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Billet de blog 27 novembre 2011

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En Tunisie, du sucre pour tous

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il s'appelle Abdelrrazek. Marié, cinq enfants dont un lourdement handicapé. Comme des centaines de djerbiens, il avait un emploi grâce au tourisme. Aujourd'hui, il est chômeur, sans aide, sans indemnité, sans rien, sinon la célèbre et ô combien réelle solidarité familiale. Son entreprise le licencie. Un grand groupe tunisien possédant plusieurs hôtels et cette société qui l'employait. Comme beaucoup dans le Sud Tunisien, il était chauffeur et conduisait les touristes dans le grand sud et le désert. Dix ans de fidèles et loyaux services. Ce n'est pas une formule de style: dans le sud, la déférence à l'égard du patron est une réalité. Et de plus, le travailleur se protège comme elle.

Abdel a même obtenu sa licence de guide touristique. Cette licence permettait de faire l'économie d'un guide indépendant, rétribué à la journée. Seulement voilà, comme au Maroc, les touristes ne sont pas venus en Tunisie, cette année. Après la révolution tunisienne a éclaté celle en Lybie. Les tours opérators n'ont pas amené leur clientèle dans cette zone. Les assurances demandaient des sommes trops élevées.

Pour lui comme pour tous les tunisisens, la révolution, advenue comme un cyclone que personne n'avait prévu, était synonyme d'espoir, de fierté et de joie. Espoir en un avenir meilleur pour les siens et son peuple, fierté parce que ce peuple avait réussi, en quelques jours, à se débarrasser d'un régime insupportable, joie parce que tout paraissait possible. Depuis un an, comme la majorité des tunisiens, il attend.

Pas plus tard qu'hier, je me suis entretenu avec lui, comme je le fais chaque semaine depuis plus de six ans.

Il m'a dit que la Tunisie connaît une grande misère et "une grande tristesse". Les prix des biens de première nécessité (pâtes, semoule, sucre, légumes, électricité, eau...) ont littéralement explosés. A titre d'exemple, sur le marché il y a peu, pour un dinard, on avait quatre kilos d'oignons. Aujourd'hui, pour le même prix, un seul kilo.

Et qu'apprennent dans le même temps les tunisiens?. Que l'une des premières décisions du nouveau gouvernement a été d'augmenter le salaire du président et des ministres. 30 000 dinards par mois pour le premier (soit environ 15 000 euro), 20 000 dinards pour les seconds.

Certes, nous le savons que trop: le régime de Ben Ali s'est livré à une véritable prédation du pays. Son coût est sans commune mesure avec celui que vont générer les augmentations de salaire que le gouvernement s'est octroyé à lui-même. Je ne sais pas comment le président Moncef Marzouki justifie cette décision. Peut-être est-ce la contrepartie d'une intransigeance voulue à l'égard de la corruption?. Si c'est le cas, on peut se demander pourquoi tous les salaires des fonctionnaires n'ont-ils pas connu une augmentation aussi spectaculaire?. Mais tel n'est pas le but de de mon propos.

Il est de dire qu'alors que le peuple tunisien souffre et risque de s'ancrer dans la certitude qu'il a fait "tout ça" pour rien, il ne comprend pas que la classe dirigeante s'octroie ce qui lui semble relever de privilèges exorbitants parce qu'au détriment de la nation tunisienne toute entière qui, je ne le répèterai jamais assez, commence à se désespérer.

Que Marzouki, les gouvernants et la classe politique tunisienne n'oublie pas que lorsque l'homme de la rue vous parle de Bourguiba, il vous dit avec affection et admiration que "lorsqu'il est mort, il n'avait qu'une toute petite somme sur son livret".

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