Ce conte m'a été raconté par une assistante maternelle Irannienne portant foulard. Une femme d'une gentillesse exquise et très attentionnée à l'égard des enfants dont elle a la charge. J'ai trouvé sur gogol un texte qui l'évoque, il semblerait que ce soit un conte moderne contestataire, j'ai mis le début de l'article qui l'analyse et le lien pour aller plus loin (deux autres contes sont cités dont une belle analyse de la chèvre et de ses biquets que je n'avais jamais vu sous cet angle là !)...
Ce texte est une retranscription de ce conte raconté oralement, il peut donc y avoir des variations par rapport à un éventuel écrit de référence que je ne connais pas et n'ai pas trouvé....Mais ainsi va l'oralité...
Un père juste avant de mourir dit à sa fille : « toi, Tante cafarde, fille trop bavarde à la langue acérée, qui voudra t’épouser ? Va donc à Hamedan voir Ramedan peut-être lui, en souvenir de notre amitié passée, te trouvera-t-il un mari. »
La jeune fille mit sur sa tête un tchador rouge et à ses pieds des souliers couleur rubis et aussitôt partit.
Sur la route elle rencontra un marchand qui lui demanda :
« Où vas-tu donc Tante Cafarde ? »
« Tante Cafarde est le nom maudit que m’a donné mon père, ne m’appelle pas ainsi ! Dis :
"Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ?"
Et alors je répondrai à ta question ! »
Le marchand, surpris, obéit et dit :
« Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? »
Et elle répondit :
« Je vais à Hamedan
Rencontrer Ramedan
Pour qu’il me trouve un mari gentil ! »
« Tante Ghézi, me veux-tu pour mari ?» demanda le marchand.
« Cela se pourrait si tu me disais avec quoi tu me battrais si un jour contre moi tu te fâchais. »
« Avec mon poignard d’argent » répondit le marchand
« Et tu m’ôterais la vie ! Non merci ! »
Et elle partit.
Sur le chemin elle rencontra un berger qui gardait ses moutons.
« Où vas-tu donc Tante Cafarde ? »
« Tante Cafarde est le nom maudit que m’a donné mon père, ne m’appelle pas ainsi ! Dis :
"Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? "
Et alors je répondrai à ta question ! »
Le berger dit :
« Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? »
Et elle répondit :
« Je vais à Hamedan
Rencontrer Ramedan
Pour qu’il me trouve un mari gentil ! »
« Tante Ghézi, me veux-tu pour mari ?» demanda le berger.
« Cela se pourrait si tu me disais avec quoi tu me battrais si un jour contre moi tu te fâchais. »
« Avec mon bâton » répondit le berger
« Et tu m’ôterais la vie ! Non merci ! »
Et elle partit.
Elle rencontra un beau cavalier sur un cheval bai
« Où vas-tu donc Tante Cafarde ? »
« Tante Cafarde est le nom maudit que m’a donné mon père, ne m’appelle pas ainsi ! Dis :
"Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? "
Et alors je répondrai à ta question ! »
Le cavalier dit :
« Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? »
Et elle répondit :
« Je vais à Hamedan
Rencontrer Ramedan
Pour qu’il me trouve un mari gentil ! »
« Tante Ghézi, me veux-tu pour mari ?» demanda le cavalier.
« Cela se pourrait si tu me disais avec quoi tu me battrais si un jour contre moi tu te fâchais. »
« Avec ma cravache » répondit le cavalier. »
« Et tu m’ôterais la vie ! Non merci ! »
Et elle repartit.
Elle rencontra un paysan qui arrêta de labourer son champ pour lui demander :
« Où vas-tu donc Tante Cafarde ? »
« Tante Cafarde est le nom maudit que m’a donné mon père, ne m’appelle pas ainsi ! Dis :
"Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ?"
Et alors je répondrai à ta question ! »
Le paysan dit :
« Tante Ghézi
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où vas-tu donc ainsi ? »
Et elle répondit :
« Je vais à Hamedan
Rencontrer Ramedan
Pour qu’il me trouve un mari gentil ! »
« Tante Ghézi, me veux-tu pour mari ?» demanda le paysan.
« Cela se pourrait si tu me disais avec quoi tu me battrais si un jour contre moi tu te fâchais. »
« Avec une pierre de mon champ » répondit le paysan.
« Et tu m’ôterais la vie ! Non merci ! »
Et elle repartit.
A la nuit tombée, épuisée elle s’allongea sur le sable près d’une rivière.
Une petite voix l’interpella :
« Demoiselle que tu es jolie ! Qu’est-ce qui t’a amenée jusqu’ici ? »
La jeune fille regarda de tous côtés et finit par voir monsieur souris qui la regardait avec de grands yeux noirs éblouis.
Elle répondit :
« Je vais à Hamedan
Rencontrer Ramedan
Pour qu’il me trouve un mari gentil ! »
« Tante Ghézi, me veux-tu pour mari ? » demanda monsieur souris.
« Cela se pourrait bien, mais dis-moi avec quoi tu me battrais si jamais tu étais fâché contre moi ? »
« Te battre ? Jamais je ne le pourrais, juste je te chatouillerais avec le bout de ma queue ! »
« Alors, s’il en est ainsi, marions-nous ! »
Ce fut un beau mariage : pendant sept jours et sept nuits on fit la fête. Il y eut plein d’invités, tout le monde dansa et la nourriture était excellente.
La jeune fille vécut très heureuse avec monsieur souris.
Mais un jour qu’elle était allée laver du linge à la rivière la plus belle chemise de monsieur souris fut emportée par le courant.
Monsieur souris arriva juste à ce moment-là et elle vit à sa mine déconfite qu’il était très contrarié mais au lieu de se mettre en colère il lui dit : « Je suis désolé parce que cette chemise c’est ma mère qui me l’avait cousue. Mais quoique j’ai pu faire elle ne m’a jamais grondé et encore moins frappé. Elle disait toujours que peur et douleur sont les alliées du malheur alors que confiance et indulgence sont celles de l’espérance. » Et en même temps qu’il parlait, il la chatouillait du bout de sa queue pour la faire rire et lui changer les idées.
Ils se sont bien amusés mais le pied de la jeune fille a glissé sur une pierre savonneuse, elle est tombée dans la rivière et le courant violent l’a emportée.
Alors monsieur souris, affolé, s’est mis à hurler :
« Tante Ghézi ! Ma douce amie
Avec ton tchador yezdi
Et tes souliers rubis
Où es-tu partie ? »
Un corbeau l’entendit :
« Croa croa qu’est-ce qui te fait crier ainsi ? »
« Ma femme dans la rivière est tombée et le courant l’a emportée ! »
"Quel malheur s’écria le corbeau, j’en suis tellement retourné que je vais me taper la tête contre ce rocher ! »
Une vache qui passait par là demanda au corbeau :
« Pourquoi te cognes-tu la tête ainsi corbeau ? »
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors je me tape la tête contre ce rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
« Que c’est triste dit la vache, puisque c’est ainsi je ne donnerai plus de lait ! »
Quand le vacher voulu traire la vache celle-ci ne donna pas son lait.
« Qu’as-tu la vache à garder ton lait ? »
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors je ne donne plus mon lait, le corbeau se tape la tête contre un rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
« Quel malheur dit le vacher, je vais casser mon bâton ! »
Arriva le berger qui s’étonna :
« Pourquoi casses-tu ton bâton vacher ? »
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors je casse mon bâton, ma vache ne me donne plus son lait, le corbeau se tape la tête contre un rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
« Quelle horreur dit le berger, puisque c’est ainsi je vais déchirer mon gilet. ».
Comme il déchirait son gilet les moutons s’inquiétèrent :
« Pourquoi détruis-tu ton gilet berger ? ».
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors je déchire mon gilet, le vacher casse son bâton, sa vache ne lui donne plus son lait, le corbeau se tape la tête contre un rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
« Quelle tragédie dirent les moutons, puisque c’est ainsi nous allons perdre notre laine »
Comme les moutons faisaient tomber leur laine au bord de la rivière un arbre planté là leur demanda :
« Pourquoi laissez-vous votre laine tomber ainsi moutons ?
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors nous perdons notre laine, le berger déchire son gilet, le vacher casse son bâton, sa vache ne lui donne plus son lait, le corbeau se tape la tête contre un rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
Quelle douleur dit l’arbre, puisque c’est ainsi je vais faire tomber mes feuilles »
Et les feuilles de l’arbre tombèrent comme autant de larmes dans la rivière qui s’inquiéta :
« Arbre pourquoi toutes tes feuilles tombent-elles sur moi ? »
« Tante Ghézy, la femme de monsieur souris, est tombée dans la rivière et le courant l’a emportée, alors je fais tomber mes feuilles, les moutons perdent leur laine, le berger déchire son gilet, le vacher casse son bâton, sa vache ne lui donne plus son lait, le corbeau se tape la tête contre un rocher et monsieur souris court le long de la rivière en criant « Tante Ghézi ! Ma douce amie, avec ton tchador yezdi et tes souliers rubis où es-tu partie ? ».
« Quelle catastrophe dit la rivière, puisque c’est ainsi je vais arrêter de couler ! »
Et c’est ce qu’elle fit.
A l’instant même, Tante Ghézy qui s’était accrochée à une pierre au milieu de la rivière courut vers la rive pour rejoindre monsieur souris qui arrêta de hurler, le corbeau cessa de se cogner la tête contre un rocher, la vache redonna du lait, le vacher se tailla un nouveau bâton, le berger se confectionna un autre gilet, la laine revint sur les moutons, les feuilles retournèrent sur l’arbre et la rivière se remit à couler.
Et toute leur vie monsieur souris et tante Ghézy vécurent heureux ensemble !
Tante Cafard raconte l'histoire d'une jeune femme chargée d'une drôle de mission : aller chercher un mari nommé Ramedan qui habite loin, sur le conseil de son père agonisant. L'acte sans antécédent dans l'histoire des Iraniens ; ce qui pourrait être considéré comme une première révolte contre les traditions familiales et les conventions sociales. Mais sur sa route vers Hamedan, la ville où habite Ramedan, Tante Cafard, rencontre quelques hommes qui, séduits par son charme, la demandent en mariage. Le choix du meilleur mari par la Tante est d'une délicatesse exceptionnelle et se passe sous forme d'un dialogue court et précis avec les prétendants. Elle choisit Monsieur Souris comme mari, car il sait bien maîtriser sa colère et ne tend pas sa main pour la frapper. Ramedan ne reste qu'un nom et Tante Cafard ne vais jamais à Hamedan. La séquence finale c'est où l'on rencontre en effet le grand message du conte : lutte contre la violence verbale et physique faite aux femmes. On ne s'étonne pas de trouver chez les écrivains iraniens, par-dessus les contemporains, des types féminins battus par leur mari, des femmes qui sont habituées à être battues, qui aiment être battues, qui pensent qu'il est dans le droit de l'homme de battre sa femme. Tante Cafard est un conte féministe qui tente de dessiner l'image du bon mari et de donner un nouveau statut aux femmes, en critiquant les hommes qui ne savent comment traiter une femme.
وبلاگ شخصي دكتر سعدي جعفري - سه قصه-Trois contes
sadijafari.blogfa.com/post-37.aspx
Traduire les contes iraniens de l'époque contemporaine, sur le même rythme et ... Trois contes furent choisis : Maman chèvre, Tante Cafard et Hasani, parmi les ...