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Billet de blog 18 juin 2024

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Mélenchon : la faute politique

Alors que nous devrions célébrer l'union et batailler avec enthousiasme pour la victoire, les querelles inutiles prennent le dessus.

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Depuis vendredi soir, pas un article sur le Nouveau Front populaire ne fait l'économie d'au moins un paragraphe sur les cinq évictions dans les investitures insoumises ou sur la conservation de celle d'Adrien Quatennens. Comme à leurs habitudes, les lecteurs et lectrices de Médiapart se déchirent sur le soutien ou sur la condamnation de cette manœuvre signée Jean-Luc Mélenchon, et sur son traitement dans ces colonnes.

C'est bien là la faute politique.

Dans un moment aussi clé de l'histoire de France du XXIe siècle, quand l'extrême-droite s'apprête à prendre (au moins partiellement) le contrôle du gouvernement, avec le soutien actif ou passif des capitalistes, la gauche avait réussi à sceller un accord sur une ligne plutôt intéressante, très proche de celle de la Nupes et donc très proche de celle de l'Union populaire, malgré deux années catastrophiques de défaites politiques. Il était enfin temps d'entrer en campagne et de rassurer les électeurs et les électrices. Car c'est bien ça le sujet. Pour gagner une élection, il n'y a qu'une seule chose à faire. Cela tient au mode de scrutin de ces élections. Ce n'est pas un avis, c'est un simple constat du mode de scrutin. Cette chose à faire, c'est de rassurer les électeurs et les électrices. Sans cela, il est impossible de gagner des scrutins majoritaires à deux tours. Alors le front populaire avait été scellé, le programme avait été dévoilé. Il n'y avait plus aucune bataille à mener sauf celle de rassurer. Et que fait la France insoumise ? Elle fait exactement l'inverse en rappelant qu'elle n'est pas digne de confiance et est incapable de tenir un accord plus de quelques heures, rappelant les raisons de l'échec de la Nupes due, rappelons-le, non pas à des désaccords programmatiques (qui sont venus plus tard), mais à l'absence de dialogue et de concertation avant les prises de positions politiques, et à la recherche du buzz permanent ce qui n'est, à moins que j'ai raté quelque chose, pas du tout lié au programme de l'Union populaire.

Je suis pour ma part un admirateur du travail de Jean-Luc Mélenchon pour la redéfinition de la gauche jusqu'en 2022. Avoir remis la lutte des classes au cœur de la bataille politique, en la couplant avec la lutte pour le vivant, et avoir réussi à réunir la gauche sous cette ligne de rupture a été un tour de force majeur. Ses qualités d'orateur ont motivé une nouvelle génération de militant.e.s qui voyaient enfin un responsable politique croire à ce qu'il disait. La dynamique pour la Nupes qu'il avait conduit a été une grande réussite. Mais voilà, depuis 2022, force est de constater que Jean-Luc Mélenchon n'a pas su passer le flambeau. Il aurait pu être le futur Premier ministre dans un mois si seulement il avait arrêté d'interférer dans la France insoumise depuis 2022, avait coupé son compte Twitter et s'était contenté d'accorder un entretien par an dans l'exercice dans lequel il est le meilleur : tracer une ligne politique cohérente. Mais non, depuis 2022, il s'est acharné à scléroser totalement la France insoumise, en ne plaçant aux postes à responsabilité que des pions exécutants sa volonté et qui ne lui feraient pas trop d'ombre. Mathilde Panot comme présidente du groupe n'a clairement pas été à la hauteur des enjeux, déclamant des discours assez fades, acceptant qu'un groupe de 75 député.e.s se comporte comme un groupe de 17, passant totalement à côté de ce que devrait être aujourd'hui le groupe de la France insoumise, c'est-à-dire un groupe moteur de l'Assemblée nationale. Manuel Bompard, quoique très fort pour sceller des accords majeurs en peu de temps, n'a pas su les tenir dans la durée en préférant conserver le soutien de Jean-Luc Mélenchon, décrédibilisant totalement ces travaux. Les personnalités qui se dégageaient pour prendre la relève comme François Ruffin ont été soutenues du bout des doigts mais toujours avec une immense précaution, empêchant de construire une image de "présidentiable" comme le contraint (à mon grand regret) le mode de scrutin présidentiel. Bref, on peut le regretter, ou préférer le déni en regardant ailleurs, mais autant les erreurs des deux dernières années étaient peut-être rattrapables, autant celle de ces investitures est une faute politique majeure. Jean-Luc Mélenchon porte désormais la responsabilité d'une dynamique brisée, de déchirures à venir qu'il ne sera pas possible d'empêcher, et ça, tout le monde le sait, même parmi ses plus fidèles soutiens. Vendredi 14 juin à 14h, en sortant de la conférence de presse du Nouveau Front populaire, j'avais l'espoir qu'enfin la gauche puisse gagner, comme beaucoup je me lançais dans la campagne avec enthousiasme, voyant que la ligne de rupture était bien celle qui avait prévalue, mais le soir-même, c'était la sidération. Pour quelques petits arrangements mesquins, la France insoumise acceptait de s'humilier et de briser l'union. Elle a préféré réinvestir Adrien Quatennens contre tout le monde, dans une candidature que l'on savait toutes et tous intenable et qui d'ailleurs a bien capoté en à peine 48h, tout ça pour ça. Tout ça pour ça. Les sortant.e.s évincé.e.s ont tout de même présenté leurs candidatures et annoncent des duels fratricides pathétiques, au nom d'une cohésion d'ensemble que l'on sait toutes et tous gravement endommagée par l'épisode.

Alors évidemment que toutes et tous ici, dans ces colonnes, nous allons voter pour le Nouveau Front populaire, et plutôt deux fois qu'une. Mais je sors pour ma part extrêmement déçu de cet épisode. Si l'union ne parvient pas au pouvoir dans quelques jours, j'en porterais Jean-Luc Mélenchon au moins partiellement responsable. En tout cas, mon enthousiasme pour cette campagne en sort très affecté car quoiqu'il se passe, dès le lendemain des élections, nous assisterons impuissants à une nouvelle guerre fratricide, donnant raisons aux pronostics de la droite. Quatennens ne sera pas députés, les sortants évincés seront certainement réélus. Seule l'union et le programme de l'Union populaire en sortiront durablement affaiblis.

Tout ça pour ça.

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