Les prisons secrètes de la Central Intelligence Agency (aussi appelées black sites, ou « sites noirs ») désignent des prisons clandestines contrôlées par l'agence américaine dans différents pays. En France il y a quelques années, les demandeurs d'asile étaient entassés à Roissy dans un black site... Non gégé ce n'est pas un back room pour étrangers d'origine africaine.
Xoreeyo : Wtf?
Antoine : C'est sur ce site que j'ai débuté ma formation. Figurez vous que au sein même d'un hôtel IBIS, entre deux étages réservés aux clients, se trouvait alors un centre de "rétention administratif". Pourquoi rétention et pas détention? Simple, on vous répond fièrement, "c'est pas pareil", ici on ne peut pas pénétrer sur le sol français, mais on peut retourner dans son pays quand on veut.
Xoreeyo : Les clients de l'hôtel étaient au courant?
Antoine : Non c'est ce qui est le plus drôle. Il faut imaginer un étage fantôme, je crois que c'était le 3e, l'ascenseur n'y marque pas l'arrêt, on y accède avec un badge par les escaliers. Un bureau gardé par des FLICS de la PAF en uniforme et deux couloirs avec des chambres de part et d'autre.
Xoreeyo : Plutôt confortable pour des étrangers en situation irrégulière?
Antoine : Mmm En apparence seulement. Des chambres exiguës, aucun accès à l'extérieur, fenêtres évidemment condamnées, pas de téléphone, pas de distraction, une sécurité minimale en dépit de la présence d'enfants. Peinture écaillée, murs sales, sol improbable, lumières défaillantes. Une certaine idée de l'enfer. L'air y était vicié, forte odeur de transpiration, urine, moisi.
Xoreeyo : Quel était le profil des personnes retenues?
Antoine : Aucun profil type, des nationalités du monde entier, en fonction des époques. Je me souviens de Sri lankais se réclamant du LTTE Tigres de libération de l'Eelam Tamoul. Il y avait également des palestiniens en provenance des camps du sud Liban. Il y avait également des africains de différentes provenances. Notamment Sierra Leone, RDC, Angola, ...
Xoreeyo : Tout ce petit monde mélangé dans un espace exigu..
Antoine : Exactement un risque sanitaire énorme, mais également de vrais problèmes de sécurité. Je me souviens avoir mené des entretiens face à des palestiniens capables de me casser en deux en quelques secondes... Nous disposions d'une chambre sur place équipée d'un bureau avec un téléphone pour les interprètes. L'endroit n'était ni sécurisé ni séparé des personnes retenues.
Xoreeyo : Des incidents?
Antoine : Oui, et plusieurs décès suspects. Je me souviens d'un Sri lankais décédé avant qu'on puisse l'entendre en entretien. Un gars solide, qui apparemment en avait vu d'autres. Rétrospectivement l'assassinat de Georges FLOYD en pleine rue en plein jour pourrait nous autoriser à envisager des hypothèses extrêmes dans un black site.
Xoreeyo : des violences policières??
Antoine : Quotidiennement oui et en toute impunité. C'était à vomir.
Xoreeyo : A quelle occasion?
Antoine : Je préfère réserver un développement complet sur le sujet au cours du prochain entretien.