Dans un village vivait une jeune fille dont la beauté émanait autant de celle de ses traits que de la chaleur de son sourire et de la lumière de son regard qui rendaient joyeux tous ceux qui la regardaient.
En cela, elle ressemblait comme deux gouttes d’eau à sa mère dont le passage du temps avait épargné la splendeur. Et lorsqu’elles étaient l’une à côté de l’autre on ne pouvait les discerner l’une de l’autre.
Le père de cette jeune fille était le chef du village et plus que tout il désirait que sa fille épouse un homme qui saurait la rendre heureuse. Pour cela il avait imposé aux prétendants toute une série d’épreuves plus impossibles à réussir les unes que les autres. Jusque-là, malgré le nombre important de jeunes hommes qui les avaient tentées, aussi bien les beaux que les forts, les intelligents que les rusés, tous avaient lamentablement échoué.
La nouvelle de ces échecs répétés était arrivée jusqu’au chef d’un grand village éloigné qui avaient sept fils tous plus beaux et intelligents les uns que les autres à part le dernier qu’il considérait comme un bon à rien.
Il décida donc d’envoyer son aîné, le plus beau, le plus fort et le plus intelligent de ses fils tenter l’épreuve. Il lui donna des vêtements prestigieux, un plat de riz et du miel pour le trajet ainsi que sa bénédiction.
Le fils aîné se mit en route tout rempli de son importance, il marcha la tête haute, le regard hautain. Il était certain de sa réussite.
Il fut à peine sorti du village qu’une mouche vint se poser sur son nez. Avec dégout, il fit un geste de la main pour la chasser mais celle-ci lui parla :
- « si tu me donnes un peu de miel je suis prête à t’aider là où tu vas.
- Je n’ai besoin de l’aide de personne et encore moins de celle d’un animal aussi répugnant que toi. Ne me souille pas de tes pattes que tu as posées sur les saletés sur lesquelles toi et tes semblables vous avez l’habitude de vous poser. »
Après avoir chassé la mouche, il reprit la route. Il marcha d’un bon pas lorsqu’une guêpe vint bourdonner autour de sa tête :
- « Si tu me donnes un peu de ton miel je t’aiderai.
- Va-t’en, je n’ai besoin de personne. »
Peu après une alouette voleta autour de lui :
- « Ami, laisse-moi te venir en aide et en échange je ne te demande que quelques grains de riz pour nourrir mes petits.
- « Ami » ? Mais pour qui te prends-tu ? Allez sauves-toi avant que je ne te fasse payer le prix de cette insulte ! »
Plus loin c’est un porc qui s’approcha de lui :
- « Laisse-moi t’accompagner, là où tu vas-tu auras besoin de mon aide que je t’apporterai en échange d’un peu de son.
- Hors de ma vue bête puante qui te roule dans la boue, ne salis pas mes vêtements. »
Et il donna un grand coup de pied au porc qui s’enfuit en couinant.
Le village de sa future femme était en vue quand un martin pêcheur vint se poser sur son épaule :
- « En échange de mon aide, je ne te demande rien, ne la refuse pas, elle te sera vraiment nécessaire.
- Et tu crois que j’ai besoin de l’aide d’un être aussi insignifiant que toi moi qui suis le fils aîné du chef ? »
Et il chassa l’oiseau d’un revers de main méprisant.
Arrivé au village, il se montra très respectueux des convenances et salua avec beaucoup de respect son futur beau-père. Il était convaincu que sa seule prestance lui épargnerait la fatigue des épreuves mais il n’en fut rien. Le chef du village lui dit :
- « Mon ami, tu ne pourras épouser ma fille que si avant le coucher du soleil tu réussis à accomplir les tâches suivantes :
- Trouver au fond de la mare la bague que j’y ai lancée
- Labourer mon champ
- Me dire exactement combien de grains de riz j’ai moi-même jeté sur le chemin
- Reconnaître celle des vaches de mon troupeau qui a été la première à vêler.
- Distinguer ma fille de sa mère. »
Le jeune homme se vanta d’y arriver sans difficulté mais laissé seul devant des tâches impossibles, dégradantes pour un homme de son rang, fatigantes et salissantes il fit semblant de s’atteler à la tâche mais renonça très vite. Il se révéla aussi incapable de reconnaître qui était la fille, désignant la mère.
Ses cinq autres frères essayèrent chacun à leur tour sans plus de succès.
Le plus jeune demanda alors à son père l’autorisation d’essayer à son tour déclenchant les moqueries de ses frères et l’agacement de son père qui lui dit :
- « Vas-y si tu as envie de revenir humilié comme tes frères qui pourtant sont bien plus valeureux que toi mais ne comptes pas sur mon soutien. »
Le jeune homme remercia son père et partit vêtu comme il l’était n’emmenant qu’un reste de miel et une poignée de mauvais riz, sans la bénédiction que son père avait accordée si généreusement à ses frères.
Sur son chemin il rencontra la mouche à laquelle il donna volontiers du miel et qu’il remercia pour sa proposition en lui disant que cependant elle ne lui devait rien en retour car « le malheur des uns fait le malheur des autres » et qu’il était normal de donner à manger à celui qui avait faim.
La mouche l’assura alors que ce serait pour elle un plaisir de l’aider.
Tous les animaux qui lui proposèrent leur aide par la suite le quittèrent très satisfaits de l’accueil qu’il leur avait fait.
Arrivé au village il fut, comme ses frères, bien accueilli par le chef qui ne tint aucun compte de son apparence différente et lui fit exactement le même discours avant de s’éloigner pour le laisser accomplir sa tâche.
Le jeune homme se rendit d’abord à la mare dans laquelle la bague avait été jetée et commençait à peine à se déshabiller pour plonger dans l’eau quand il vit le martin pêcheur en sortir la bague dans le bec et venir la lui apporter.
Après avoir chaleureusement remercié l’oiseau il se dirigea vers le champ à labourer pour se rendre compte que le porc, ayant fait appel à toute sa parenté, avait déjà terminé le travail.
L’alouette lui montra les grains de riz qu’elle avait ramassés, comptés un à un et rassemblés, en un petit tas, au bord du chemin.
La guêpe tournait en bourdonnant autour d’une vache qu’elle affolait et il fut facile au jeune homme de calmer celle-ci avec des gestes doux, de bonnes paroles car, dès qu’il s’en approcha, la guêpe la laissa immédiatement en paix.
Alors le jeune homme amena la vache, les grains de riz ainsi que la bague au chef de village et celui-ci se rendit lui-même à son champ pour vérifier le travail accompli.
Le chef lui dit alors : « Mon fils, il te reste une dernière épreuve : dire laquelle de ces deux femmes sera ton épouse ? ».
Impossible ! : les deux femmes se ressemblaient parfaitement, rien ne permettait de les distinguer sauf… sauf…sauf, bien sûr, la mouche qui vint discrètement se poser sur la joue de la jeune fille qui ébaucha alors un sourire discret.
« Père, dit le jeune homme, c’est celle de gauche »
Le chef approuva avec un large sourire et s’approcha, en riant, de sa fille : « alors ma fille ce fiancé-là te convient-il ? ».
Le sourire éblouissant qui s’épanouit alors sur le visage de la jeune fille et son regard pétillant ne laissa aucun doute sur son accord car, elle, elle savait que le jeune homme choisi par son père était quelqu’un qui n’avait de mépris pour personne.