Le chômage fait annuellement entre 10 et 20 000 morts, le suicide entre 10 000 et 14 000 bien plus que les crimes ou les accidents de la route ; il y a plus de 3 millions d’enfants pauvres et au moins 30 000 SDF. Et notre président normal fait le cavalcador!
François Hollande est sur le perron de l’Elysée attendant le couple royal à la tête de la monarchie espagnole. Il a les cheveux trop bruns, tirés et plaqués sur l’arrière, un costume près du corps, le port altier et le regard lointain. Il incarne sa fonction. Peut-être est-il un peu trop hidalgo dans l’attitude mais à peine plus qu’il est certainement nécessaire dans ces occasions.
Cette attitude du corps du président m’a soudain fait penser à une publicité que j’avais vue à la télévision argentine au début des années quatre-vingt du siècle dernier. C’était l’époque de la dictature militaire .
La publicité vantait une marque de gomina qui plaquait le cheveu sans faille (« que pega fuerte !»). Un homme jeune type homme d’affaire au costume croisé sombre laissait passer galamment une femme en jupe et talons, tout sourire dehors, dans l’ascenseur qu’ils avaient attendu tous les deux sans se parler. Soudain, elle laissa tomber un mouchoir (pas un Kleenex, non un mouchoir peut-être même brodé de ses initiales ) que celui-ci s’empressa de ramasser. Il s’accroupit donc prestement, saisit le mouchoir et lui décrocha un sourire de tous les diables. Mais, soudain, la catastrophe arriva : croyez-le ou non, la mèche de devant se désolidarisa de l’ensemble du casque gominé qu’il avait sur le crâne. Son sourire se fit grimace. On venait d’assister à la scène du : comment un désordre capillaire peut ruiner le pouvoir de séduction d’un homme plein de testostérone et propre sur lui. Le film n’aurait pas pu se faire avec un type frisé et une femme en pantalon, c’est clair. Le gominé en costume sombre, on le voyait plus souvent en Falcon noire, une voiture de sinistre réputation, dans les rues de Buenos Aires à la tombée de la nuit pendant cette période de plomb et de terreur qu’à attendre les ascenseurs. Attention, je n’ai pas dit que notre président affichait les mêmes intentions, "j’évoque ", c’est tout.
Le port altier en cette circonstance de l’accueil d’un roi est bien le moins quand on est le Chef de l’Etat. La présence de Madame Royal, la mère de ses enfants mais aussi son ministre, tombait bien pour la photo des magazines dits « populaires » (notez le mépris du qualificatif) ou était-ce un trait d'humour de François, le facétieux ? Un presque couple présidentiel à demi royal accueille un autre couple royal totalement bourgeois sur le perron de la maison de la République. Bon et alors ?
Alors un autre souvenir. Le port altier de son/notre chef me fit penser à la remarque de Montaigne qui dans ses "Essais" évoque l’empereur Constance, celui qui partagea l’empire romain au IVe siècle avec ses frères et se garda la meilleure part. Cet homme qui avait une très haute opinion de lui-même «…tenait toujours la tête droite, sans la tourner ou la pencher ça et là, pas même pour regarder ceux qui, à côté de lui, le saluaient ; il avait le corps planté immobile, sans se laisser aller selon le mouvement de sa voiture, sans oser cracher, ni se moucher, ni s’essuyer la visage devant les gens… »
Bien sûr, notre président n’a rien à voir avec ces deux personnages. Nous sommes en république apaisée. Cela illustre peut-être que l’escouade de ses « conseillers », vous savez les jeunes experts nichés à l’Elysée qui posent dans Paris Match, n’ont pas les mêmes références que les miennes qui sont peut-être un peu tirées par les cheveux, j’en conviens, sinon ils lui conseilleraient peut-être d’autres manières plus sobres d’incarner la fonction. Ils pourraient même aller jusqu’à lui demander si elle a besoin d’être incarnée pour être admirée.
Une politique qui aurait un peu le souci du sort de tous les citoyens, surtout les plus vulnérables, ferait beaucoup plus pour l’image que cette posture affectée de cavalier qui participe à la cavalcade du pouvoir avec un peu trop l'intention de bien faire dans la représentation, presque jusqu’à l’affectation, selon Flaubert, qui utilisa ce mot oublié pour caractériser le style ampoulé et vieillot d’un écrivain de son époque.
Peut-être notre président est-il plus subtil que cela ? Ferait-il un clin d'œil à Will Cuppy et son " grandeur et décadence d'un peu tout le monde" avec le seul humour désespéré qui lui reste? Il serait alors l'homme politique le plus sous-coté du moment comme on dit dans le monde du football professionnel ou à la bourse des valeurs qu’on échange contre de l’argent. Il mettrait en scène son impuissance politique avec un humour décalé.
Encore faudrait-il pour que cela marche, qu’au moins, il y ait une certaine cohérence entre les actes politiques et les intentions politiques affichées du meilleur chevalier de notre royaume choisi par la majorité pour aller vaincre le chômage ? Pour être un président normal, il aurait fallu qu’il profane un peu plus le pouvoir personnel de la 5e république c’est-à-dire selon Giorgio Agamben («Profanations ») « qu’il restitue à l’usage commun ce qui a été séparé dans la sphère du sacré ».