La thérapie par ondes de choc utilise des ondes acoustiques de haute énergie pour percuter les tissus atteints d’une condition douloureuse devenue chronique. Ceci active alors la guérison en provoquant une réaction inflammatoire qui est la première étape vers la réparation tissulaire. C’est comme une machine à remonter dans le temps pour dire au corps qu’il y a une blessure afin qu’il y réagisse à nouveau et stimuler la capacité d'autoguérison du corps.
Donc concernant Fanon la comparaison n'est pas au sens purement technique, comme en médecine physique, mais comme principe profond : provoquer une rupture ciblée, une secousse, pour libérer un système enfermé dans l’aliénation, l’inertie ou la pathologie.
Dans son travail de psychiatre en Algérie, Fanon expérimente des méthodes que l’on jugerait aujourd’hui brutales, comme les électrochocs et les cures de sommeil. Mais pour lui, ces interventions ne sont pas seulement des techniques, elles sont aussi des métaphores : il faut parfois traverser une crise aiguë, forcer un effondrement momentané, pour espérer une réorganisation plus saine de l’esprit. La stagnation psychique, pour Fanon, n’est pas un état neutre : c’est une prison. Et il faut l’ébranler.
Cette approche médicale est le miroir de sa vision politique. Dans Les Damnés de la Terre, Fanon insiste : le colonisé ne peut se libérer en douceur, par simple réforme ou dialogue. Il doit briser ses chaînes, au prix d’une confrontation violente. C'est probablement pour cela qu'il écrit que "le nègre français est condamné à se mordre et à mordre".
Non que Fanon fasse l’apologie de la violence pour elle-même ; mais il voit en elle une nécessité cathartique, un passage obligé pour que l’homme colonisé cesse de porter le masque de l’autre. L’onde de choc révolutionnaire est, pour lui, une opération thérapeutique à l’échelle des peuples.
Ce que Fanon anticipe, c’est qu’une identité figée, assignée, même réappropriée, peut devenir une forme d’aliénation. Il ne suffit pas de dire « je suis noir », « je suis algérien », « je suis africain », si ces identités ne sont que des miroirs inversés de l’oppression. Il faut accepter de dissoudre, de perdre, de défaire ces constructions pour se réinventer, pour entrer dans un devenir plus vaste, plus universel. Fanon appelle à une révolution de l’homme, pas seulement à un transfert de pouvoir.
Et cette révolution passe, inévitablement, par des ondes de choc : psychiques, politiques, symboliques.
Il y a chez Fanon une intuition qu’on retrouve aujourd’hui dans les approches thérapeutiques les plus modernes : le choc peut être régénérateur, s’il est contrôlé, accompagné, intégré. Comme une onde qui traverse un matériau et réveille en lui des potentialités bloquées, le choc historique ou psychique permet d’ouvrir des possibles. Mais il faut savoir doser. Fanon ne dit pas que toute crise est bonne en soi. Il avertit : la vraie libération demande une vigilance, une reconstruction après la rupture, un projet collectif. Sinon, l’onde ne fait que détruire.
En ce sens, Fanon est peut-être l’un des premiers à penser la transformation humaine comme un processus de secousses, d’effondrements féconds, de micro-catastrophes fertiles. Il annonce un paradigme où l’on ne cherche plus à éviter tout choc, mais à les canaliser, à les transformer en leviers. Un précurseur du traitement par onde de choc, non pas seulement sur les corps, mais sur les âmes et les sociétés.
Bon concernant mon épaule c'est une vrai réussite !