En stratégie, une chose est claire et nette et il faut en avoir pleinement conscience : la fin justifie les moyens. Cela ne veut pas dire qu'au prétexte de la finalité, tout est permis, mais que tout doit être fait au regard de l'objectif final, et à son regard seul. Dire que l'objectif est de gagner l'élection présidentielle et gouverner signifie par exemple que pour y arriver, il n'est pas grave de s'allier avec un parti qui porte un autre projet politique en actant des promesses de places au gouvernement. Il n'est pas grave non plus de s'allier avec un ennemi (un média, un groupe industriel ou autre). Car ces concessions, alors loin d'éloigner de l'objectif, permettent même de le réaliser. Le résultat nous le connaissons déjà : une fois au pouvoir, il faut maintenir ces alliances au risque de fragiliser sa position. Les promesses qui ont permis l'élection tombent alors les unes après les autres car l'objectif premier étant réalisé, elles deviennent secondaires. Seul l'objectif de gouverner et d'être réélu compte, et pour cela, on ne met pas en œuvre un programme contre l'ordre établi, au contraire, sinon, on tombe. Toutes les gauches sont pour l'instant tombées dans ce piège et la perspective d'une coalition "de gauche" sans autre objectif que la victoire électorale mènera sans aucun doute à cela.
En revanche, si l'objectif était par exemple de bâtir une société plus forte, une société dont les membres décideraient et participent collectivement aux actions politiques, alors c'est plutôt l'élection qui perdrait le statut d'objectif et ne devient qu'un possible moyen mineur à utiliser s'il s'avère pertinent et ne remet pas en cause la réussite de l'objectif fixé, mais seulement dans ce cas. C'est donc un changement de paradigme, et la question devient : "comment arriver à cette société ?". Cela permet de s'extraire du piège du capitalisme qui s'est approprié tous les moyens de parvenir au pouvoir par le biais de l'élection dans son format actuel, en achetant les principaux médias qui lui permette de contraindre toute la parole publique passant par elle, en gouvernant une police à ses ordres et en utilisant une justice dont l'indépendance est particulièrement discutable en France du fait de la dépendance des parquets au ministère de tutelle et de la main-mise sur la fabrication de la loi par les groupes industriels.
Alors, le constat est le suivant : il est temps d'arrêter de se demander comment gagner les élections. Il est temps de définir un objectif politique. Toute discussion autre ne mènera qu'à une énième déception, à un gouvernement capitaliste teint en rouge, en rose ou en vert. Je ne crois pas que ce soit un objectif désirable.
Et pour cela, il va falloir discuter. Mais pas entre partis ou entre élus, non, entre citoyens.
Oniros