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Billet de blog 25 février 2012

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Livres pour enfants, livres percutants : sommes-nous si sûrs de vivre dans "le monde libre" ?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J’aimerais mettre en relation quatre livres qui n’ont apparemment rien de commun : l’un parle d’une improbable amitié entre un enfant sur le chemin de retour de l’école avec un SDF dans un square, l’autre d’un improbable amour entre un jeune marin breton en cavale maritime et une jeune esclave africaine, le troisième d’une improbable amitié entre un fils de flic et de prof (la totale

!) et un jeune réfugié afghan fils de journaliste en cavale qui gonflera les statistiques d’expulsion de sans papiers…. Et le quatrième d’une famille de paysans mexicains contraints par la misère à immigrer aux USA.

 .

Pourtant entre ces trois histoires je vois un lien : celui de la bonne conscience assassine des « gens biens », c'est-à-dire pas ">.

L'ogre, l'arbre et l'enfant

Auteur : François Aubin.

Il s’agit là d’un album pour petit qui effleure de façon elliptique nombre d’interrogations sur notre société, ce qu’elle supporte, ce qu’elle rejette et sa conception particulière de la liberté : un arbre rempli d’oiseaux est bruyant ? On le coupe, un SDF dérange….. Il disparaît.

Ce monde à force de considérer que la liberté d’une personne s’arrête où commence celle de son voisin rejetant qui ne supporte aucune expression qui tranche sur le « je ne veux voir qu’un seul nez » - et sous prétexte de respect de celui qui ne supporte rien - a vidé de son sens le mot « liberté », l’a aigri, rétréci, racorni tout en s’affirmant comme étant le modèle de toutes les libertés.

Son slogan pourrait être : « entre deux barreaux de votre prison intérieure, vous êtes libre de regarder le gris du mur d’en face ».

L’enfant lui n’est – pas encore ? – dans cette logique : quand l’arbre aux oiseaux qu’il partage avec le SDF (l’ogre magique) est coupé, pour consoler celui-ci il dessine un arbre sur le mur de plâtre, mais celui-ci sera cassé par la pluie de l’automne - pense l’enfant - et recouvert d’une couche de blanc tellement plus « convenable ». Puis c’est le SDF qui s’efface de la réalité alors l’enfant lui donne un pouvoir magique créateur qui gomme la douleur de cette absence inconcevable.

Cette histoire est racontée avec poésie et simplicité ce qui lui donne une grande intensité émotionnelle.

Soeur blanche, soeur noire - Ricochet

Auteur : Yves Pinguilly. Illustrateur : Bruno Pilorget

Ce roman fait un parallèle entre l’oppression que les nobles faisaient subir aux gens du peuple, l’appartenance à une culture bretonne avec sa langue particulière et celle que subissaient les Africains soumis à l’esclavage en Martinique et qui avaient eux aussi leur culture et leur langue à travers une situation similaire : une tentative de viol sur la propre sœur du héros (Youenn ) par le châtelain voisin d'une part et d'autre part sur la jeune Africaine, qu’il a sauvé de la noyade, par un contremaitre féroce.

Les circonstances qui permettent à Youenn d'être admis dans le milieu des maîtres aux Antilles pourraient l’amener à être tenté d’en partager les valeurs et de se laisser acheter par une bonne réputation nouvellement acquise et un confort matériel inimaginable auparavant pour quelqu’un de sa condition. Cependant son sens de l’humain l’amène peu à peu à prendre fait et cause pour les esclaves ce qui lui vaudra de partager la cavale de la jeune fille qu’il a sauvé de son agresseur.

Les illustrations de ce livre sont de véritables petits tableaux et sa mise en page aérée le rend très agréable à lire

Un clandestin aux paradis

Auteur : Vincent Karle. Illustratrice : Anne-Marie Adda

 Ce livre là raconte une histoire vraie à travers le regard d’un jeune lycéen Matéo qui, au départ, a plein de préjugés à l’égard d’un nouvel élève réfugié afghan, Zaher. Un peu comme tous ces gens qui pensent que les immigrés viennent en France non pas pour fuir une situation économique ou politique qu’ils ne supportent pas dans leur pays mais pour envahir celui-ci et y imposer leur culture…

Mais peu à peu, le courant passe et Matéo découvre que le père de Zaher a dû fuir parce qu’il était très engagé en tant que journaliste et que l’on avait tenté de l’assassiner lui, sa femme et ses deux enfants.

Mais une descente de police sous prétexte de drogue va faire basculer la vie des deux amis dans l’horreur et la famille de Zaher sera renvoyée en Afghanistan là où les assassins se feront un plaisir de les accueillir…

Le style de ce livre est très percutant, il fait partie de l’intérêt que l’on éprouve à le lire : tout sonne juste et je le souligne car c’est une de ses grandes qualités, indépendamment de son contenu.

Au pays de mon ballon rouge

Auteur : José Manuel Mateo Calderón. Illustrateur : Javier Martinez Pedro.

Au début de ce récit raconté lui aussi par un enfant, la vie dans une communauté Amérindienne est chaleureuse et tout semble beau : la nature, la liberté des enfants, l’amitié avec un petit chien...

Et puis le père part, envoie de l’argent au début puis…plus de nouvelles. La mère décide de partir à son tour et donc l'enfant doit quitter le village, abandonner son chien qui n’aime pas rester seul et son ballon rouge : quelle déchirure !

Ensuite il faut affronter divers dangers dont le plus terrible est représenté par les voitures jaunes de la police car « on ne revoit jamais ceux qui sont attrapés ». Le récit est bien construit, prenant et les illustrations façon codex le complètent admirablement.

Après avoir lu les trois livres qui parlent d’une situation actuelle je me suis demandée : que deviennent les SDF qui un jour disparaissent, les réfugiés demandeurs d’asile que l’on offre en cadeau à leurs tortionnaires, les clandestins inconnus que l’on attrape et dont plus personne n’a de nouvelles ?

Dans quelle réalité virtuelle vivons-nous dont nous ignorons le vrai visage ?

watayaga@hotmail.fr

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