L’agrément est la première étape de la production d’un logement social. Il est un bon indicateur du nombre de logement sociaux qui sortiront de terre dans les années à venir et qui pourront être proposés aux 736 000 ménages franciliens dont la demande de logement social est active. Une baisse du nombre d’agrément est une très mauvaise nouvelle car elle aura pour conséquence moins de solutions proposées aux personnes mal logées dans les années à venir. Rappelons que l’Ile-de-France compte 1,2 millions de mal-logés, 200 000 personnes sans domicile fixe, 55 000 ménages dont le relogement a été reconnu prioritaire et urgent au titre de la loi DALO mais à qui l’État n’a fait aucune proposition. Vu les loyers pratiqués dans le parc privé, le logement social est la seule solution pour la majorité de ces personnes. Un agrément en moins, c’est une famille qui restera dans un logement sur-occupé ou insalubre, voir carrément à la rue.
Il n’est donc pas exagéré de dire que le chiffre de 21 000 agréments a catastrophé les associations de lutte contre le mal-logement. L’inquiétude est d’autant plus forte que ce mauvais chiffre fait suite à plusieurs années de sous-production de logement social. En 2013, l’État et la Région Ile-de-France ont fixé un objectif annuel de 37 000 agréments de logement sociaux. Un chiffre pragmatique qui répond à la croissance démographique continue de la région et aux difficultés d’accès au parc privé des catégories populaire. Problème : cet objectif n’a jamais été atteint. Il a simplement été effleuré une année, en 2016 avec 36 000 agréments. Depuis 2013, le déficit cumulé de logement sociaux en Ile-de-France atteint 66 000 !
L’ampleur de ce déficit prouve que le problème est structurel et ne peut se résumer à la crise sanitaire. Certes, les confinements ont déstabilisé la chaîne de production du logement social mais cela n’explique pas tout. Le fond du problème est politique.
Il faut d’abord pointer du doigt la responsabilité des politiques d’Emmanuel Macron. Reprenant l’antienne d’une politique du logement qui serait beaucoup trop couteuse, il a sabré dans le budget des aides au logement et des bailleurs sociaux. En réalité, les dépenses publiques pour le logement n’ont jamais été aussi faibles depuis les années 80 ! Mais cela n’a pas retenu les fossoyeurs du logement social. Ce dernier a été pénalisé sous au moins deux aspects. D’abord, une série de mesures fiscales défavorables aux bailleurs sociaux de l’ordre de plusieurs milliards d’euros. Ensuite, la « réduction de loyer de solidarité » qui consiste à baisser de façon ciblé les aides au logement dans le parc social en imposant aux bailleurs de le compenser par une baisse de loyer équivalente. La mesure est donc neutre pour les locataires mais réduit les revenus des bailleurs sociaux. A ne pas confondre avec le « rabotage » des aides au logement de 5 euros qui est une autre mesure d’économie qui a bel et bien frappé au portefeuille les locataires ! En résumé, depuis le début du quinquennat, ce sont des milliards d’économies qui ont été fait sur le dos des bailleurs sociaux et qui ont réduit leur capacité à investir donc à produire du logement social. Le parallèle est frappant avec les entreprises qui ont bénéficié d’exonérations sociales et fiscales. Il ne fait pas bon être au service de l’intérêt général en macronie !
Quand est-il de la responsabilité de Valérie Pécresse ? Depuis sont arrivée à la tête de la Région Ile-de-France elle a fait le choix de diviser par trois le montant des aides à la pierre, c’est-à-dire la subvention régionale au logement social. Elle a également mis en place un très mal nommé dispositif « anti-ghetto ». Cette politique consiste à fixer un plafond de logement sociaux à 30% au-delà duquel la Région refuse de financer la construction de logements très sociaux (logements PLAI, dont les loyers sont les plus bas). Alors que la loi SRU s’efforce depuis 20 ans de faire respecter un plancher de logements sociaux (d’abord fixé à 20% et rehaussé à 25% en 2017), Valérie Pécresse a inventé le concept de plafond ! Donnons un exemple concret. A Montreuil en Seine-Saint-Denis, le taux de logements sociaux est de 40%. Patrice Bessac, le maire communiste de la ville, s’est engagé à maintenir ce taux pendant la durée de son mandat. La ville connaissant une forte croissance démographique, à l’image de l’Ile-de-France, maintenir un taux de 40% suppose de construire des logements sociaux. C’est indispensable pour lutter contre le phénomène de gentrification. Malheureusement, Montreuil entre dans les critères du dispositif « anti-ghetto » et ne bénéficiera d’aucun financement régional... En 2016, le maire de Champigny-sur-Marne avait dénoncé la perte de 700 000 euros dans le cadre d’un plan de reconstruction à cause de ce même dispositif « anti-ghetto ». On voit à quel point cette politique pénalise la production de logements et renforce les inégalités en privant de financement les villes populaires de l’Ile-de-France.
A l’inverse, les financements sont « open bar » pour les amis politiques de Madame Pécresse, mêmes ceux qui sont dans l’illégalité car ils refusent d’appliquer la loi SRU. Le préfet de région vient de lister les communes « déficitaires », c’est-à-dire en dessous des 25%, et parmi elles les communes « carencées », c’est-à-dire celles qui n’ont pas rempli leur objectif de rattrapage sur les 3 dernières années. Le carencement inflige des pénalités financières aux communes et permet au préfet du département de prendre la main sur certaines compétences en urbanisme. Il a un autre avantage au carencement, plus symbolique. Il permet de lister les ghettos franciliens, les vrais : les ghettos de riches. Donnons arbitrairement quelques noms parmi les 50 communes franciliennes concernées : Versailles (la terre d’élection de Valérie Pécresse !), Chatoux, Boulogne, Neuilly-sur-Seine, Levallois, Boulogne-Billancourt, Montrouge, Le Raincy, Nogent-sur-Marne, Saint-Maur, etc.
Les politiques de Macron et Pécresse, appuyées par l’égoïsme social d’une poignée de maires franciliens, convergent dans le sens d’un affaiblissement du logement social. Les mauvais chiffres ne tombent pas du ciel, on connait les responsables.