En politique, pour pouvoir gouverner, une personne (un parti) a besoin de soutiens. Or, si l'histoire nous a appris une chose, c'est qu'après une victoire, les soutiens s'attendent évidemment à un retour. Or, cette question n'est quasiment jamais abordée dans le cadre des élections, mais fait seulement l'objet de documentaires a posteriori, comme le fait par exemple l'excellent média Off Investigation dans son travail sur les raisons du soutien de Macron au projet d'autoroute A69.
Pour Macron, les choses sont désormais à peu près connues. Ses plus grands soutiens au départ sont Bernard Arnault, Xavier Niel et Patrick Drahi. Ils ont donc très largement profité de sa politique en augmentant considérablement leurs patrimoines, avec un soutien constant de l’État qui a mis son appareil diplomatique et politique à leur service, financé bien sûr sur fonds publics. Si le dernier est aujourd'hui en difficulté, Emmanuel Macron a cherché à se créer un nouveau grand soutien en la personne de Rodolphe Saadé à qui il offre des niches fiscales gigantesques et de nombreux médias d'influence nationale (BFMTV, La Provence et La Tribune notamment). Tout cela, bien évidemment, au détriment de la démocratie et des services publics.
De son côté, Vincent Bolloré est engagé depuis de nombreuses années dans ce que la plupart des médias appellent une "bataille idéologique", à travers notamment CNews, C8, le JDD, Paris Match, etc. Ces médias sont très largement responsables de la montée en force de l'extrême-droite, en témoigne les innombrables interviews disponibles où l'on entend des personnes n'ayant à faire face à aucune insécurité particulière, ni à aucune immigration directe, justifier leur vote en faveur de l'extrême-droite par l'insécurité qu'elles voient à la télé. Ses médias sont très clairement au service de l'extrême-droite.
Mais il est totalement illusoire de croire que le seul objectif de Vincent Bolloré est de diffuser le racisme. En véritable capitaliste, son intérêt est et restera exclusivement la maximisation du profit et l'augmentation continue de son capital. En 2023, un article de La Lettre révélait que les chaînes du groupe Canal+ étaient toutes en grand déficit, à part CStar qui avait eu un petit résultat positif de 2 millions d'euros en 2022. En 2022, CNews a ainsi perdu 4 millions d'euros, C8 23 millions d'euros et Canal+ 26 millions d'euros. La Lettre révèle aussi que C8 aurait perdu, depuis 2005, 650 millions d'euros. Ces médias ne sont donc pas des entreprises, mais bien des investissements. Et Marine Le Pen, tout comme Jordan Bardella le savent bien, Vincent Bolloré souhaite un retour sur investissement.
Ce billet a donc pour objectif de poser cette question qui, me semble-t-il, devrait être la question la plus importante des législatives, que devraient poser tous les journalistes et tous les responsables politiques : qu'a demandé Bolloré au Rassemblement national en échange d'une arrivée au gouvernement ?
C'est une question d'intérêt public majeur, car cela se fera avec de l'argent public.
Plusieurs pistes apparaissent, mais il faudrait poser la question à Jordan Bardella car elles ne suffiront pas. Est-ce seulement la continuation de la baisse des impôts des plus riches ? Macron le fait déjà, donc pourquoi Bolloré y aurait particulièrement intérêt avec le RN ? Est-ce la privatisation de l'audiovisuel public ? En se construisant un quasi-monopole, Bolloré pourrait enfin augmenter ses tarifs et bénéficier de grandes subventions publiques, tout en contrôlant toutes les élections. C'est une piste mais qui ne semble pas suffisant vu la rentabilité des organes de presse. Souhaite-t-il, via des sociétés montées de toutes pièces, obtenir la gestion de prisons qui seraient privatisées ? Bref, nous n'en savons rien, et c'est bien ça le sujet. Il faut que le RN réponde.