W.S.Domingo

cosmopolite, internationaliste, voyageur, agrégé d'histoire, ancien diplomate, Chief yorouba.

Abonné·e de Mediapart

36 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 janvier 2015

W.S.Domingo

cosmopolite, internationaliste, voyageur, agrégé d'histoire, ancien diplomate, Chief yorouba.

Abonné·e de Mediapart

A Tours, pas de « streaking » mais une marche des Charlie comme on va à la messe d'enterrement de Mai 68…

Le choc n'en fut pas un. Qu'est-ce qu'on vit dans cette marche des Charlie?

W.S.Domingo

cosmopolite, internationaliste, voyageur, agrégé d'histoire, ancien diplomate, Chief yorouba.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je viens de quitter la manif « Je suis Charlie ! » qui a démarré de la Place de la Liberté à Tours, là où je me trouve en ce moment. Cette place s’appelait, jusqu’à il y a peu, place Thiers, celui qui a fait tirer sur la Commune de Paris. C’est mieux sauf qu’on y a dressé une statue à la gloire de Jean Royer, vous savez l’ancien maire de droite qui avait institué une censure municipale contre la pornographie.

Sans le vouloir, Royer avait alors donné naissance à une manif puis à un happening de protestation animé par le Grand Magic Circus. Sur une musique africaine, des filles dansaient nues poursuivies par des acteurs déguisés en bourgeois et en gorilles, lippe et sexe pendants, mimant l’acte sexuel, bientôt imitées par des manifestants de plus en plus nus. La manif surréaliste était survolée par des hélicoptères et bouclée par les CRS. Cette nouvelle méthode de protestation, le « streaking », n’a pas été inventée en Californie mais à Tours le 6 juin 1971. Cela aurait pu valoir à Jérôme Savary de rester dans les mémoires si, le maire P.S. débaptisant le boulevard Thiers avait décidé de lui donner son nom et pas celui de Jean Royer.

La ville a perdu un Thiers mais a gagné deux Royer. Je ne suis pas sûr qu’elle y a beaucoup gagné et surtout pas l’ancien maire P.S. car il a dû laisser la mairie aux dernières élections…

Celui-ci bien classé dans le championnat de France du cumul des mandats, toujours sénateur, se trouvait en tête de la « marche » pour Charlie Hebdo de ce dimanche, bras dessous bras dessus avec le nouveau maire, un UMP bon teint, président sortant de la chambre de commerce de la ville. Et derrière eux, leurs administrés venus en famille et en grand nombre avec poussettes, enfants et grand-mères parfois en fauteuil roulant, badgés « Je suis Charlie ». Beaucoup aussi sur les trottoirs en curieux dévisageaient les marcheurs silencieux applaudissant en rythme pour se réchauffer à défaut de mots d’ordre à crier, des badauds probablement à la recherche d’un vieil ami perdu de vue ou d’un voisin, d’une tante peut-être. Quelques drapeaux bleu-blanc-rouge et une Marseillaise à la fin sur la place du Palais d’où on pouvait voir les élus sur le balcon de l’hôtel de ville applaudissant des marcheurs sérieux presque recueillis comme le sont les gens qui sortent de la messe le dimanche midi. D’ailleurs, ils ont pris d’assaut les pâtisseries et les magasins en pleine période de soldes restés opportunément ouverts non sans avoir pris soin de faire des « selfies » d’eux-mêmes dans la foule des « Charlie ».

Moi, qui m’étais habillé pour aller à une manif avec blouson de cuir, basket pour fuir au cas-où et foulard pour les lacrymo, je me suis retrouvé dans une marche de la bien-pensance du dimanche emmenée par l’UMP, dont leur chef Sarkozy avait déclaré, alors président, qu’il fallait en finir avec l’esprit de Mai 1968 justement ce que Charlie-Hebdo défendait coûte que coûte et qu’on devrait regretter aujourd’hui et demain. J’ai juste souri en voyant une handicapée en fauteuil qui brandissait une pancarte : « Restons debout ! » et un autre avec « Je ne suis pas Charlie et vous emmerde tous ! ». Les deux seules pancartes un peu impertinentes au milieu de milliers de moutons estampillés « Charlie » mais personne avec, par exemple, « Chômeur à la rue, cherche un deux pièces, pas cher chauffé en centre-ville » ou  « Robert, je t’ai laissé les clés du camion au café des sports ! » ou encore « Macron président ! nous sommes tous des milliardaires ! »…dans l’esprit de Charlie un peu décalé et joyeux et pas cette marche de type communautariste des nouveaux célébrants de la francité de la bourgeoisie triomphante effrayée qui fut un grand moment d’union nationale en bleu horizon…Amen.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.