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Billet de blog 27 juin 2024

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Changer de régime de croyance.

Il n’est plus temps de jouer, il est temps de vivre. Il est temps d'exister comme sujets à cet endroit où la liberté et la responsabilité se cadrent l’une l’autre au sein d’une conversation éthique sans cesse recommencée car toujours inachevée. Pour faire de ce temps notre réalité, c'est à nous de changer de régime de croyance.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Il a joué. Comme un acteur. Il a cru être son personnage. Ceux qui l'ont soutenu et suivi aussi. Mais jouer ne suffit pas. Et les personnages n’existent pas que dans l’imaginaire de celles et ceux qui y croient. Ils existent dès qu'ils impactent nos représentations, nos actions et nos vies.

Diriger un pays n’est pas seulement une question d’incarnation. C’est aussi et surtout une question de compétences, avec l’intérêt, collectif ou pas, comme colonne vertébrale. Être persuadé d’avoir un destin, d’être un thaumaturge, et mettre en œuvre cette persuasion dans un projet impliquant des millions de personnes, ce n’est pas faire de la politique. C'est faire un théâtre d’une cruauté sans partage par le spectacle d’une gestion.

À cet endroit précis de confluence entre le spectacle et la gestion, la politique est dépolitisée. Relayée par des médias complaisants, viralisée par celles et ceux qui en tirent bénéfice, normalisée au fil du mimétisme et de la ritualisation, cette coquille vide devient culture. Une culture qui assèche le sens. Une culture où les mots disent tout et donc rien. Où le commun des définitions est oublié. Où les concepts mobilisateurs sont alignés dans les discours comme autant de gâchettes émotionnelles, activant une pensée défensive, rapide, raccourcie, simpliste, fallacieuse, au détriment d’une pensée analytique exigeant du temps et de l’énergie pour explorer, comprendre et mettre en perspective.

Quand le sens est déserté, ce sont des réactions primaires qui viennent occuper le terrain. Un acteur en inspire d'autre, en appelle d’autres qui viennent sous nos yeux dérouler et amplifier cette même vacuité, surexcitant l’effet de halo avec leur tête de l’emploi. Ces acteurs envahissent la scène de nos fenêtres sur le monde en pirates. Il captent nos attentions. Leur butin est composé de nos capacités réflexives qu'ils prennent en otage en jouant avec nos réflexes cognitifs ancestraux par le nudge. Leurs leviers ? L’urgence et l’insécurisation permanentes. Sous le costume trois pièces, l'hubris. Sous le verbe poli et l’apparence sage, une violence brutale. Sous le fard, la nuit.

À nous de ne plus donner ni valeur ni légitimité à cette société du spectacle en la repoussant à sa place : derrière le quatrième mur. À nous maintenant de situer, de contextualiser, d’historiciser ces archétypes et les convictions que nous y avons projetées. À nous de déconstruire pour comprendre l’influence que nous leur avons octroyée. À nous de nous affronter le miroir qu’ils nous tendent en regardant nos renoncements existentiels collectifs dont ces masques ne sont qu’un reflet. À nous d’aller à la rencontre de ce que nous avons à perdre, de ce que la peur de désinvestir nos erreurs et nos déceptions implique, des limites que le sentiment de menace existentielle nous a autorisés à franchir quoi qu’il en coûte. À nous de comprendre ce que tout cela dit de nous, pour enfin mettre notre autodestruction collective à distance.

Il n’est plus temps de jouer, il est temps de vivre. Il est temps d'exister comme sujets à cet endroit où la liberté et la responsabilité se cadrent l’une l’autre au sein d’une conversation éthique sans cesse recommencée car toujours inachevée. Pour faire de ce temps notre réalité, c'est à nous de changer de régime de croyance.

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Sous le ciel © Raymond Depardon

Photo de Raymond Depardon extraite de l'exposition "Sous le ciel", CNAP (2023).

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