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Billet de blog 14 décembre 2012

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De la crise de la dette à la crise politique : On y est.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La crise de la dette européenne au delà de ses vicissitudes quotidiennes pose, à mon avis deux grandes questions. La première est celle de la gestion de la crise des « subprime » depuis l'été 2008 et ses conséquences. La seconde est celle de la gouvernance, comme on dit de nos jours, tant de l’UE que des Etats-Unis.

La crise dite des subprime a été réglée provisoirement par un sauvetage des banques par une intervention massive des Etats. Mais aucune des législations libertines qui ont permis un tel dérèglement bancaire, n’ont été remises en cause. La seule disposition qui a évoquée est celle de la limitation des bonus des traders. Mais cette belle idée est restée lettre morte. Pour une raison essentielle. Une telle décision ne pourrait que mondiale. Sinon les paradis fiscaux fleuriront dans les Iles Turc et Caïcos, à Bonnaire, à moins que ce soit aux Iles Kerguelen.

Mais la crise ne provenait de toute manière pas des bonus. Tout au plus ont-ils aggravé la situation.

En 1986, sous le règne de la reine Elisabeth II et, surtout, de Mme Thatcher, le « Big Bang » a déréglementé le système bancaire britannique et a ouvert la place de Londres à tous les opérateurs mondiaux qui le souhaitaient. En d’autres temps cela aurait été passible d’accusation de concurrence déloyale. Mais M. Thatcher n’avait cure ni du G7, ni de l’opinion d’un quelconque gouvernement au monde.

Les transactions à la Criée ont disparu, et ont été remplacées par les transactions électroniques.  La transparence des échanges est devenue, si ce n’est impossible, au moins très problématique. Les opérations de gré à gré (over-the-counter en anglais) se sont développées dans le plus grand secret (c’est pour cela qu’elles existent). Et la place de Londres est devenue de plus en plus puissante. Elle est, désormais, la première place au monde pour les échanges de devises.

Dans un système de concurrence très forte entre place et pays, les autres Bourses du monde et en particulier New York ont demandé à leur gouvernement de bien vouloir avoir l’obligeance de leur accorder les mêmes faveurs que celles que le gouvernement de Sa Majesté avait octroyées à la City. Il s’en est suivi une déréglementation mondiale des transactions financières. Aux Etats-unis, en particulier, et cela du temps de Clinton, on commença de suivre le même chemin. On « détricota » les principales dispositions prises lors du New Deal pour limiter la spéculation et les risques systémiques qu’elle génère. La distinction entre Banque d’affaires et banque de dépôt fut abolie et l’interdiction d’achat d’action « à découvert » supprimée. Ce type de transaction avait été particulièrement meurtrière lors du Krach des années 30.

La loi Dood-Franck  (promulguée en 2010 par l’administration Obama) aux États unis essaie de revenir quelque peu sur le libéralisme sauvage. Mais cette loi nécessite de nombreux textes d’application et demande un surcroît de travail aux agences de surveillance des marchés. Si bien que son application est entre les mains des Républicains grâce à leur majorité au Congrès. Or ils y sont hostiles, et cherchent à empêcher son application en coupant tous les crédits des agences chargées de son application.

Quant à l’UE, elle prépare Directives et Règlements mais la lenteur de la machine bruxelloise est telle que rien n’a changé. Et le fait que la Commission Barosso soit d’un libéralisme échevelé ne facilite pas les choses.

Là où il aurait fallu prendre des mesures énergiques pour limiter la spéculation, on a en fait continué la politique du « laisser faire laisser passer ».

La crise de la dette risque ainsi de déboucher sur une nouvelle récession.  Et cela d’autant plus que les États ne mènent qu’une seule politique, celle de réduire les dépenses publiques sans autre projet que celui de réduire les dépenses sans jamais s’interroger au préalable sur la pertinence des dites dépenses. Moins d’infirmières, moins de profs, moins d’éducateurs et même pour des gouvernements si sécuritaires moins de policiers.

Pourtant, pour réduire la dette, il n’y a pas d’autre solution que de dompter les marchés financiers qui se goinfrent de la dite dette. Lorsque la Grèce emprunte à presque 17% qui profite de ces taux ? les banques. Elles peuvent toujours prétendre qu’elles courent des risques, ils sont bien modestes car elles se refinancent auprès de la BCE à 1,5%.

Et l’on débouche tout simplement sur la question : où trouver de l’argent ? Depuis des années tous les gens raisonnables proposent de taxer les transactions financières comme l’avait proposé l’économiste US Tobin. Si elle était mise en place demain, lundi 8 août 2011, elle réduirait l’ardeur des vendeurs tant sur les marchés des changes, que sur les marchés des bourses de valeurs, que sur les marchés à terme des matières premières.  Et en plus, elle aurait en quelque sorte, une valeur morale en montrant que le crime ne paie pas autant que certains le souhaite. Et enfin, elle permettrait de remplir les caisses des Etats nécessiteux.

La gestion de cette  crise montre le manque de moyens des États ou des Communautés d’Etats. Ils courent désespérément derrière la crise et sont semés à chaque tournant. Ces systèmes de gouvernances ne fonctionnent pas. Ils sont incapables de prendre des décisions urgentes. Nixon avait encore eu la possibilité les 15 août 1971 de supprimer la convertibilité entre le dollar et l’or. Mais que peut faire Obama contre la décision de Standar and Poor’s de dégrader la notation de la dette US ? contester les chiffres ?  C’est dérisoire alors qu’une nouvelle récession risque de survenir.

Du côté de l’UE tout est entre les mains des gouverneurs de la BCE. Un peu léger pour faire face à un problème politique et économique de cette ampleur qui pourrait plonger des millions de gens dans la misère.

Selon l’aphorisme prêté à Ronald Reagan : « In this present crisis, government is not the solution to our problems; government is the problem. ».(quel est le conseiller qui lui a trouvé cette formule ?).  En ce mois d’août pluvieux on peut affirmer le contraire. L’Etat est la solution et le marché est le problème. Parce que ces marchés sont devenus fou. Et n’oublions pas que « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre ». Le système de gouvernement américain est en crise. Entre le résultat d’une élection proclamé par un tribunal et une agence de notation qui peut conduire le pays à la perte alors qu’elle n’avait pas vu venir la crise des subprime, on pourrait disserter longtemps sur la constitution américaine. En tous les cas, les États Unis sont sortis des principales crises de leur histoire grâce à un renforcement du rôle de l’Etat et non par son affaiblissement. Que ce soit en 1860 au moment de guerre civile, où en 1929 lors de grande dépression, et bien plus encore en 1941 lors de l’attaque de Pearl Harbor. Et en 2008, c’est encore l’Etat qui a évité la faillite du système bancaire. En s’alignant sur la position des Républicains sur la résolution temporaire de la crise de la dette, Obama a commis une grave erreur. Il a affaibli son pouvoir en cédant aux injonctions républicaines et a reçu pour tout merci la dégradation de la note de la dette souveraine US.

Du côté de l’UE, on nous « bassiné » pendant des mois avec un projet de constitution qui ressemblait plus à un  manuel de cuisine qu’à un texte fondateur (plus 36 000 mots contre 4 444 dans la constitution américaine). En suite on a raconté que le traité de Lisbonne était la solution de tous les problèmes grâce à un président élu de l’UE. On voit le résultat. L’Ue n’a pas changé de mode fonctionnement : c’est le couple Franco-Allemand qui dirige dans les faits l’Union. La présidence est impuissante et la Commission est incapable de faire la moindre proposition.

Certaines voix commencent à dire que la seule solution est le fédéralisme. C’est une manière bien courte de penser la présente situation. L’Ue est impuissante, non pas parce qu’elle n’est pas fédérale (l’exemple US est là sous nos yeux et pourtant c’est une fédération) mais parce qu’elle n’a pas de gouvernement et, en revanche trois présidents (le président du Conseil européen, le président du Conseil des ministres, et le président de la Commission). Mais ni Sarkozy, ni Merkel ne pourront devenir ce gouvernement seule une assemblée constituante pourra le faire.  Et si l’UE veut se sortir de la panade dans laquelle elle s’est mise, elle n’a que cette solution : un vrai gouvernement démocratique.

Xavier Rousselin.

Article écrit en août 2011

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