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Billet de blog 23 juillet 2025

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Edwy Plenel en Martinique : résistance mobilisation et conscience collective

Edwy PLENEL est martiniquais de coeur et d'âme. De passage en Martinique, l'intérêt général en bandoulière comme André ALIKER en son temps, en dépit des menaces est venu partager avec les siens un puissant et humaniste appel à la mobilisation générale et à l'union des gauches et de la société civile.

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Ce 22 juillet 2025, au Tropiques Atrium de Fort-de-France, Edwy Plenel a levé la voix : un appel à la résistance, une convocation des cœurs et des consciences, dans un plaidoyer d’une sincérité rare. À l’évidence, Césaire était là  dans les mots, dans l’émotion, dans le souffle même de cette parole partagée.

Un caillou des petites Antilles, 1128 km2, caressé par les alizés, une forêt tropicale humide sur les reliefs du nord, semi-humide ou sèche dans le sud, jusqu'à la mangrove des bords de mer, une biodiversité éblouissante, un volcan classé, des plages magiques. Une fonction publique obèse mais des services publics en panne, une jeunesse à la dérive, pas d’énergie, pas d’autonomie alimentaire, pas de modèle de développement viable, pas de transports publics, des routes saturées et des inégalités criantes… et surtout aucune vision d’avenir.

Un rocher qui pourtant sait se faire entendre et qui occupe régulièrement une place de choix dans les médias nationaux… jusqu’au talk-show d’extrême droite de Pascal PRAUD qui débite ses âneries avec un aplomb déconcertant… La Martinique est à l'avant garde, c'est en substance le propos de cet homme inspiré, animé par l'ambition du progrès social.

il y a des volcans qui se meurent

il y a des volcans qui demeurent

il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent

il y a des volcans fous

Un territoire « chargé » comme l’haleine d’un joueur de dominos, sur lequel les dés sont pipés depuis toujours.

Pour Fanon, « l'antillais ignore le prix de la liberté » selon lui il ne s’est pas « battu pour elle » il est ainsi « condamné à se mordre et à mordre ». Alors, dans la mesure où l’ironie de l’histoire a laissé cohabiter comme dans un « Pitt » aussi charmant soit-il, les descendants des bourreaux et de leurs victimes, on refait le match encore et encore un peu comme Sisyphe mais sans le rocher.

Edwy PLENEL le martiniquais n'ignore rien de ce petit territoire grand par sa noblesse.

Rien de cette dualité amère les békés « blancs créoles » descendant des premiers colons esclavagistes qui constituent une tribu consanguine maudite, damnée pour l’éternité et qui conserve pourtant une place prépondérante dans la vie économique. La lutte des « races » a depuis longtemps laissé la place à la lutte des classes. Mais un certain apartheid subsiste néanmoins et dans l’ascenseur social, comme jadis, les noirs doivent souvent céder leur place aux blancs #rosaparks.

Le capitalisme et l’économie de comptoir ont remplacé les plantations, il y a la télé dans les cases, mais on se nourrit toujours dans la boutique du maître et on y achète aussi son SUV obèse à crédit.

Le capitalisme opposition permanente à la conquête de droits : diviser pour régner

La communauté béké joue un rôle prépondérant dans l’économie, mais reste relativement sobre dans la vie politique : « le bien ne fait pas de bruit et le bruit ne fait pas de bien » Bernard H (commerçant triangulaire).

C'est évidemment au capitalisme qu'Edwy attribue la pollution des sols en Martinique comme ailleurs, la "loi Duplomb" c'est le même match de la dérogation qui se joue en ce moment sous nos yeux. Comme si on apprenait pas de ses erreurs passées.

Profil politique bas pour le béké, donc, pas de mairie, pas de députation encore moins de CTM, non, on joue en fond de cours et on laisse les petites mains monter au filet. Il est vrai que l’assassinat en 1934 du journaliste André ALIKER, admirablement mis en scène actuellement par la Cie Car’Avan (« ALIKER SUCRE AMER »), par l’ignorant Eugène AUBERY, tristement célèbre dans un contexte étonnamment contemporain d’accumulation sourde de richesses, de fraude fiscale et de magistrats corrompus #CDAD, n’arrange pas mais alors pas du tout la réputation de la tribu.

Il faut dire qu’elle accumule les âneries la tribu, en 2008, Alain Huygues-Despointes, le vieux patriarche simple d’esprit, l’autre Eugène, trouve le moyen de tenir des propos racistes débiles devant les caméras, défendant certains bienfaits de la colonisation et crachant sur le mélange des races. Si ce pauvre fou dégénéré se sent autorisé à tenir ce genre de propos publiquement, c’est qu’évidemment cet état d’esprit n’est pas « isolé », pas le fait d’un « vieux gâteux » mais juste le symptôme d’une humanité malade qui vient souffler sur les braises de l’histoire.

Globalement discret donc, mais puissamment « nuisible » le béké, non par idéologie comme certains voudraient le croire (ou alors néolibérale), mais par appât du gain, cynisme et ignorance. En témoigne la pollution irréversible des sols aux pesticides. A la tête d’un business de monoculture intensive de banane déficitaire subventionné constituant une aberration à la fois économique et écologique, le « béké POSEI », qui s’approprie des fonds publics colossaux destinés à soutenir un modèle agricole industriel délétère, a gavé pendant des décennies les sols martiniquais d’un puissant pesticide destiné à soutenir son gagne-pain. Alors la Chlordécone. Une fatalité ? Une détresse psychologique consécutive à une agression irrésistible de charançons ? Non ! Un système industriel non viable et dont la survie ne peut se faire qu’au prix d’intrants de plus en plus importants : le POSEI et les PESTICIDES participent d’une même logique. Pire, c’est certainement le POSEI qui a financé l’achat des derniers stocks du pesticide…un comble.

En clair, si on suit la logique de droite, ce n’est rien d’autre qu’une sorte d’assistanat économique, dans la droite lignée des 200 milliards d'aide publique aux entreprises sans surveillance ni contrepartie.

Dans cette mascarade, l’hypermarché joue le rôle de plantation « moderne », et constitue un business intégrant toute la chaine de distribution, comme à l’époque. C’est désormais une oligarchie capitaliste qui s’enrichit sur le dos du peuple. On laisse pousser la laine et on vient tondre le troupeau en début de mois. Les mauvaises pratiques commerciales se multiplient et l’Etat défaillant dont les moyens sont soigneusement inadaptés reste au mieux muet et le DEETS distille au pire les éléments de langage de l’oligarchie.

Lénine, dans son ouvrage "L'Impérialisme, stade suprême du capitalisme" (1917), décrit l'impérialisme comme une conséquence inévitable du développement du capitalisme.

Si l'impérialisme classique était souvent basé sur la conquête territoriale directe, un autre type d'impérialisme a émergé avec le développement du capitalisme moderne : l'impérialisme économique ou néocolonialisme. Il s'agit de la domination économique des pays développés sur les pays moins développés, sans recourir nécessairement à la conquête militaire.

L’impérialisme, la conquête violente et le capitalisme sont intimement liés à travers l'histoire. Le capitalisme, surtout dans sa phase impérialiste et néocoloniale, a souvent recours à la violence, pour assurer l'expansion économique et l'accumulation du capital. L'impérialisme a servi à étendre les marchés, à accéder aux ressources naturelles, et à imposer des structures économiques favorables aux puissances capitalistes, souvent par la conquête et l'exploitation.

Pourtant, même chez John LOCKE peu séduit par le socialisme, la richesse accumulée doit rester au service de la société et de la prospérité générale. Si l’accumulation devient une source d’inégalités insoutenables ou de tensions sociales, Locke envisage que le contrat social et les gouvernements mis en place doivent réguler l’usage de la propriété et de la richesse pour maintenir l’équilibre et la paix.

Comme dit Pacôme Thiellement : depuis César « L’empire n’a jamais pris fin ».

Yánis Varoufákis, préfère de son côté parler de technoféodalisme. Il n’y a aucune contradiction.

Pascal conclut qu'il est plus rationnel de parier sur l'existence de Dieu, car les conséquences d’une erreur (ne pas croire alors que Dieu existe) sont infiniment plus graves que les conséquences de croire alors que Dieu n’existe pas.

Pourquoi ne pas s’inspirer de son raisonnement, mais concernant la nature humaine ?

Si l’on postule qu'il y a quelque chose de grand dans l'Humain, compris comme un principe de solidarité, de compassion et de coopération  une grandeur engourdie par le confort moderne bourgeois, qui est mobilisable dans nos moments charnières, comme une force capable de contrebalancer les tendances pathologiques du capitalisme, de l'impérialisme, et de la conquête violente : cette résistance qui nait de l'indignation. 

C'est sans doute ce qu'est venu tenter de réveiller Edwy PLENEL ce soir.

 En Martinique pourtant on n’est pas encore vraiment sur cette vibration. En témoigne, une classe politique, des élites et des corps intermédiaires majoritairement corrompus (entendu comme déviés de leur vocation originelle), des fonctionnaires souvent découragés qui ont renié depuis longtemps leur vocation, en particulier les enseignants, fatigués, démotivés alors qu’il nous faudrait des militants. Des finances publiques exsangues, une division savamment entretenue entre communautés, un Etat absent ou complice et pardessus tout une absence totale de vision ou d’ambition commune autre que des fables d’inspiration libérale.

Parce que soyons lucides, la Martinique est comme la France une banlieue américaine. Nos modes de vie en sont durablement impactés. Putain mais avouez que vous adorez les séries américaines ! Putain putain c’est vachement bien nous sommes vraiment tous des européens ! chantait Arnaud. Il se trompait, nous sommes tous culturellement des Américains individualistes !

Le message politique : un message humaniste

Les perspectives ? Encourager les luttes de conquête. Tout sauf la résignation ! Et rien sans "les gens". Rien de possible dans l'entre-soi politique, même le mieux intentionné. Le NFP a gagné, il doit se comporter comme tel. Non pas dans la recherche de l'hégémonie d'un mouvement sur les autres, mais dans l'union des gauches.

il y a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent…

Mais comment mobiliser une population pour laquelle les « communs » n’ont plus de sens. Ici comme là-bas on ne vote plus, à quoi bon ? On ne s’engage pas. Pas parce qu’on n’est pas généreux, car à chaque catastrophe naturelle on constate à quel point la société martiniquaise est solidaire. Mais on ne croit plus au collectif institutionnel, et on ne croit plus (à juste titre) le politique. Le contrat social est rompu (s’il n’a seulement jamais existé). C’est un des dommages collatéraux du libéralisme. La compétition entre les individus, depuis l’école, favorise la poursuite des destins individuels.

Aujourd’hui, seules les sectes remplissent les salles. Mais ce soir la salle est plus que pleine. Et c'est un bel espoir. Et pourtant.

il y a des volcans ivres à la dérive…

C’est pourtant bel et bien une catastrophe naturelle mais invisible aux yeux de la population.

« Le jour où les Antilles feront peuple » prophétise Matthieu GAMA.

« Quand les poules auront des dents » répond la World Company.

Alors on commence par décider de la couleur du papier peint avant même de faire les plans de la maison. #sergeletchimy  drapeau RVN qui n'a rien organisé pour le centenaire de FANON... passant encore une fois à côté de ses responsabilité.

il y a des volcans qui ne sont là que pour le vent

Car au fond, le seul projet d’un peuple ne peut pas consister à se battre pour conserver un pouvoir d’achat ! Dans cette petite lutte actuelle pour la survie qui se poursuit depuis 2009 opposant quelques citoyens à la grande distribution, la finalité ne peut pas être de donner un peu plus de « mou » à la laisse du captif. C’est forcément un malentendu ! C’est bien la table qu’on veut renverser ?

Se battre d’urgence pour l'intersectionnalité, rassembler les luttes…

Il y a tellement d’aberrations à déconstruire, à commencer par le patriarcat, il faut reconnaitre l’infinie diversité des individus, qu’elle soit sexuelle ou neurologique. Déboulonner l’éternel masculin et lui substituer l’Eternel féminin de Teilhard de Chardin. Comment redonner du sens à la vie commune et à la vie tout court ?

Reconnaître les multiples formes d'oppressions qui existent, mais aussi adapter les luttes sociales pour qu'elles soient inclusives et sensibles aux différentes réalités vécues. Par exemple, un combat féministe qui intègre les problématiques raciales, ou une lutte pour les droits des travailleurs qui inclut aussi les enjeux liés au genre et à la classe sociale.

Angela Davis prône en ce sens un féminisme révolutionnaire, qui ne se contente pas de réformer les structures existantes, mais qui vise à transformer profondément la société. Elle insiste sur le lien entre l'oppression des femmes et les autres systèmes d'oppression, comme l'emprisonnement de masse des personnes noires aux États-Unis, et la nécessité de repenser ces structures pour atteindre une véritable justice sociale.

Prendre le pouvoir ? Obtenir l’indépendance ? Oui mais seulement pour s’affranchir du capitalisme.

Mais le pouvoir est un poison et la politique mène trop souvent au culte de la personnalité.

L’âme antillaise comme l’âme kanak n’est pas séparatiste, n’en déplaise à l’odieux Moussa « Darmanin ». L’âme antillaise est défenseure des singularités culturelles et identitaires des peuples en opposant la simplification, l’uniformisation économique et culturelle imposée par le capitalisme et son marché à l’infini diversité des peuples. L’âme antillaise est au chevet de la France « occupée », elle tente de calmer sa fièvre patiemment, de l’aider à retrouver la raison. 

Le mal est contagieux. Et le territoire est déjà largement contaminé, asservi.

La coexistence pacifique, oui, mais pas à au prix du renoncement. La paix, oui, mais pas la pacification par les nervis de la CRS8 dans un système injuste et inéquitable. Il n’y a pas de grand ou de petit Peuple, il y a des sociétés interdépendantes.

“(…)il y aura des hommes blancs, des hommes noirs, il y aura des hommes grands, des hommes petits. Il y aura des hommes beaux, des hommes moches et tous seront égaux, mais ça ne sera pas facile, et puis il a dit :  "Y en aura même qui seront noirs, petits et moches, et pour eux, ce sera très dur!".  Coluche

« (…) il y a des volcans fous, il y a des volcans ivres à la dérive, il y a des volcans qui vivent en meutes et patrouillent il y a des volcans dont la gueule émerge de temps en temps véritables chiens de la mer il y a des volcans qui se voilent la face toujours dans les nuages il y a des volcans vautrés comme des rhinocéros fatigués dont on peut palper la poche galactique il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments à la gloire des peuples disparus il y a des volcans vigilants (…) » A Césaire

« La pensée de la Relation, c'est cette capacité de concevoir et de vivre l'élément multiple comme élément fondamental, de se constituer par rapport à l'autre et non pas contre l'autre. » E GLISSANT (Traité du Tout-Monde, 1997)

« Le pouvoir sur les autres, c’est de la faiblesse déguisée en force. »

(Re)trouver enfin une motivation intrinsèque pour grandir ensemble.

Il n’y a pas de coexistence pacifique, d’interrelation sans découverte et connaissance de soi même puis de l’autre. Comment aimer ce qu’on ne connait pas ?

Mais attention, « il y a un équilibre délicat entre honorer le passé et se perdre dedans» .

il y a des volcans pieux qui élèvent des monuments à la gloire des peuples disparus…

Le peuple antillais (entendu comme ceux qui de bonne foi partagent une envie commune de vivre et construire un avenir ensemble hors de toute notion de nationalité), peut et doit se réapproprier son territoire et son avenir.

Permettre à la population de se réapproprier son territoire et son avenir. Si la plupart d’entre nous ne sommes pas musiciens, capable de mettre en musique des émotions, nous sommes en revanche capables d’exprimer nos gouts en matière musicale. Il en est de même en matière de développement économique ou d’urbanisme. Nous disposons des outils pour modéliser différents futurs possibles, tout comme l’architecte le fait avec des outils numériques puissants. Notre intelligence collective est capable d’arbitrer. Nous devrions en finir avec l’accaparement du débat par les spécialistes sans âme.

Nous savons tous au fond de nous-même que nous sommes au pied du mur.

Mais attention !

« Descendre dans la rue ne suffira pas. Outre que nous pouvons anticiper une violence d’Etat qui s’affranchit de plus en plus des règles de droit, cela ne servira à rien si les manifestations ne portent pas un projet global, à opposer à la course folle du capitalisme.

Il ne s’agit plus de revendiquer. Revendiquer, c’est placer un autre pouvoir, au-dessus de soi, qui possède les moyens et qui pourra céder, sous la pression, des concessions plus ou moins importantes sur lesquelles il n’aura de cesse de revenir. Le capitalisme n’existe que traversé par une pulsion prédatrice ; il s’arrête devant l’obstacle, recule parfois, mais pour mieux reprendre la main. » EVE76 (Médiapart).

Aujourd’hui ce ne sont ni les grands bonds solitaires, ni les petits pas ensemble qui sont de mise…

Dépasser la peur bourgeoise de perdre ses acquis, dépasser ses propres peurs mais surtout celles qu’on agite en permanence sous nos yeux, peur du déclassement, peur de la rue, accepter la fin d’un monde condamné.

Ne pas renoncer car la force décisive réside dans ce collectif forcément hétéroclite.

Car il ne faut pas oublier ceux qui ne sont pas les moindres

les volcans qu’aucune dorsale n’a jamais repérés

et dont de nuit les rancunes se construisent

il y a des volcans dont l’embouchure est à la mesure

exacte de l’antique déchirure.

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