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Malheureusement, le pouvoir espagnol, ne songe qu’à la grandeur de l’Espagne passée, présente et future. Cette idéologie grand-Espagnole est un poison pour tous les peuples d’Espagne. Elle a été également mortifère pour tous les peuples que le colonialisme espagnols a asservit et pillés. Du Maroc aux Philippines en passant par les Amériques. L’empire de Charles Quint, le plus vaste du monde, appuyé par la sainte inquisition, matait les peuples à l’extérieur mais aussi à l’intérieur. Isabelle la Catholique fit expulser les juifs de l’Espagne et obligeât les morisques à se convertir. Sous Philippe II on interdisait de parler arabe dans le royaume de Grenade, de porter des vêtements spécifiques et, aux femmes morisques, de porter le voile. Et les descendants de Torquemada continuaient à l’aide de leurs tables de tortures de traquer les hérétiques
Ce nationalisme dominant, oppresseur vis-à-vis des « petits peuples » se prétend « démocratique ». C’est, cependant une démocratie « Canada Dry ». Cela ressemble à de la démocratie mais on reste sur surveillance de l’ancien système qui a bien voulu concéder des évolutions mais qui les a encadré, par le maintien de la royauté, par une constitution qui, bien que fortement décentralisatrice, autorise le pouvoir central à reprendre tous les pouvoirs quand il prétend en avoir le droit et par des forces armées et policières qui n’ont jamais été épurées même des franquistes les plus extrêmes et qui aujourd’hui en profitent pour relever la tête après plus de 40 ans de silence plus ou moins complet.
L’intervention du Roi dans le débat politique sous forme d’admonestation aux indépendantistes n’est pas conforme à l’esprit de cette constitution. Le Roi est chargé d’inaugurer les Chrysanthèmes et la féria agricole de Zaragoza . Aucun de ses collègues de Belgique, des Pays-Bas, du Royaume-Uni, de Suède, du Danemark ou de Norvège n’aurait pu se le permettre. Felipe VI est un Bourbon, il doit être l’arrière-arrière-arrière- arrière-arrière-arrière- arrière-arrière-arrière-petit-fils de Louis XIV Le droit civil lui permettrait d’être citoyen français en vertu du droit du sang, s’il en faisait la demande.
La présente monarchie espagnole est la fusion de l’esprit de la Reconquista d’Isabelle la Catholique avec celui de la monarchie absolue de Louis XIV. La monarchie loin de mettre de l’eau dans les rouages au moment de la crise a mis de l’huile sur le feu en excitant les plus excités des excités.
Et cette royale intervention permet de reposer la question fondamentale de la république.
En Espagne, la république a été proclamée en 1931. Elle a été renversée par Franco. Qui a installé sur le trône son poulin, Juan-Carlos. L’actuel roi n’a d’autre légitimité que celle du « golpe » du 18 juillet 1936. La revendication républicaine est un puissant moyen de déplacer le débat du cas de la seule Catalogne vers une exigence qui concerne toutes les autonomies et tous les aspects de la vie politique (sociale, sociétale, droits des femmes, des LGBT, des étrangers de l’accueil des réfugiés)
C’est aussi un bon moyen de trouver des architectures institutionnelles qui sortent des préceptes de « l’unité indissoluble de la nation espagnole, patrie commune et indivisible de tous les espagnols »[1].
Plusieurs exemples constitutionnels existants pourraient inspirer les constituants.
L’Espagne pourrait, à l’image de la Suisse, se doter d’une structure confédérale, dans laquelle des communautés fédérales s’unissent[2]librement. Ces communautés pourraient être des républiques, des communautés, etc. Les dévolutions de pouvoir ne seraient pas forcément identiques pour toutes les entités selon leur libre choix. Cette architecture est celle qui prévaut dans l’actuelle fédération de Russie. On pourrait reconnaitre aux sujets la souveraineté tant qu’elle n’est pas limitée par la constitution fédérale (disposition suisse[3])
Les attributions de l’Etat central pourraient être limitées comme le proposait l’Estatut de 1931
- Les affaires internationales,
- Les armées, la déclaration de guerre et la fixation des frontières
- La définition des droits constitutionnels et les règles de la nationalité ;
- Les finances
- L’immatriculation des navires de la marine marchande
- Les postes et télécommunications
- La protection sanitaire aux frontières
- L’immigration, l’émigration, la délivrance des passeports et l’extradition[4].
Comme cela se fait en Suisse aussi, plusieurs langues nationales pourraient reconnues dans la Constitution. Au sein des républiques, la langue de la république pourrait avoir une prééminence. On pourrait associer à cette prééminence une mesure de protection des minorités leur assurant qu’elles puissent traiter avec l’administration et la justice dans leur langue, comme c’est le cas en Finlande[5].
.La constitution pourrait établir également une distinction entre la nationalité et la citoyenneté On pourrait être de nationalité catalane, basque, galicienne, espagnole, tout en étant citoyen de l’Etat espagnol.
Il est probable qu’une telle architecture institutionnelle, serait de nature à changer radicalement le point de vue catalan vis-à-vis de Madrid.
Le plus hallucinant dans cette histoire est qu’il n’y a nul besoin de créer une machine infernale. Il suffit que Rajoy cesse de croire que l’Espagne de Charles Quint existe encore et d’aller regarder ce qui se pratique dans les autres pays de l’UE où cohabitent harmonieusement des peuples différents.
Xavier Rousselin
[1] Article 2 de la constitution de 1978
[2] Préambule de la Loi fondamentale d’Allemagne.
[3] Article 3 de la constitution suisse
[4] Article 10 du projet d’Estatut de 1931
[5] Article 17 de la constitution de la Finland.