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Billet de blog 22 janvier 2024

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Une nouvelle stratégie pour LFI

Le bilan de la France insoumise depuis l'élection présidentielle de 2022 est, c'est le moins qu'on puisse dire, en demi-teinte. A défaut d'avoir une oreille attentive au sein de la direction, voici quelques lignes pour proposer une nouvelle stratégie au mouvement.

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Avant de commencer à établir une stratégie, il convient de dresser un rapide bilan de ces deux premières années et des perspectives actuelles, puis de redéfinir l'objectif, et enfin de tracer quelques pistes.

Le bilan actuel

Je ne vais pas m'en cacher, j'ai eu l'occasion il y a quelques temps de passer un entretien pour un poste au groupe LFI à l'Assemblée. Mais une question m'a laissé bien en peine : "pouvez-vous nous indiquer les principales victoires du groupe à l'Assemblée depuis le début de la législature ?". A une telle question, que répondre ? Souhaitant rester honnête, j'ai répondu que la principale victoire était celle de l'accord de la Nupes qui a permis d'installer l'union de la gauche au cœur des discussions lors des législatives, et de braquer l'attention sur la gauche. Mais en dehors de ça, le bilan me parait particulièrement léger. Il y a bien quelques petites victoires comme la constitutionnalisation du droit à l'avortement, ou la mise à l'agenda du cas des punaises de lit, mais soyons sérieux, en deux ans le bilan est très maigre, et les perspectives encore pires.

Si on considère que l'objectif de LFI est d'accéder au pouvoir en 2027 pour mettre en place le programme de l'Avenir en commun, qui peut croire que cet objectif soit seulement un tout petit peu crédible ? Si la base militante pourrait encore une fois voter pour un candidat comme Jean-Luc Mélenchon ou François Ruffin au premier tour dans des proportions similaires à 2022, cela ne permettra pas d'accéder au second tour (car dans la tripartition actuelle, il faudra plus de 25%, les autres partis s'effondrant au profit du RN et du macronisme). Et quand bien même Ruffin y parviendrait, le second tour serait très compliqué, et encore davantage les législatives, justement car le bilan de la France insoumise ne le permet pas. Nous aurions donc au mieux un président comme Ruffin, mais incapable de gouverner dans le sens de l'Avenir en commun.

LFI n'est en effet pas en mesure d'avoir une majorité au Parlement, ni même une grande minorité capable de créer une alliance suffisamment radicale pour espérer un changement. Il faudrait aller chercher des voix jusqu'au centre droit, ce qui compromettrait toute politique ambitieuse. C'est le résultat d'une stratégie appelée à tord de la "conflicualisation". Car soyons clairs, le problème n'est pas le conflit, le problème est que cette stratégie est en fait tout bonnement une stratégie réactionnaire au sens propre du terme. LFI ne fait que réagir à l'agenda politique du gouvernement. Avec vigueur et véhémence certes, mais exclusivement en réaction. Or, la base de la stratégie est que pour espérer vaincre, il faut amener l'ennemi sur le terrain que l'on souhaite, sinon, il aura toujours l'avantage. Alors depuis deux ans, toutes les réactions de LFI sont attendues. Un nouveau 49.3 ou l'absence de vote de confiance ? LFI dépose une motion de censure. Très bien, il faut souligner le contournement du Parlement, mais à quoi cela sert-il sinon à se donner bonne conscience ? C'est tellement attendu que plus personne n'y prête la moindre attention, le gouvernement le premier. Les cris dans l'Assemblée à chaque mensonge et à chaque propos problématique du gouvernement, à quoi cela sert-il ? Un menteur est toujours bien plus mal à l'aise lorsqu'il fait face à un silence que lorsqu'il suscite une indignation attendue. Bref, LFI n'a, en deux ans, et malgré 75 député.e.s, pas été en mesure d'imposer une seule fois un sujet majeur à l'agenda politique, pour amener le gouvernement sur son terrain.

Redéfinir l'objectif

Avant de proposer un moyen d'atteindre un objectif, il est évidemment essentiel de définir l'objectif à atteindre. Cette phase est trop souvent évacuée comme si la réponse était évidente. Ce n'est pas de tout le cas. Un mouvement politique peut chercher à obtenir des postes, des financements, à gouverner seul, à gouverner au sein d'une coalition, à imposer ses thèmes à l'agenda, ou encore mille autres objectifs possibles. Pour LFI, l'objectif semble assez peu clair. Le but est-il de gouverner (donc d'avoir une majorité au Parlement) ? D'être une force d'opposition ? De remporter des élections secondaires ? La réponse n'est pas claire. Or, l'objectif devrait être absolument public et partagé. Le risque si cela n'est pas fait est l'éparpillement des efforts et l'absence de perspectives. Sans objectif précis, LFI se focalise à chaque fois sur la prochaine loi du gouvernement et la prochaine élection. Cela conduit à une dilution de la force de frappe du mouvement et à une succession de défaites. LFI semble à chaque fois se réveiller pour la seule campagne présidentielle, mais pour gagner, il faut s'y préparer bien en avance. Ainsi, sur les élections européennes par exemple, l'année passée à demander une liste commune alors que le sujet avait été plié par une partie des partenaires lors de votes internes (les Écologistes et le PCF) a occupé l'intégralité du temps de parole de LFI. A part pour montrer que ce sont les autres les briseurs d'union, je ne vois aucun gain politique derrière. Nul part il n'a été question d'un projet politique européen. Et quand bien même, cette élection mobilise peu et la position de LFI n'est pas très claire sur l'UE. Pourquoi s'y attarder ? LFI devrait déjà clarifier son objectif politique. Mais nous allons ici considérer que son objectif est de mettre en pratique le programme de l'Avenir en commun, donc d'être en capacité de gouverner en 2027.

Maintenant, quelle stratégie ?

En premier lieu, si l'on veut gouverner, il faut mettre un terme immédiat à la stratégie réactionnaire. Aucun besoin de commenter ce que fait le gouvernement, ce que dit Macron, ou ce que dit untel. La politique ce n'est pas commenter, laissons cela aux commentateurs. Les réactions sur les plateaux de télévision, sur les réseaux sociaux privés numériques ou ailleurs ne servent à rien sinon à crédibiliser les propos que l'on commente. Il faut faire exactement l'inverse, donc déserter les lieux de réaction et investir les lieux d'action politique. LFI a peu de temps d'antenne, faisons en sorte que ce ne soit pas pour commenter la dernière bêtise de Macron mais pour parler de la politique que l'on veut. A l'Assemblée, il faut stopper les invectives à chaque prise de parole des adversaires et les applaudissement à chaque prise de parole du groupe. Cela est attendu et donc ne sert à rien. Il faut laisser les mensonges face au silence, et les interventions présidentielles face à l'indifférence. Bref, il faut être là on ne nous attend pas, et pas forcément là où on nous attend.

En second lieu, il faut relancer une dynamique interne et écrire l'agenda politique. Pour cela, voici une idée. Force est de constater que depuis le retrait de JLM, d'une part LFI manque cruellement d'orateurs et oratrices convaincantes, et que d'autre part, elle est en peine d'analyses pertinentes sur les sujets d'actualité. C'était la grande force de Jean-Luc Mélenchon. Organisons donc un concours récurrent d'analyse politique. La direction de LFI mettrait un sujet à l'ordre du jour, laissant une semaine ou un mois à toute personne volontaire de préparer une analyse, puis organisons un concours d'éloquence sur ce sujet, un concours public ouvert à tous. Pour gagner, il faudrait proposer une analyse politique convaincante. Cela permettrait de relancer la démocratie interne en donnant la parole à toute personne volontaire, à temps de parole égal, d'imposer à l'agenda politique une question qui pourrait susciter le débat, de définir pourquoi pas une nouvelle position collective sur un sujet politique pour enrichir l'Avenir en commun, et enfin, de faire émerger de nouvelles figures politiques capables de produire une analyse politique convaincante. LFI doit être à l'offensive et mettre à profit son avantage stratégique majeur : avoir le soutien des étudiant.e.s et du monde intellectuel. Pourquoi se priver d'un tel vivier ?

Enfin, il faut arrêter de vouloir maintenir la Nupes pour maintenir la Nupes. Ce n'est plus le rôle de LFI d'attaquer Fabien Roussel ou tel groupe pour tel ou tel propos. Si la Nupes existe, tant mieux, mais l'union viendra après un travail interne, pas avant. Les prochaines échéances électorales ne concernent pas vraiment la politique générale de LFI, alors laissez les groupes locaux libres de s'allier pour les municipales et autres échéances. LFI ne sera pas une force politique locale majeure, laissez cela aux Écologistes. LFI doit porter une rupture radicale dans la constitution et dans la loi, or, la politique territoriale s'inscrit dans le cadre de la loi. Pas besoin d'être pour la VIe République pour être maire, il faut des élus locaux capables de faire au mieux avec la loi actuelle. Et les Écologistes et socialistes ne sont pas si mauvais que cela pour ça. LFI doit donc accepter de rester en soutien mais en retrait pour toutes les élections locales, mais doit reprendre la main sur les sujets pour lesquels il faut être absolument radicaux : la loi et la constitution.

Bref, voilà quelques pistes pour une nouvelle approche. Continuer comme aujourd'hui, c'est se prendre un mur en 2027. Donc pourquoi ne pas essayer autre chose ?

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