W.S.Domingo

cosmopolite, internationaliste, voyageur, agrégé d'histoire, ancien diplomate, Chief yorouba.

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Billet de blog 17 avril 2012

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Mélenchon, cause toujours ! (Pierre de la Culpa)

J’avoue ma faute, il m’est venu la mauvaise pensée de voter pour Mélenchon. J’en fais l’aveu. Voici ma confession.

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Ma confession sera publique comme aux plus beaux temps de l’Antiquité tardive. J’ai fait mon examen de conscience en mon for intérieur. Je tiens à préciser que je ne suis jamais passé à l’acte. Ce ne fut qu’une brève intention mais je sais que, depuis Abélard et sa doctrine du péché, l’intention compte autant que les actes. Je me repens et j’ai douleur à le dire. Je ne méconnais pas que « faute avouée n’est seulement qu’à moitié pardonnée ». J’irai bien sûr me confesser devant les instances qu’il faudra et suis prêt à la contrition.

 Oui, c’est vrai, j’ai été bien bête de penser qu’on pouvait gagner plus de 1000 € pour un travail aussi épanouissant que celui qui est le mien. Oui, je n’ai pas épargné suffisamment et j’ai remplacé « l’esprit de jouissance » par « l’esprit de sacrifice »[1]. J’ai été paresseux. J’aurais pu avoir un deuxième travail le soir comme chauffeur de taxi ou entretenir une jardinière sur le balcon pour produire mes propres légumes puisque la « terre elle ne ment pas ». J’ai vécu au-dessus de mes moyens, je le reconnais, en faisant des « bêtises, des folies même ». Bref, j’ai été imprévoyant comme l’écrit justement Franz-Olivier Giesbert, un journaliste de notre temps[2]. Il a raison tout comme le président du Forum économique de Davos M. Klaus Schwab qui a dit que la faute collective était établie « puisque nous payons les péchés de ces dix dernières années »[3].

Mais je n’ai pas été le seul. Je sais que cela ne va pas atténuer ma faute. Ils n’ont qu’à faire comme moi et ne pas craindre le châtiment.

J’avoue avoir eu d’autres pensées comme celle plus grave de faire payer les riches. Cet esprit m’était venu sans que j’y prisse garde en écoutant les confessions de Mme Bettencourt l’aînée, qui a généreusement distribué à ses gens une partie de sa fortune avant que d’être arrêtée par « la justice de notre pays ». Mais ce n’est justement pas l’acte héroïque unique qui peut donner l’assurance du salut. On ne peut être l’élu qu’à travers le seul accomplissement méthodique et persévérant de ses devoirs. Vous voyez, je me souviens du catéchisme. J’ai eu une idée. Par exemple, ce serait plus pratique si on pouvait faire du denier du culte un prélèvement permanent plutôt que de ne compter que sur la charité même quand elle est chrétienne. Encore une mauvaise pensée que de douter de la générosité naturelle de nos riches semblables et  de vouloir créer un impôt de plus!

 Pourquoi tant de haine de ma part ? Il faut que je contrôle mes émotions et sois plus stoïque. J’ai pourtant cessé de fumer comme on me le demandait au travail et me suis mis au régime et à la course à pied pour pouvoir entrer dans mes vêtements. J’ai arbitré en faveur des chaussures de sport plutôt que pour un nouveau pantalon. Le budget ne suffisait pas pour les deux en même temps. Le pain ne fait pas trop grossir si on ne met rien dessus, vous savez ! L’hiver, j’ai froid à la tête. Je n’ai pas de béret.  Je confesse être sorti un jour de grand froid alors que le spot à la télé me disait de rester chez moi.

 Oui, je voterai Hollande car je l’ai fait pour Sarkozy la dernière fois. Il faut tout de même être équitable. Je ne cherche pas à en tirer profit, vous voyez bien, nos maîtres, je ne tiens aucun béret à la main pour faire demande. J’aurais pu avoir l’esprit de lucre et me gaver avec un SMIC de 1700 €, même brut ça fait beaucoup d’argent. Je ne veux pas qu’on me montre du doigt dans la rue. Je tiens à ma réputation d’homme intègre, qu’est-ce que vous croyez ? On ne peut pas m’acheter avec une promesse.

 Robert, mon voisin vient de me dire qu’il ne faudra pas oublier de déclarer tous les péchés mortels sans quoi ils vous font un redressement et que cela peut coûter chaud surtout quand il s’agit d’argent. Il prétend même qu’il ne faut pas dépasser la date de péremption. J’avoue avoir un peu peur mais ce n’est pas encore la terreur ici bas, hein !

 L’étudiant du dessous qui vient d’emménager prétend toujours nous convertir à voter Mélenchon en disant que ce sont les riches qui spéculent et qu’ils devraient donc se confesser devant le peuple. C’est pas parce qu’il nous a accompagné à la Bastille pour assister à un grand rassemblement que nous allons changer d’avis ! J’y suis allé en boitant car j’avais mal aux pieds, les nouvelles chaussures, faut qu’elles se fassent aussi !

 Remarquez c’était sympa. Tout le monde souriait et mouillait son œil en écoutant un type à la cravate rouge, monté sur une estrade qui raisonnait fort, tonitruait comme une tempête, en appelait à la République, à l’amour entre les hommes, à un monde nouveau. Cela n’avait pas l’air d’une assemblée de pécheurs. Je suis rentré pour régler ce problème de godasses. J’avais les pieds en sang. Robert s’est marré. Il a examiné mon front et m’a demandé de lui montrer mes mains. Je lui ai dit qu’il faudra peut-être qu’on discute avec l’étudiant du dessous avant dimanche prochain.

 Pierre de la Culpa


[1] Appel du Maréchal Pétain du 20 juin 1940 "Français ! J'ai demandé à nos adversaires de mettre fin aux hostilités… »

[2] Dans le Point du 23 novembre 2011, il déplore « trente ans de bêtises, de folies et d’imprévoyance, où l’on a vécu au-dessus de nos moyens » cité par Mona Cholley « Le Monde diplomatique » de mars 2012

[3] interview à l’Hebdo, Lausanne du 18 janvier 2012 (cité par le Monde diplomatique de mars 2012)

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