. Elle sort pour la ramasser et remarque qu'il y a quelque chose d'écrit sur la boite. Elle comprends que c'est son nom : elle le lit et voilà : le nom de la boite, c'est "la Terre" car la Terre est notre Mère qui nous donne tout ce dont nous avons besoin pour vivre mais qui en retour nous demande de prendre soin d'elle avec notre cœur. Elle n'est ni bonne ni mauvaise : elle est juste.

A mettre en relation avec ce billet pour comprendre la différence des points de vue concernant la relation au monde : Uranium : défaite majeure d'Areva en Australie

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