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Billet de blog 11 octobre 2024

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Le déni renforce l'impunité des agresseurs

Voilà à quoi je ressemble le matin au lever depuis que je suis traitée pour un cancer du sein. Je ne vais pas vous parler des effets secondaires des traitements, je voulais seulement attirer votre attention et espérer que vous me lisiez. Je vais vous raconter une histoire, elle est horrible parce qu'elle est vraie et parce que vous n'avez pas envie de l'entendre, ni de la lire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1
Autoportrait © sandrine weil

Nous préférons observer un silence gêné et détourner la tête quand le silence est brisé.
Parce que c'est la honte.

J'ai encore pu le vivre hier quand je m'attendais à des réactions virulentes à mes publications sur la Une du Nouvel Obs : "Le tabou des profs toxiques".
Depuis, j'ai lu ce courageux dossier. Et j'ai pleuré. Tout est dit avec précision et finesse. Il n'y a peut-être que l'étendue des violences systémiques, qui est minimisée. 

Quand j'ai appris début juin que j'avais un cancer du sein, ma toute première pensée a été : je ne vais pas faire la prérentrée, je ne vais pas devoir supporter les harceleu.rs.ses de l'année scolaire. Et j'ai ressenti un immense soulagement. Comme si on m'ôtait une énorme pierre de la poitrine. C'est horrible, je sais, mais c'est la réalité.

C'est ce que je suis effectivement en train de vivre, une année de pause, malgré la violence des traitements.

Les harceleu.rs.ses, ce sont mes collègues. Ce n'est pas moi qu'ils harcèlent (même si, quand même) mais ce sont les enfants dont ils ont la charge, plus communément appelés les élèves.

Ils passent leurs journées à proférer des réflexions humiliantes à des victimes choisies, celleux sur lesquels est écrit "fragile" et "souffrance", principalement des filles. Ça permettra de dire au Conseil de Classe : Elle n'a pas les capacités. STMG.

Je n'ai plus à supporter les matins où je m'assieds dans le couloir face à un torrent de larmes.

C'est une enfant. Elle ne peut plus entrer dans le cours de X, elle a du vomi dans la bouche, elle s'étouffe. Elle a parlé à l'administration, on lui a dit qu'on ne pouvait rien faire et qu'elle est trop sensible. Elle a séché le cours suivant, son corps a refusé. Maintenant, elle a deux heures de colle.

Elle ne voit pas d'issue, elle veut mourir. Elle n'a jamais eu d'heures de colles, quand ses parents vont l'apprendre, ils ne vont pas comprendre. Ils vont hurler...

Je vous laisse écrire et imaginer la suite...

Nous pouvons arrêter ces violences et cesser de soutenir les agresseurs : il suffit de cesser l'aveuglement, d'écouter et de croire les enfants, puis de soigner et de ne plus encourager les violences commises par les adultes qui inversent les culpabilités ET nous devons cesser de promouvoir les ordures.

Le déni renforce l'impunité des agresseurs.

UPDATE :

À celleux qui osent laisser entendre que je fais du prof bashing :

Renseignez-vous sur ma personne et mes engagements :

https://open.spotify.com/show/1FHDQGDERc6Ow1ISqayxYn

https://www.radioprevert.fr/actualite/rencontre-avec/paroles-blessantes.php-0

J'enseigne en lycée, je ne parle que de ce que je connais et vis.

La santé mentale des adolescent.e.s est extrêmement préoccupante. Ils et elles sont les adultes de demain et ils ne sont pas responsables des politiques publiques infâmes que nous subissons.

Nous pouvons dire non aux maltraitances systémiques autrement qu'en les faisant subir aux enfants.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.