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Billet de blog 1 juin 2025

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La techno est-elle une danse soufie moderne ?

La techno est-elle un soufisme moderne ? La question peut paraître provocatrice, presque absurde, tant ces deux mondes semblent éloignés. D’un côté, une pratique mystique vieille de plus de mille ans, enracinée dans l’islam, où le derviche tourne sur lui-même pour se dissoudre dans l’unité divine. De l’autre, une musique électronique née dans les ruines industrielles de Detroit...

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La techno est-elle un soufisme moderne ? La question peut paraître provocatrice, presque absurde, tant ces deux mondes semblent éloignés. D’un côté, une pratique mystique vieille de plus de mille ans, enracinée dans l’islam, où le derviche tourne sur lui-même pour se dissoudre dans l’unité divine. De l’autre, une musique électronique née dans les ruines industrielles de Detroit, qui rassemble sous les lumières stroboscopiques des foules anonymes en quête de fête et d’oubli. Mais à y regarder de plus près, un fil invisible les relie : celui de la transe, de l’extase, du dépassement de soi.

Dans la cérémonie soufie, chaque geste, chaque note, chaque souffle vise à éteindre l’ego pour laisser place au divin. Le corps tourne, tourne, jusqu’à perdre toute conscience ordinaire, jusqu’à s’abandonner à un ordre plus vaste. Il y a dans cette rotation un principe répétitif, une pulsation, une vibration qui résonne dans les fibres mêmes de l’être.

De l’autre côté, la techno déploie un paysage sonore fondé sur la boucle, la répétition, le battement obstiné. Les basses martèlent, les kicks frappent, les synthés enveloppent. Ici aussi, le temps se dilate, l’identité individuelle s’efface, et la foule danse comme un seul organisme, pris dans une sorte de transe collective.

Ce qui est fascinant, c’est que la techno n’a pas besoin de dogme, ni de croyance pour produire ses effets. Elle opère par l’immanence pure : pas de ciel à atteindre, pas de prière, juste la chair, le son, l’espace.

Pourtant, au fond de cette expérience, il y a peut-être la même nostalgie, la même quête d’unité, la même tentative de renouer avec quelque chose de plus vaste que soi. Dans un monde désacralisé, où le religieux s’efface, la techno invente sans le savoir un rituel profane qui mobilise les mêmes ressorts que les anciens mysticismes : répétition, vibration, perte de contrôle, catharsis.

Bien sûr, on pourrait objecter que la techno est souvent simple divertissement, que ses excès (drogue, marchandisation, superficialité) la séparent radicalement de la quête spirituelle. Mais peut-être faut-il aussi voir que sous la surface de la fête subsiste un archétype humain : le besoin d’extase, de traverser les limites du moi, de toucher une forme de transcendance, qu’elle soit divine ou simplement vibratoire.

Peut-être alors que dans les caves sombres où résonnent les basses, dans les corps en sueur qui se déchaînent sous les néons, dans cette suspension collective où plus personne ne sait qui il est ni où il est, il se joue, maladroitement mais puissamment, une version contemporaine de cette vieille intuition mystique : qu’il faut parfois s’oublier pour se retrouver.

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