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Billet de blog 11 mars 2024

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Politique : enfin le tournant du quinquennat ?

"C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt" faisait dire Marguerite Yourcenar à l'empereur Hadrien dans le livre éponyme. Mais si l'ambiance est aujourd'hui morose, à raison, deux petits indices d'une bascule du quinquennat méritent d'être soulignés et laissent imaginer une prochaine mobilisation d'ampleur, avec une gauche plus offensive.

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Tout d'abord, un constat rapide des deux années passées. Après l'enthousiasme suscité par l'accord de la Nupes, avec une gauche enfin unie derrière sa frange la plus critique, nous venons de vivre deux années particulièrement difficiles de victoires partielles et d'échecs totaux. Certes il y a eu une forte contestation lors de la réforme des retraites, mais la gauche n'a pas réellement su profiter de cet épisode  pourtant totalement en accord avec ses combats pour le traduire en victoire politique. De même, la constitutionnalisation de l'IVG est certes une victoire idéologique, mais elle s'inscrit dans un pays qui, hors CNews et consorts, n'est plus depuis longtemps hostile à l'IVG, bien au contraire. Difficile donc d'y voir une réelle victoire. De l'autre côté, les défaites se sont accumulées, entre l'adoption de la réforme des retraites, la répression de la révolte des banlieues sans débouchées, le vote de la loi immigration, l’aggravation des inégalités et de la destruction de nos conditions de vie. L'épisode depuis le 7 octobre avec la mise au pilori de la France insoumise et de toute personne n'adhérant pas pleinement aux éléments de langage du gouvernement israélien a été le dernier échec et peut-être le plus difficile vu le prix du sang qui continue d'être payé par le peuple palestinien sans la moindre réaction digne de la part des puissances mondiales. Sur cet épisode, s'il faut regretter la maladresse de la France insoumise d'avoir réagit un peu tôt et donc d'avoir par la suite hésité sur sa position face à la gigantesque pression qui se dressait face à elle, il me semble très heureux qu'elle ait toutefois réussi tant bien que mal à tenir une position altermondialiste et à ne pas céder. Il faut très clairement s'en féliciter. Car qu'on se le dise, sur la position qu'elle a défendu dès le début, la maladresse n'a pas été de ne pas céder aux injonctions médiatiques, mais de ne pas s'être suffisamment préparé au déferlement d'attaques auxquelles elle allait devoir répondre. Les Écologistes de leur côté se sont totalement décrédibilisés en rappelant, encore aujourd'hui, à la moindre déclaration sur la situation en Palestine, les éléments de langage du gouvernement israélien pour mettre l'accent sur le 7 octobre et le caractère terroriste du Hamas, comme si c'était le point de départ d'une guerre, et pour minimiser les crimes de guerre qui se répètent chaque jour depuis 4 mois. Ne parlons pas des socialistes sur ce point, c'est inutile. Bref, les insoumis sont les seuls à avoir tenu.

LFI reprend la main

Si la tiédeur du mouvement à relancer l'offensive sur ce sujet s'est bien ressenti, ce que l'on peut comprendre devant la violence des accusations répétées en boucle sur les médias, la récente inscription de Rima Hassan en position éligible sur la liste des européennes marque peut-être un tournant très souhaitable. J'avais déjà critiqué dans un billet la stratégie de la France insoumise depuis 2022, stratégie que j'avais appelée de réactionnaire, car exclusivement en réaction aux discours et aux sujets mis à l'agenda par le gouvernement et l'extrême droite. Je maintiens cette critique mais l'arrivée de Rima Hassan semble indiquer un changement. Enfin, LFI passe à l'offensive. En mettant une militante franco-palestinienne des droits des êtres humains au centre du jeu, LFI marque son désaccord avec la situation au Proche-Orient et l'assume pleinement. Or, si durant les premières semaines de l'offensive israélienne, toute critique était exclue du débat public au risque d'être accusé d'antisémitisme et d'apologie du terrorisme, le vent tourne peu à peu et un sentiment général de malaise et d'injustice face aux exactions de Tsahal et aux discours criminels des dirigeant israéliens commence à exaspérer. L'inaction des dirigeants commence sérieusement à leur coûter dans l'opinion publique et cette colère sourde se renforce. Que LFI repasse à l'offensive est une excellente nouvelle et tout le monde se souviendra que ce mouvement aura été le seul à adopter une position digne suite au 7 octobre. Cette colère et ce sentiment d'injustice s'exprimeront sans aucun doute dans une prochaine contestation sociale.

Le gouvernement en roue libre

L'autre indice est peut-être moins évident (et donc plus critiquable j'en conviens). Il s'agit une nouvelle fois d'une colère sourde, mais bien réelle. L'annonce récente de nouvelles coupes budgétaires et de réductions des acquis sociaux par Bruno Lemaire et Gabriel Attal est passée presque inaperçue, tout comme le record encore battu des dividendes du CAC40. Mais si le gouvernement semble très heureux que cela passe inaperçu, il devrait justement s'en méfier. L'offensive néo-libérale devient de plus en plus claire, et l'absence de réaction laisse penser que tout le monde attend une étincelle pour que la colère s'exprime à nouveau. C'est toujours quand le calme semble là qu'il faut arrêter les attaques, mais ce gouvernement n'ayant aucune culture historique, il s'en félicite au contraire. Ce gouvernement, trop sûr de lui, y voit l'occasion d'avancer sans entrave. C'est une erreur grossière. Les contestations agricoles n'étaient que les prémices de la grogne et n'ont même pas été réglés. Lorsque l'étincelle s'allumera, la colère de Gaza et celle des inégalités s'exprimeront sans retenue et l'illusion d'une victoire idéologique de la droite et de l'extrême-droite en France tombera. Car disons le encore une fois, non, la France n'est pas devenue soudainement de droite, mais les médias ont été rachetés un à un par des milliardaires. C'est le thermomètre qui est déréglé, pas la température (ce qui est cocasse car pour le changement climatique, c'est l'inverse).

Alors il est toujours risqué de se lancer dans des prévisions qui reposent avant tout sur des ressentis, mais si ces deux indices sont justes, la gauche (du moins, LFI) se prépare enfin à l'offensive et la droite arrive au bout de la sienne. L'occasion de reprendre un peu espoir et de se relancer dans la lutte ?

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