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Billet de blog 31 janvier 2022

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Déni de mémoire, l’histoire de notre bêtise.

Ils sont rares les éditeurs ici qui savent mesurer la charge idéologique ou la systématisation d’un livre alors que la perspicacité et la sagacité devraient être leur première potentialité.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ils sont rares les éditeurs ici qui savent mesurer la charge idéologique ou la systématisation d’un livre alors que la perspicacité et la sagacité devraient être leur première potentialité. Dans ce tuyau, on peut faire l’exception de certains éditeurs - ce qu’on peut compter sur les doigts de la main, qui ne se considèrent pas comme des vendeurs d’ouvrages- mais qui inscrivent leur maison d’édition dans une ligne idéologique. 

Jadis, la rédaction d’un ouvrage était l’un des éléments illustrant la caractéristique d’un intellectuel, et ceci, suivant notre tradition intellectuelle, les écrivains sont en majeur partie des porteurs d’une parole , et à plus forte raison, la parole des opprimés et marginalisés. Durant cette dernière décennie, pour le dire haut et fort, la rédaction des pamphlets est une stratégie des bourreaux pour camoufler la population. Tous les caméléons écrivent des livres. Bêtise ! De là,  surgit toute une pléiade d’éditions qui n’ont aucun encrage idéologique, mais qui utilisent l’édition des bouquins comme leur gagne pain. On peut considérer ces éditions comme des chiens de garde des mafias crapuleux qui passent leur temps à galvauder et bafouer le pain des démunis et qui atteignent le moment marquant leur voyage dans l’empire des ombres pour graver sur un papier interrogateur des phrases qui n’ont aucune base théorique et idéologique. Ces éditions sont centre de lavage à pression des sans pudeurs de la politique.

Aujourd’hui, plus que jamais, même ceux qui n’ont même pas capables de graver une phrase complexe se considèrent comme écrivains. À partir de quoi, tous ceux pour qui le métier d’écrivain est un véritable moyen de porter une cause, de dénoncer les tares et de faire entendre la voie des citoyens et citoyennes par le bas sont sur le même pied d’égalité que ces ballots qui ont perdu leur part d’humanité. Sauf les francs lecteurs - je considère cette catégorie comme ceux qui savent décanter le discours des voyous de celui des écrivains dignes de ce nom - qui sont épargnés de cette ordure.

Outre les médias qui sont des véritables gardiens de ce système hérité de la colonisation et la continuité de l’esclavage souchée dans la tradition occidentale, il y a le déploiement de tout un ensemble de boutiques d’ouvrages -qu’on appelle souvent des éditions - qui sont des outils de réhabilitation des conards de la classe politique haïtienne. Puisqu’elles cherchent, à tout prix, d’agrandir leurs entreprises et tirer profit -c’est la continuité du capitalisme mondialisé - la quintessence de ces éditions est de donner la parole aux bourreaux comme l’ont fait souvent les médias traditionnels. C’est peut-être une attaque à l’intelligentsia qu’il nous revient de droit de dénoncer peu importe le prix.

Revenons au fait pour éviter une longue disgression. L’année 2022 marque le centenaire de la naissance de Jacques Stephen Alexis, écrivain communiste et opposant farouche de la dictature sous le règne des Duvalier, laquelle opposition lui a ravi la vie. Jacques, avec sa part d’humanité, était un intellectuel organique -celui qui, dans un groupe, porte la cause des opprimés et propose des moyens de sortir-dans le sens gramscien du terme. Sa position politique et idéologique lui a coûté la vie. Pour le dire en vrac, les duvaliéristes l’ont assassiné. Cette année, cette campagne de C3 édition consistant en la ré-édition des œuvres d’Alexis est à acclamer. Suivant le cursus du système éducatif haïtien qui est soucé de l’ancienne métropole, on enseigne pas Jacques Stephen Alexis à l’école. En ce sens, nous saluons le travail de C3 Édition. Mis-à-part, dévoilons les choses. Cette série d’activités de l’édition est considérée comme étant des valeurs instrumentales. Mais les valeurs intrinsèques sont « gagner de l’argent à tout prix ».

Ce serait paradoxal de ré-éditer les œuvres sans tenir compte de la charge des livres. Sauf les crétins qui jugent sur sa quantité de pages. Il faut poser la question : pourquoi n’importe quelle maison d’édition peut éditer d’un auteur de gauche qui luttait contre toute domination et toute oppression ? Le livre, c’est le contenu avant tout. Le problème n’est pas une question de livres. La question est de savoir pourquoi on écrit? Dans la lignée de Jacques Stephen Alexis, on écrit pour porter une cause, pour parler une parole-c’est surtout la parole des sans voix. Il était contre tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, ont créé les conditions de toute impossibilité de rêver. Jacques luttait pour l’implantation d’un système où tout peut vivre la vie qui vaut la peine d’être vécue. Il était contre toute hiérarchisation où des hommes sont étrangers à leur terre. Quels rapports existant entre Evans Paul, Yourie Latortue, Claude Joseph et Jacques Stephen Alexis ? Illusion parfaite !

Yourie Latortue , Claude Joseph et tant d’autres sont de ceux qui ont cautionné Duvalier. Evans Paul, se présentant comme opposant des Duvalier, refait surface comme néo-duvaliériste. Fred Brutus, aux Gonaïves, était grand propagandiste de Duvalier. Ce même Duvalier qui a assassiné Alexis pour sa position, la défense des plus pauvres, de ceux qui sont incapables de rêver. Ces bourreaux-héritiers des Duvalier- n’ont pas cessé de nous pourrir la vie. Oui, ils ont essayé par tous les moyens de nous détruire. Or, le sens de la vie pour Alexis était de créer les conditions d’une vie où les êtres humains trouvent le goût de vivre. Diamétralement opposé à Alexis, ces mafias nous plongent de plus en plus au cœur d’un précipice. Contradiction !

Avec l’idée de gagner de l’argent, C3 Édition, dans le projet de ré-édition des œuvres d’Alexis, donne la possibilité à Yourie Latortue - véritable obstacle au développement du département de l’Artibonite qui a détruit une université pour construire un hôtel, Evans Paul - ministre sous l’administration de Michel Martelly, laquelle administration constituée de bandits légaux et qui a dilapidé les fonds petrocaribe (nous sommes tous au courant des tortures d’Evans Paul dans l’histoire du pays), Claude Joseph -ministre et premier ministre sous l’administration de Jovenel Moïse- universitaire sans triture qui a cautionné le masacre de Martissant. Durant le mandat de ces mafias, nous avons assisté à plus de dix (10) massacres. Aujourd’hui encore, il n’a aucune parole pour les victimes. Les malheureux - ceux et celles que les criminels ont violé - sont encore dans la merde. Voilà que C3 Édition réhabilite ces mafias.

La nécessité de ré-éditer les œuvres de Jacques se fait sentir. Il faut une réapparition de cet écrivain de grand calibre qui a marqué la littérature universelle. Mais, nous devons le dire avec sincérité, C3 édition n’est pas à la hauteur de cette tâche. Le propriétaire de cette édition a cautionné le régime des Duvalier, lequel régime qui a assassiné Jacques.

Cette campagne de réhabilitation est un piège à cons. Où trouvera le courage de raconter à un jeune la bêtise de ces bandits pendant que ces mêmes bandits sont des bienfaiteurs d’ouvrages à ce jeune ? En aucun cas, la défense d’un pain ne doit pas tuer la mémoire. Parlant de mémoire, c’est peut-être notre véritable problème. Ce dernier débouche sur une crise identitaire. Égarés sur un zilé sans identité et mémoire. Il faut une campagne contre cette bêtise. Honte à C3 Édition! Il y aura ce discours -bourré d’humanité et d’amour- qui nous éclaira la route et allumera à l’horizon l’aurore d’un autre soleil. Vive la pensée critique ! 


Westevenson Clovis !

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