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Billet de blog 24 février 2016

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Lettre ouverte d'un Québécois à Mme Vallaud-Belkacem

Comment une société peut revendiquer son souci de l’éducation quand la personne qui éduque ses enfants est payée le même salaire que celle qui cuisine les hamburgers chez McDonald’s à temps complet !?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Bonjour Mme Vallaud-Belkacem,

Québécois récemment installé en Normandie avec ma conjointe française et dans mes fonctions de professeur d’histoire et géographie dans un collège de la région, je m’adapte très bien à mon nouvel environnement. La fonction de professeur d’histoire et géographie demande beaucoup de temps de préparation, mais me plait énormément, notamment en raison des sujets très intéressants que j’aborde avec mes élèves de 6e et 5e.

Si je vous écris, c’est pour souligner une situation qui me semble aberrante et digne de débat. Cette situation concerne le salaire plus qu’insuffisant (le SMIC ou presque : 1254 € net par mois, sans possibilité d’avancement pour les trois prochaines années) qui est octroyé aux professeurs débutants.

Si j’ai bien compris la situation, l’État français considère l’éducation comme prioritaire, mais en raison de ses problèmes financiers, paye les professeurs le moins possible. Je me demande comment une société peut revendiquer son souci de l’éducation quand la personne qui éduque ses enfants est payée le même salaire que celle qui cuisine les hamburgers chez McDonald’s à temps complet!? Symboliquement, ne devrait-on pas au moins augmenter les salaires des débutants de quelques centaines d’euros de plus par mois que le SMIC? Quand je parle de mon expérience aux Québécois, ils sont atterrés, ils repartent avec une image ternie de la France.

Le salaire n’est pas la récompense ultime du professeur, c’est la reconnaissance. Cette reconnaissance on l’obtient allègrement des élèves, mais si notre employeur considérait minimalement notre travail, il ne nous payerait pas le SMIC.

Comment peut-on se bâtir une vie économiquement stable, après ces cinq années d’études, avec un tel salaire?  C’est même un euphémisme de parler de vie économiquement stable. On arrive à peine avec ce salaire à payer son loyer, sa nourriture, les factures et assumer le coût de la vie extrêmement élevé en France. De surcroît, le gouvernement impose aux entreprises de cotiser à une mutuelle à hauteur de 50 %, ce qui n’est même pas respecté par l’Education nationale.

Quand je vois tous ces jeunes Français qui quittent actuellement la France en masse pour le Canada, ou pour d’autres pays, je ne peux m’empêcher de penser à la perte sociale et économique qu’encoure votre pays. Quand on constate le nombre de jeunes formés avec l’argent de la République dans son système scolaire gratuit et qui vont enrichir économiquement et socialement d’autres pays avec leurs compétences et leur dynamisme, on comprend que la France y perd beaucoup. Pour avoir rencontré de nombreux émigrés français à Montréal, je vous assure que le traitement réservé aux jeunes diplômés explique en partie cet exode. De plus, l’inverse n’est pas vrai. Les gens comme moi, désirant venir vivre et travailler ici, sont rapidement contraints de quitter la France parce qu’ils ne peuvent gagner leur vie décemment et subvenir aux besoins de leur famille. Dans cette situation, le problème social devient aussi grave que celui économique…

Cordialement,

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