En notre qualité d’avocats de Monsieur Luiz Inácio Lula da Silva nous avions, avec de grands juristes internationaux, interpellé Madame Cármen Lúcia, Présidente de la Cour Suprême à Brasilía le 9 août 2018, puis le Président de la République de l’époque, Monsieur Michel Temer, le 23 août 2018, sur l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques à l’origine des poursuites et de la détention arbitraires subies par notre client.
Depuis il a été définitivement mis hors de cause et les informations révélées ces dernières années, outre la nomination du juge Sergio Moro, en charge des procédures, en qualité de Ministre de la Justice du Président Jair Bolsonaro ont définitivement confirmé le caractère politique, inéquitable et illégal des procédures ainsi que constaté par le Comité des droits de l’Homme des Nations Unies.
Le 15 septembre 2022 la grand majorité des signataires des courriers adressés en août 2018, auxquels se sont joints notamment Monsieur Edgar Morin, Monsieur Adolfo Perez Esquivel, Prix Nobel de la Paix 1980, ou encore Madame Barbara Cassin ont adressé aux Président et membres du Tribunal Supérieur Electoral un courrier pour dénoncer les attaques ignominieuses de Monsieur Jair Bolsonaro à l’encontre de Monsieur Luiz Inácio Lula da Silva et sa remise en cause systématique de décisions judiciaires l’ayant définitivement mis hors de cause. Ci-après le courrier.
À Monsieur Alexandre de MORAES Président
Tribunal Supérieur Electoral (TSE)
Le 15 septembre 2022
Nous soussignés, avocats, juristes, professeurs de droit international, philosophes, avions déjà, pour l’essentiel d’entre nous, en août 2018, exprimé notre très forte préoccupation auprès des autorités brésiliennes face aux très graves atteintes aux principes du procès équitable dont avait été victime, avant et pendant son incarcération, le Président Luiz Inácio Lula da Silva et, plus généralement, à la déloyauté avec laquelle la procédure avait été menée à son encontre.
C’est ainsi que nous avons été amenés à écrire dans un premier temps à Madame Cármen Lúcia, Présidente de la Cour Suprême à Brasilía le 9 août 2018, puis au Président de la République de l’époque, Monsieur Michel Temer, le 23 août 2018, pour leur faire part de notre inquiétude alors même qu’au- delà de la violation systématique du respect de ces principes élémentaires, il existait des indices puissants pour nous convaincre de l’instrumentalisation à des fins politiques de la lutte contre la corruption par différents acteurs dont, au premier chef, le juge chargé de cette procédure, Monsieur Sergio Moro.
Nous avions également écrit à différentes instances onusiennes pour dénoncer le comportement des autorités brésiliennes qui se sont refusées à l’époque de tirer l’ensemble des conséquences de droit de la décision rendue par le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies par laquelle il avait été considéré que le Président Luiz Inácio Lula da Silva était victime d’une détention arbitraire au sens des principes que les Nations -Unies ont la charge de faire respecter.
Depuis lors, le Président Luiz Inácio Lula da Silva a été totalement et définitivement mis hors de cause par des décisions judiciaires qui aujourd’hui sont définitives.
Par ailleurs, notamment à la suite d’un certain nombre d’enquêtes menées par des médias internationaux, la démonstration est maintenant faite que le juge Sergio Moro et ceux qui ont inspiré son action, n’ont agi qu’à des fins strictement politiques destinées à discréditer le Président Luiz Inácio Lula da Silva et l’empêcher de se présenter à la dernière élection présidentielle.
Chacun se souvient que Monsieur Sergio Moro, en remerciement de « ses bons services », a été nommé Ministre de la Justice du Président Jair Bolsonaro, poste qu’il a quitté brutalement après une courte période.
Dès lors que le Président Luiz Inácio Lula da Silva est lavé de tout soupçon, nous souhaitions publiquement faire part de notre indignation face aux attaques répétées dont il a fait l’objet de la part de son adversaire aux prochaines élections présidentielles soit le Président Jair Bolsonaro. Nous constatons malheureusement que ces attaques et les insultes proférées sont relayées par une partie des médias brésiliens. Il est en effet absolument inadmissible, alors même que le Président Luiz Inácio Lula da Silva a été mis hors de cause, que son rival continue publiquement à le traiter de « criminel », de « délinquant » et plus généralement tente de convaincre l’opinion publique brésilienne de ce que le Président Luiz Inácio Lula da Silva aurait été mis hors de cause à tort et que chacun devrait le considérer coupable des faits qui, de façon abusive, lui ont été reprochés. À la demande des avocats de Lula, la Cour supérieure électorale a rendu de nombreuses décisions, après avoir caractérisé l’existence de faux contenus diffusés sur les réseaux sociaux dans le cadre d’une désinformation organisée par les équipes de campagne de Bolsonaro, a ordonné qu’ils soient supprimés des réseaux sociaux.
Dès lors qu’un candidat postule pour être élu Président de la République dans un très grand pays démocratique, comme le Brésil, et bien sûr dans le monde entier, il est impensable que soit foulé au pied, à fortiori de façon systématique, le respect que l’on doit à une décision judiciaire définitive ainsi qu’à une décision rendue par le Comité des droits de l’homme des Nations-Unies le 28 avril 2022.
Il est inacceptable que, ce faisant, Le Président Jair Bolsonaro et certains médias tentent d’accréditer l’idée que le Président Luiz Inácio Lula da Silva pourrait être considéré en quoi que ce soit coupable des faits qui lui ont été injustement reprochés et pour lesquels il a été mis définitivement hors de cause.
Aussi, il est de notre devoir de partager avec tous ceux qui sont attachés au respect de ces principes, notre sidération et notre indignation. Nous en appelons au Président Jair Bolsonaro et aux médias qui relayent ces affirmations à faire preuve de toute la réserve et la responsabilité nécessaires afin que le débat public puisse se poursuivre dans le respect des principes de loyauté et de probité qui doivent être ceux d’un grand pays démocratique.
C’est l’intégrité même du scrutin présidentiel et la démocratie brésilienne qui se trouvent aujourd’hui en danger.
Nous voulons à cet égard, marquer notre confiance dans les institutions brésiliennes et exprimer notre appui le plus sincère aux efforts faits par le Tribunal spécial électoral face aux attaques menées par ceux qui cherchent à compromettre la régularité du scrutin.
William BOURDON
Avocat à la Cour (Paris),
Ancien secrétaire général de la Fédération Internationale pour les Droits Humains (FIDH)
Amélie LEFEBVRE
Avocat la Cour (Paris)
Gaspard ESTRADA
Politologue
Spécialiste de l’Amérique Latine, Science-Po
Baltasar GARZON
Juge magistrat - Avocat (Madrid)
Président Figbar
Christophe MARCHAND
Avocat à la Cour (Bruxelles)
Jean-Pierre MIGNARD
Avocat à la Cour (Paris)
Philippe TEXIER
Conseiller honoraire à la Cour de Cassation française,
Ancien Président du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies
Edgar MORIN
Directeur de recherches émérite au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Adolfo PEREZ ESQUIVEL
Prix Nobel de la Paix 1980 Artiste
Patrick WEIL
Politologue
Directeur de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
Henri LECLERC
Avocat à la Cour (Paris)
Président d’honneur de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
Dr. Joan E. Garcés
Prix Nobel alternatif 1999 (Right Livelihood Foundation, Stockholm)
Wolfgang KALECK
Avocat à la Cour (Berlin)
Président du Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR)
Alain JOXE
Chercheur à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
Barbara CASSIN
Philosophe