En ce moment, je ne sais pas si vous avez remarqué mais c'est la canicule....
Je fais des animations avec les enfants qui ne partent pas en vacances.
Je suis malade et déjà bien fatiguée habituellement, mais là, avec la chaleur, plus la pollution qu'elle induit, je rampe... (ce n'est pas pour ma plaindre : je fais un boulot qui me plait, mais pour donner les éléments du drame...)
Les enfants, eux, la chaleur ne semble pas les assommer et cela peut-être d'autant plus que leurs origines les en ont immunisés (ce qui n'est pas valable pour tous, c'est plutôt une boutade !)
Comme je fatigue vraiment très vite, au bout de deux heures d'attention soutenue à leurs besoins, d'écoute attentive, je sens que j'ai usé mes batteries, je sors l'arme fatale aux petits de cinq-six ans qui se chamaillent sans cesse tout en voulant rester ensemble : des photocopies de Pikachu qu'il colorient avec avidité, découpent patiemment puis utilisent pour des combats épiques pendant que je raconte des histoires ou lit des livres aux autres.
Mais au bout d'un moment leurs chamailleries reprennent. Alors, je sors d'autres photocopies de Pikachu, de petites boîtes de mini crayons feutres et je plie bagage.
Quand ils me remercient, ce qu'ils font toujours, je leur dis : "surtout pas, ce n'est pas un cadeau !" parce que je sais bien que je fais cela pour me débarrasser d'eux, parce que je n'ai ni la patience ni l'énergie de les aider à résoudre leurs conflits en les écoutant et en les soutenant dans la recherche de leurs propres solutions (ce qui est "efficace" parce que précédemment, ce n'est pas avec des mots ou des cris qu'ils se chamaillaient mais en se tapant dessus. Maintenant, ils discutent et font appel à moi quand ils sentent que cela va déraper, c'est à dire relativement souvent...).
Aujourd'hui, je réfléchis à cette pratique nouvelle pour moi qui ne me satisfait pas et j'en arrive à la conclusion que j'achète ma tranquillité avec du matériel.
Même s'ils ont eux-mêmes transformé les photocopies en objets de soutien de leur imaginaire, il s'agit quand même d'un imaginaire "cadré". Comme ils n'ont pas les moyens d'avoir des "ds" et ce qui va avec, cela leur donne l'illusion de partager la "culture" commune des autres enfants ce dont ils sont avides. Tous les enfants sont en recherche de "conformité" au modèle ambiant. Même si ces photocopies les ont soutenus dans cette démarche, cela est contradictoire avec mon objectif qui est de leur offrir une ouverture sur la création artistique pour élargir leur imaginaire. Car, là, je ne trouve pas que ce soit vraiment le cas !
Mon objectif dans cette situation précise, n'est pas de prendre soin d'eux mais est la conséquence d'une incapacité physique et psychologique à le faire. Donc, non, je ne souhaite pas être remerciée pour cela. Je ne veux pas que l'on me remercie pour un don matériel : c'est le don le plus facile que l'on puisse faire à un enfant.
Passer du temps avec lui, être à son écoute, le soutenir dans ses débordements émotionnels, prendre du plaisir à sa compagnie, rire avec lui, le nourrir culturellement et affectivement sont les seuls vrais cadeaux que l'on puisse lui faire : ce ceux qui nourrissent son estime de soi, son sentiment d'avoir de la valeur, d'être une personne à part entière. Remercier pour un bien matériel est, il me semble, un retournement des valeurs dans lequel les relations humaines ont moins d'importance que les possessions.
Certains peuples moins "développés" que nous dans la course au matériel, mais bien plus que nous dans la prise en compte des valeurs relationnelles, comme les Lakota (mais pas que...) prient quand ils font un cadeau pour que la personne à qui ils veulent l'offrir ne soit pas attachée à sa valeur matérielle et considèrent que c'est la personne qui fait le cadeau qui se fait plaisir en l'offrant. Donc pas de recherche de gratitude ou de retour de don.
Plus je vieillis, plus je comprends cette vision des choses, plus je la partage.
Donc, : "s'il vous plaît, ne me dites surtout pas "merci" ! "
watayaga@hotmail.fr