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Trump, le grand bavard, est-il le président le plus adéquat à la société de contrôle total, ultime avatar de la société bourgeoise?
Dans " Il faut défendre la société" Foucault décrit les sociétés de souveraineté fondées par la bourgeoisie contre la monarchie aux XVIIe et XVIIIe siècles. Avec la disparition de la royauté, le souverain est devenu le peuple dont les droits individualisés étaient garantis par l'Etat et le droit. Cette concession permettant de rendre le fonctionnement de l'ensemble moins coûteux, perdura. Ces sociétés sont "bavardes et omniprésentes" à travers les partis, les candidats, les élections, l'information et les nombreuses institutions de contrôle de la légalité des uns et des autres.
Mais il y a quotidiennement à l'œuvre d'autres dispositifs "muets et obscurs" masqués par les codes juridiques qui assurent le contrôle effectif du peuple et déploient un discours de la discipline étranger à celui du droit. Il fabrique "le citoyen assujetti" dans une sorte de combat qui travaille la paix. Paraphrasant Clausewitz, Foucault disait que" la vie politique est la guerre continuée par d'autres moyens" tant celle-ci s'intéresse surtout aux techniques de domination depuis la création de la société bourgeoise.
La trame des opérateurs disciplinaires est "hétérogène et polymorphe".Elle assure l'exercice effectif du pouvoir au plus près des réalités dans les usines,la justice, l'armée, la police, l'appareil scolaire, les prisons, les hôpitaux, les banques, pôle emploi...et à la limite tellement bien que le pouvoir pourrait se passer de la mise en scène de la souveraineté. Foucault la nomme "société des normalisations" où les mécanismes de discipline viennent buter sur le droit public et la souveraineté tant ils envahissent le droit,le discours du pouvoir devenant alors celui d'un arbitre de plus en plus en difficulté.
Il semble que depuis le cours de Foucault donné en 1978, une échappée ait eu lieu au-delà de ce qu'il appelait le "goulot d'étranglement" entre les deux terrains où se déploient la domination. L'alliance de la technologie et de la politique permet, à de multiples mécanismes de contrôle a priori, d'anticiper les conduites non prévues rendant ainsi moins utiles les dictatures des généraux aux lunettes noires et aux mâchoires crispées et les lieux d'enfermement.
Parmi ces mécanismes, il y a:
-la mutation de l'information vers une collection de véritables mots d'ordre dans une propagande au service de la discipline générale du vocabulaire et des comportements,
-la formation assurée sur les lieux de travail disciplinant les corps,
-l'internet devenant l'espace ludique du contrôle, le smartphone est tellement intelligent qu'il vous regarde plus que vous ne le voyiez.
-la multiplication des espaces qui n'autorisent que des conduites normées : de l'autoroute, à l'aéroport, à l'université, dans la prison...
-le travail devenant le job uberisé ou pas, essentiel à la réification,
-les hôpitaux bientôt remplacés par les soins à distance et à domicile.
La société du contrôle total vers ce que Foucault nommait la biopolitique est en marche aussi à d'autres échelles, continentale et mondiale.
Dans les traités de commerce aux quatre points cardinaux des Etats-Unis, centre du monde (au nord avec le Canada, au Sud vers l'Amérique du sud,à l'est vers l'Atlantique, à l'ouest dans le pacifique) ce ne sont pas les droits de douanes qui sont le sujet principal puisqu'ils n'existent quasiment plus mais la fin de la souveraineté des Etats quand les firmes multinationales peuvent passer en jugement des pays entiers.
L'OTAN et l'armée surpuissante des Etats-Unis contrôlent l'organisation du devoir le plus sacré, celui de se défendre. La Défense et la justice sont des fonctions "régaliennes" liées au principe de souveraineté comme la monnaie d'ailleurs passée sous la contrôle de la BCE. La commission européenne encadre les peuples européens et les gouverne par l'entremise de gens inutilement élus. C'est l'Europe des principautés comme Andorre aux deux princes et Monaco au prince unique, terres de farniente et de paradis fiscaux pour les "happy few". L'Europe des sociétés palatiales.
Quand la souveraineté de l'Etat de droit se réduit sous les coups de boutoirs des pouvoirs dominants, il ne reste plus que le substrat constitué par les mécanismes disciplinaires et le droit naturel du plus fort.On parle alors de la "crise de l'Etat", entendu comme le recul de l'expression de la souveraineté et la présence d'hommes politiques qui vont avec, transparents aux dispositifs nombreux de coercition qu'ils ne peuvent plus cacher et qu'ils sont sommés d'utiliser comme agents de coercition: police, armée, renseignement...dans des Etats de guerre et d'exception permanents.
Trump a surtout été entendu comme un " souverainiste blanc" quand il a prétendu restaurer l'autorité de l'Etat, rendu prétendument pauvre car dépossédé par les " racailles mondialistes"...Très bavard,il a promis de "se faire" les Chinois, les Mexicains et autres musulmans...Devenant le premier président néo-réactionnaire xénophobe et raciste compatible avec la société nouvelle de contrôle total. Il pourra profiter du job pour se refaire financièrement, gouvernant les ombres, régnant sur les médias et donner le change pendant 4 ans sans toucher aux opérateurs et mécanismes techniques de domination qui assureront encore mieux les profits de quelques-uns et l'exploitation de tous les autres. L'extrême Occident aura alors rejoint l'extrême-Orient et Trump, Poutine et Xi Jinping et quelques autres grands démocrates de marché gouvernant le monde " globalisé".