La métropole parisienne concentre une part importante du mal-logement. Il y a 200 000 personnes SDF et 1,2 million de personnes mal-logées en Ile-de-France. Depuis 20 ans, la spéculation immobilière provoque une augmentation des loyers déconnectée du revenu des ménages.
Dans ce contexte, la vacance de logements est insupportable. Comment accepter que des logements au cœur de la capitale restent vides pendant que des personnes dorment à la rue ? Le droit au logement doit l’emporter sur les excès du droit de propriété. Cela étant dit, il est nécessaire de mesurer les marges de manœuvre réelles d’une politique de réquisition des logements vides : combien de logements sont mobilisables et par quels moyens ?
17,4% des logements parisiens sont inoccupés selon l’Insee, soit 239 700 logements. Un chiffre en augmentation alors même que le logement est un bien de plus en plus rare et cher. L’intérêt de l’étude que vient de publier l’Apur est de distinguer les différents motifs de vacances.
Selon l’Apur*, 98 400 logements répondent aux critères de la vacance conjoncturelle, c’est-à-dire la vacance de courte durée (changement de propriétaire ou de locataire, logements en attente de règlement de succession, etc.) Un chiffre élevé lié au « dynamisme » du marché parisien et donc au nombre important de départs et d’arrivées de locataires. Le levier fiscal semble l’outil le plus approprié pour réduire cette vacance. Renforcer la taxe sur le logement vacant inciterait les propriétaires à remettre plus rapidement leur logement sur le marché. A noter que la vacance conjoncturelle illustre aussi une faiblesse du secteur privé car elle y est presque 3 fois plus importante que dans le parc social (8,1% contre 2,8%). Augmenter la proportion de logements sociaux est donc aussi un moyen efficace de baisser la vacance conjoncturelle.
Toujours selon l’Apur, 18 600 logements répondent aux critères de la vacance structurelle, c’est-à-dire d’une durée supérieure à 2 ans. Un grand nombre de dispositifs incitatifs sont déjà mis en place et financés par L’État pour favoriser la mise en location de ces logements. Un conventionnement avec l’Agence nationale pour l'habitat (Anha) permet une prise en charge significative du coût des travaux (jusqu’à 80%) qui seraient nécessaires pour une mise en location. L’intermédiation locative permet de déléguer la gestion du bien à une association d’insertion en échange d’un abattement fiscal de 85% sur les revenus locatifs générés. L’aide à la maitrise d’ouvrage permet d’accompagner les propriétaires bailleurs dans la mobilisation de ces différentes aides. Vu la rentabilité du marché locatif et l’ampleur de ces aides publiques, il n’est pas possible aujourd’hui pour un propriétaire de dire qu’il « ne peut pas » louer son logement. Ce constat justifie donc pleinement la mise en œuvre d’une politique de réquisition pour les logements vacants depuis plus de 2 ans. La réquisition par l’État pourrait s’appuyer sur le modèle des conventions de l’Anah en termes de durée (6 ans) et d’indemnisation du propriétaire (l’Anah fixe un plafond de loyer à 9€/m²/mois pour ses conventionnements très sociaux, un montant inférieur au prix du marché qui pourrait être celui de l’indemnisation en cas de réquisition). L’État aurait également la possibilité de retenir sur les indemnités dues au propriétaires les frais qu’il a engagé pour mettre en œuvre la réquisition (travaux de mise aux normes, démarches administratives, etc.) Ni originale, ni confiscatoire, cette politique de réquisition s’appuierait sur des dispositifs existants pour proposer à la location des logements abordables.
98 400 pour la vacance conjoncturelle, 18 600 pour la vacance structurelle, a quoi correspondent les 122 700 logements restants ? L’Apur nous apprend qu’il s’agit de résidences secondaires, qu’elles soient à usage strictement privatif ou proposées sur les plateformes de location comme Airbnb. En effet, la définition de l’INSEE des logements inoccupés est large : elle concerne tous les logements parisiens qui ne sont pas des résidences principales, même si elles sont ponctuellement occupées par leurs riches propriétaires ou par des touristes. La proportion de résidences secondaires à Paris est en progression depuis plusieurs décennies (de 2% en 1968 à 9% en 2017). Au sein de la capitale, leur répartition est inégale puisque ce sont de 14% à 20% des logements qui sont concernés dans l’hypercentre (du 1er au 8ème arrondissement).
Depuis l’arrivée d’Airbnb, l’augmentation a été foudroyante. De 2011 à 2017, 50 600 logements parisiens sont passés dans la catégorie des résidences secondaires, réduisant d’autant le parc disponible pour se loger. C’est plus que la production de logement social à Paris sur la même période ! La réponse à ce phénomène doit être une politique de contrôle de l’usage des locaux d’habitation. Elle passe par un stricte régulation des plateformes et l’interdiction de l’achat de résidences secondaires à Paris. Dans cette optique, la réquisition du logement pour une durée déterminée pourrait faire partie de la sanction en cas de fraude avérée.
Répondre au scandale des 17,4% de logements inoccupés à Paris appelle donc une intervention publique forte à plusieurs niveaux. La fiscalité permettrait de réduire la vacance conjoncturelle. Une politique de réquisition serait efficace pour rendre disponibles les logements structurellement vacants. Enfin, l’effort principal devrait porter sur la réduction du nombre de résidences secondaires au cœur de la métropole, qu’elles soient à usage privatif ou en location sur les plateformes.
*https://www.apur.org/fr/nos-travaux/18600-logements-durablement-vacants-paris