Passeur, Raphaël Krafft, Quelques notes de lecture

J’étais frappé à la lecture de quelques mots: “la lie de la terre,” pour décrire les migrants, “goguenard” qui est un mot que je n’arrête pas de croiser, j’ai eu justement une discussion intermittente avec une amie sur ce mot que j’avais suggéré pouvait décrire l’expression sur le visage de manifestants lorsqu’on se demandait ce qu’on était encore en train de faire dans la rue au bout de deux 49-3. Je n’y entendais pas du tout un insulte, bien plutôt de la tendresse, davantage quelque chose qu’on verrait dans les yeux de Buster Keaton, par exemple. Dans le livre que je lis, l’auteur l’utilise dans un contexte remarquablement similaire, celui de l’évacuation d’un des campements autour de La Chapelle en 2015. La tentative d’évacuation d’un après-midi ne marche pas et il dit que “l’ambiance était devenue presque goguenarde” pendant qu’on attendait la prochaine bataille avec la police. J’ai également noté une discussion sémantique offerte par un évêque qui distingue “confine” fortement de frontière en insistant sur le avec du début du premier mot qui, selon lui, le différencie de l’opposition qu’on entend dans frontière. Je suis à la moitié du livre mais peux déjà le recommander. Il fait partie d’un nouveau genre que j’ai croisé plusieurs fois entre le journalisme et le témoignage avec souvent un pèlerinage à la clé. C’est le cas ici pendant son temps à la frontière qu’il relate avec beaucoup de légèreté et de dextérité à sa découverte du monde migrant sur le pas de sa porte à Paris et ailleurs. Les portraits de ceux qui accueillent et des migrants sont épatants de précision et le mot communiste est très souvent écrit pour parler de l’histoire militante des personnes de troisième âge qui finissent par s’y atteler.