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Billet de blog 23 juin 2025

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L’enfer des foyers : le cri actuel de Lyes Louffok contre une maltraitance systémique

Dans L’Enfer des foyers, Lyes Louffok livre un témoignage à la fois intime et implacable sur ce que subissent de nombreux enfants pris en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Enfant placé lui-même, il raconte l’envers du décor d’un système qui se veut protecteur mais qui, trop souvent, maltraite, abandonne, détruit.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Des familles d’accueil négligentes ou violentes, des foyers où l’on apprend plus à survivre qu’à vivre, puis l’abandon à la majorité sans ressources ni repères : le parcours de nombreux jeunes placés ressemble davantage à un parcours de guerre qu’à une trajectoire de soin.

Éducateur mon ami !

« N'as-tu pas honte d'être réellement en colère ? Regarde-le comme il est : petit, frêle, maladroit.

« Ne le regarde pas tel qu'il sera, mais tel qu'il est : privé de ses cris joyeux, de sourires éclatants.

« Il connaît, il pressent le poids de son handicap. Laisse-le oublier, laisse-le se reposer.

« Dans sa vie sinistre, qu'il garde ce puissant levier moral : le souvenir de l’être, unique parfois, qui lui aura été bienveillant, qui ne l’aura pas déçu.

« Qui l’aura connu, qui aura tout su de lui, et qui malgré cela sera resté bienveillant : son éducateur. »

J. Korczak, « Théorie et pratique », 1925

Le documentaire réalisé par Louffok en prolongement de son livre, Enfants placés : les sacrifiés de la République, vient renforcer cette dénonciation. À travers les visages et les voix de ceux que l'on appelle trop souvent "les enfants de personne", le film donne chair à cette violence institutionnelle que le grand public méconnaît ou préfère ignorer. L’image des enfants ballotés de lieu en lieu, souvent séparés de leur fratrie, privés de parole, surveillés mais rarement écoutés, révèle une mécanique d’effacement de leur humanité. Une mécanique froide, bureaucratique, parfois (souvent de manière dogmatique) franchement inhumaine.

Certes, toutes les histoires ne sont pas tragiques. Il y a des éducateurs admirables, des familles d’accueil engagées, des parcours de résilience. Mais ces exceptions ne doivent pas masquer une réalité systémique de sous-financement, de désintérêt politique, de maltraitance ordinaire. Comme le dit Louffok lui-même : il ne s'agit pas de pointer quelques brebis galeuses, mais bien un système défaillant. Un système qui, malgré les lois et les discours, continue de broyer celles et ceux qu’il prétend protéger, mais également les protecteurs eux mêmes qui souffrent au point de renoncer la mort dans l'ame.

Dans cette lumière, la parole de Janusz Korczak, pédagogue visionnaire et protecteur des enfants jusqu’au sacrifice ultime, résonne avec une pertinence terrible :
« Plus le niveau spirituel de l’éducateur est pauvre, plus sa morale est incolore, plus grand sera le nombre des injonctions et interdictions qu'il imposera aux enfants, non pas par souci de leur bien, mais pour sa propre tranquillité et son propre confort. »

Quel est le niveau spirituel des vrais commanditaires de la politique de protection de l'enfance en danger? Pas ceux qui chargés de faire des miracles avec "rien" se tuent à la tache. Mais les vrais commanditaires, les Macrons, Retailleau Bayrou, toutes ces vermines criminelles néolibérales qui raisonnent avec des tableurs ou de grands principes d'un autre temps. L'ordre, l'ordre, l'ordre.

« Si des petits manquements, des transgressions mineures se contentent d'une compréhension patiente et amicale, c'est d'amour dont ont besoin les jeunes délinquants.

« La révolte de ces enfants est juste.

« Il faut repousser la vertu trop facile et faire alliance avec le délit solitaire du maudit.

« Quand, sinon maintenant, recevra-t-il la fleur d'un sourire ?

« Ne voyez-vous pas que les meilleurs parmi les enfants plaignent sincèrement ceux qui passent pour les pires ?

« Où est leur faute ? »

J. Korczak, Le droit de l’enfant au respect.

Cinq des terroristes qui ont frappé la France récemment étaient issus de l'ASE. Pauvres fous !

Ce que Korczak dénonçait au début du XXe siècle reste d'une actualité brûlante.

Trop souvent, les éducateurs et les institutions ne cherchent pas à élever les enfants, mais à se protéger d’eux.

Les règles et les protocoles deviennent autant de murs dressés pour éviter la responsabilité morale de l’engagement humain. Dans ces foyers, ce n’est pas l’amour qui soigne, mais la routine qui étouffe. L’autorité sans lien, la surveillance sans écoute, la gestion sans présence. Bref... du Retailleau ou du Darmanin.

Ce qui est en jeu ici, ce n’est pas seulement le destin de quelques milliers d’enfants. C’est le visage même d’une société. Une société qui tolère que des mineurs (parmi les plus vulnérables) soient maltraités sous sa responsabilité, qui détourne le regard quand l’État devient le premier pourvoyeur d’instabilité, de précarité, de souffrance. Une société qui consacre des milliards à d’autres priorités, mais rogne sur les budgets de l’ASE, refuse de penser en termes d’accompagnement humain, ferme les yeux sur les tragédies du quotidien. Mais enfin les gens...! Que vous faut il de plus???

Le combat de Lyes Louffok, porté avec courage et détermination, ne peut rester isolé.

Il appelle à une mobilisation citoyenne, politique, éthique. Non pour réformer à la marge, mais pour transformer en profondeur notre conception de la protection de l’enfance. En reconnaissant enfin, comme Korczak l’avait compris, que les enfants ne sont pas des objets de gestion sociale. Ce sont des personnes. Et la manière dont une société traite ses enfants les plus fragiles révèle, au fond, son degré d’humanité. Finalement, les maltraitances envers les enfants placés et celles subies par nos aînés dans les EHPAD sont semblables. C’est le même désintérêt pour les personnes vulnérables. C’est la même logique comptable qui gangrène l’éthique. C’est la même société qui tolère — ou ignore — parce que ça ne la concerne pas directement, parce que ce sont les enfants des autres, les vieux des autres. Mais bordel, pendez ces ignorants !

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