Chaque année, des millions de boîtes de médicaments sont délivrées… et des tonnes finissent à la poubelle. Pourquoi ? Parce que ces médicaments sont souvent vendus dans des boîtes standardisées trop grandes, sans rapport réel avec la prescription. Résultat : gaspillage massif, surcoûts pour l’Assurance Maladie, automédication incontrôlée, pollutions évitables.
Et pourtant, une solution de bon sens existe : la distribution à l’unité, c’est-à-dire délivrer le nombre exact de comprimés nécessaires pour le traitement prescrit.
D’abord : distribuer à l’unité éviterait des remboursements inutiles. Plusieurs études estiment que des centaines de millions d’euros par an pourraient être économisés, ensuite : moins de médicaments qui traînent dans les tiroirs, c’est moins d’intoxications, moins d’erreurs de dosage, moins d’automédication hasardeuse, enfin : produire moins, jeter moins, polluer moins. Chaque comprimé non consommé, c’est un peu de ressources naturelles économisées et moins de molécules pharmaceutiques dans les eaux usées.
Mais ça bloque parce que les laboratoires pharmaceutiques n’y ont aucun intérêt. Et même, ils y perdraient gros.
Plus on vend de boîtes, plus on gagne. Les laboratoires calibrent volontairement leurs conditionnements pour dépasser la durée des traitements standards. Un traitement de 6 jours ? La boîte contient 8 ou 10 comprimés. Pourquoi ? Parce que ces surplus ne coûtent presque rien à produire, mais sont facturés plein pot à l’Assurance Maladie. Le médicament jeté… est déjà payé. Aucun remboursement si le médicament n’est pas utilisé. Aucun retour en stock. Ce qui est prescrit, même gaspillé, est encaissé.
La vente à l’unité réduirait mécaniquement le volume d’achat. Et donc les marges. C’est aussi simple que ça. Ce modèle remettrait en question la logique commerciale dominante de l’industrie du médicament. Les campagnes de lobbying ont été efficaces. Chaque fois qu’une expérimentation locale de dispensation à l’unité a été tentée (notamment pour les antibiotiques), elle a été limitée dans le temps, peu médiatisée, ou abandonnée sans suite. Pression discrète mais efficace.
C'est juste une question de volonté. Les pharmaciens sont tout à fait capables de distribuer à l’unité. Les outils existent, les logiciels aussi. Ce qu’il faut, c’est un choix politique clair, assumé, pour mettre l’intérêt général avant les profits d’un secteur parmi les plus puissants au monde.
La santé ne devrait pas être une variable d’ajustement budgétaire, ni un marché captif où chaque boîte inutile devient une rente. Distribuer les médicaments à l’unité, c’est une réforme concrète, efficace, écologique et humaine. Trop simple pour être adoptée dans un système aussi verrouillé ? Alors au lieu de braquer les fauteuils roulants des morts au cimetière... commencer par le bon sens.
Au lieu de ça : les rats sévissent durement contre les bonnes initiatives des pharmaciens : "Condamnés pour avoir agi contre la pénurie et le gaspillage" : deux pharmaciens sanctionnés pour avoir vendu des médicaments à l'unité