Macron
Le 24 juillet 2018, 6 jours après la révélation de la première affaire Benalla par Le Monde, alors que tout le pays est offusqué par la découverte de cette affaire et que même au sein de LREM, les critiques fusent, Macron s'exprime devant les membres de la majorité. Tout le monde s'attend à une condamnation de l'affaire et à la volonté de rappeler l'importance de l'institution judiciaire qui aura la charge d'étudier les faits. Cela aurait satisfait beaucoup de monde, même dans la majorité présidentielle. Mais ce n'est pas l'option que choisi Macron. A la place, il lance, bravache - et bien en sécurité - la célèbre phrase "qu'ils viennent me chercher". Cette attitude qui avait surpris alors a été depuis reproduite à chaque crise politique. Tout commence par l'explosion d'une affaire qui révèle la grande faiblesse des décisions politiques prises par Macron. L'indignation gronde, les médias bouclent sur l'impossibilité pour l'exécutif de tenir sa position et s'interrogent sur les réactions possibles. Macron se fait attendre, puis débarque non pas en trouvant une solution, mais en provoquant beaucoup plus ses adversaires afin de créer un conflit. Le conflit se produit avec des manifestations excitées par la provocation, mais Macron continue à provoquer et lance la police réprimer violemment les personnes qui le contestent. Les plus frileux et les personnes ayant le plus à perdre en cas de révolte se mettent alors à faire bloc avec lui, de peur que sa chute ne les entraine.
La stratégie de la roue libre
Cette stratégie interroge. Déjà parce qu'elle arrive encore à nous surprendre un peu à chaque fois. En ça, on peut lui reconnaitre un point, peut-être le seul à mettre à son crédit : la surprise. C'est un point très important en stratégie. Systématiquement nous avons une réaction du type "il n'a quand même pas dit ça ? Mais ça va être la révolution !" alors que finalement, ses troupes font bloc et une nouvelle loi totalement impopulaire passe. Mais cette stratégie interroge car elle surprend même ses troupes. Généralement, tout le monde serait d'accord pour trouver justement un accord afin de sortir de ces situations sans affrontements et sans violences. Mais ce n'est jamais le choix de Macron. A chaque grand mouvement social, il fuit au début, puis revient, prend la parole et multiplie les provocations et cherche à envenimer la situation. J'appelle cette stratégie la stratégie de la roue libre. On pourrait la décrire ainsi. Un conducteur irresponsable veut garder le volant d'une voiture dans laquelle il y a de ses amis plus ou moins d'accord avec lui. Voyant qu'il conduit de manière dangereuse, une certaine contestation naît pour donner le volant à quelqu'un d'autre, ce qui peut sembler légitime. Mais rien n'y fait, il veut garder le volant car c'est son plaisir de conduire dangereusement et d'avoir la vie du groupe dans ses mains. Pour garder le volant, on pourrait s'attendre à ce qu'il ralentisse et promette de faire plus attention, ce qui pourrait fonctionner, et d'ailleurs, ses amis les plus proches ne lui demandent que cela pour continuer la route dans leur direction. Mais la stratégie de la roue libre consiste au contraire à accélérer encore plus jusqu'en haut de la montée, puis couper le moteur et partir en roue libre. Bien sûr que tous les passagers vont hurler. Mais si certains voudraient lui prendre le volant, d'autres vont au contraire le protéger car la situation est trop dangereuse pour cela et vont donc aller dans son sens en l'assurant à nouveau de leur soutien, afin qu'il remette le moteur en route et continue la route. Finalement, dans cette histoire, celles et ceux qui, durant la descente infernale, voulaient le sortir du siège conducteur de force et reprendre le contrôle, ceux-là aussi étaient dangereux. Et c'est ça l'objectif de cette stratégie : de forcer les plus modérés à faire bloc autour de soi et de montrer que celles et ceux qui veulent prendre le volant sont aussi dangereux car ils le font dans la violence et dans un moment critique.
Et alors ?
L'objectif de ce billet est donc de proposer une lecture de cette stratégie afin de prévenir la prochaine bataille. Car une chose est sûre, au prochain problème, Macron s’éclipsera quelques temps, laissera la situation s'envenimer, puis reviendra non pas pour trouver une issue, mais pour provoquer et relancer un cycle de violence. Et une chose est certain, le prochain cycle approche. Le gouvernement, pris la main dans le sac d'une incompétence couplée de filouterie sur le budget de l’État, plutôt que de revenir à la table des négociations, annonce déjà de nouvelles réductions dans les "dépenses publiques", ou plutôt le secteur non-marchand. Assurément, la colère va monter et éclatera au grand jour. Le gouvernement, par ses provocations, semble espérer que cela arrive avant les européennes pour ensuite voir une victoire électorale du RN aux européennes et dire que c'est l'expression de la demande populaire (et surtout pas les demandes sociales qu'expriment généralement les mouvements sociaux). Il n'y aura donc pas d'autre conséquence à tirer que celle d'être plus ferme avec les pauvres et les étrangers, et plus favorable aux célèbres simplification des normes sociales et écologiques. Mais si cela vient après, il faudra nous y préparer. Une des solutions peut être de "sortir le conducteur" par surprise, avant qu'il n'aille trop vite et que le sortir devienne dangereux. Cela demanderait une préparation très grande en amont pour que la pression soit si forte et si rapide qu'il soit contraint d'obtempérer. Une autre solution pourrait être, étrangement, de provoquer une roue libre mais de stopper net la contestation, pour le laisser seul avec sa bêtise et obliger les passagers les moins critiques à lui demander d'arrêter. Il en existe certainement d'autres, au plaisir d'en discuter.
Pour finir, petite ouverture sur Netanyahou, grand amateur de cette stratégie
En Israël, Netanyahou adopte la même stratégie. L'opération du 7 octobre a révélé au grand jour l'échec total de sa politique alors qu'il était déjà fortement contesté. Il a donc joué la surenchère, et lorsqu'il s'est de nouveau retrouvé sous le feu des critiques, plutôt que de calmer le jeu, il a ordonné de frapper une antenne diplomatique iranienne, risquant d'entrainer la région et le monde dans une guerre générale. Ces inconsciences montrent surtout son incapacité à faire de la politique, c'est-à-dire à négocier et à trouver des accords suffisamment équilibrés pour qu'ils garantissent une stabilité de long terme. Hors de question de considérer ces deux personnages comme des responsables politiques. Ils tentent des "coups" pour espérer se maintenir à flot sans avoir le moindre intérêt pour les conséquences de leurs décisions.