François,
Quand nous nous sommes vus en septembre dans ton bureau fastueux de l’avenue de Ségur, j’étais convaincu que tu « pèserais » de tout ton poids dans les discussions sur le PLFSS. Ton passé de syndicaliste toujours acharné à défendre l’Hôpital public devait jouer en notre faveur face à Bercy…
Les nombreux articles de presse de cet été ont jeté une lumière crue sur le SAS. Le nombre d’appels a battu des records dans les centres 15 concernés (plus de 2000 par jour, plus de 1000 dossiers de régulation médicale dans les Yvelines en période de pics) mais l’impact sur les services d’urgences n'est pas suffisant.
Cela fait des mois que le problème principal identifié est le nombre de lits d’aval, surtout en gériatrie. Les durées de séjour dans les services d’urgence ont aussi battu des records pour les personnes âgées de plus de 75 ans : parfois plus de 72 heures pour passer d’un brancard à un lit aux urgences.
Mais la communication de ton Ministère à la rentrée était formelle : « nous avons tenu ».
D’ailleurs nous pouvons nous interroger sur le sens de ce « nous ». « Ils ont tenu » serait plus adapté, depuis le temps que « nous » nous sentons abandonnés par notre tutelle.
Et puis l’actualité de la rentrée a remisé aux « pages intérieures » les sujets Santé. Quelle déception pour nous autres, piétaille du Service public, quand nous avons compris que le principal élément de ta politique à venir, contenue dans ce fameux PLFSS, était un plan de Santé Publique reposant sur nos confrères généralistes. Déjà débordés par leur activité quotidienne, ils ne remplissent plus le rôle de médecin traitant que pour une partie restreinte de la population, le reste étant renvoyé à des cabines de téléconsultation à l’efficacité discutable.
D’ailleurs une charmante Professeur de Santé Publique était d’accord sur France Culture pour conclure que les consultations de prévention imposées n’avaient pas d’impact majeur sur la Santé des Français : le peu de privilégiés qui ont encore accès aux soins en bénéficieront, la grande majorité des autres sera toujours à l’écart de notre système. Mais en termes d’annonce pour les Français, « ça le fait ».
Aujourd’hui je régule au SAMU des Yvelines, et pour la première fois de ma « carrière », et sous ta mandature, les urgences Pédiatriques de Poissy ferment mais l’accès est « régulé » par le 15.
L’honneur est sauf. Le Ministère a horreur du vide. Soyons honnêtes, cela revient à renvoyer la majorité de nos jeunes patients à leur solitude de malade et leurs parents à leur anxiété de parents. Les personnes âgées, nous avions l’habitude. Tout est fait aujourd’hui pour les laisser à domicile, et quand nous n’avons plus le choix, nous les orientons aux urgences. La maltraitance (ce terme qui est désormais banalisé) remplace désormais les « soins » aux patients. Ce sont donc nos enfants, aujourd’hui, que nous délaissons.
Pourtant les indicateurs simples, ceux qui n’ont pas besoin de « boîtes de consultants » pour être exploités nous alarmaient depuis des années. Des heures de régulation pour trouver un orthopédiste pour prendre en charge une fracture chez l’enfant ! HPST est passé par là : les établissements de soins continuent de privilégier les actes à forte valeur ajouté au détriment de l’activité quotidienne et de la Santé publique, moins valorisée.
Les mois que j’ai passé en CCI m’ont appris l’effet pervers des « procédures » implacables : un établissement peut encore être « accrédité » tout en autorisant « la maltraitance » dans son service d’urgence … Bienvenu en Absurdie. Mais nous ne sommes plus à une absurdité près.
Notre Président communique sur l’engagement d’une réflexion sur « l’Euthanasie ». Est-ce bien raisonnable alors que notre système de soins palliatifs est dépassé et n’arrive pas à faire face aux demandes d’accompagnement de patients en échappement thérapeutique. Les SAMU font face également dans ces situations insupportables pour les familles où les fins de vie ne sont ni anticipées, ni accompagnées
« Le soin est un Humanisme » : ce n’est moi qui le dis, c’est Mme Cynthia Fleury, titulaire de la chaire de philosophie à l’Hôpital St Anne. Tant que nos Universités n’auront pas les moyens d’accueillir et de former plus d’étudiants en Soins, nous ne pourrons pas faire face aux déserts médicaux et au vieillissement de la population.
La supposée suppression du numérus clausus dont se vante ton patron ne dupe personne surtout pas les étudiants de PASS.
Après avoir subi les filtres de Parcoursup puis d’un concours qui relève de l’improvisation dans certaines facultés, les futurs « docteurs » n’aspirent qu’à une chose : « rentabiliser » leur effort… Cela pourrait être une ambition digne du syndicaliste devenu Ministre de transformer tout ça.
Allez François, courage ! Pour tes Confrères qui continuent à y croire, malgré eux, malgré toi !