Il fallait oser. Dans le décor cossu du Casino de Paris, sous les ors et les projecteurs, la droite extrême, toutes familles confondues, s’est offert mardi soir un véritable bal des vampires. Un raout libéral-conservateur, coorganisé par les satellites dorés de deux milliardaires tout-puissants, au cours duquel chacun a rivalisé d’aplomb pour donner sa vision d’une France enfin « libérée » de ses chaînes. Entendez : libérée de ses syndicats, de ses quartiers populaires, de sa Sécurité sociale, de tout ce que l’on doit à ces foutus soirs de victoire de 1945.
Tout cela, quelques jours à peine avant le spectacle ZTEK TAW de Said et Wadie...😎
Parmi les artistes invités au "cabaret des régressions", Sarah Knafo s’est distinguée par un trait d’esprit à la fois creux et glaçant, comme une mauvaise saillie d’élève de prépa en pleine crise d’ultralibéralisme. Comparant la situation fiscale française au servage d’Ancien Régime, elle osa, l’air malicieux :
On croit cauchemarder.
Il y a là non seulement une réécriture grotesque de l’histoire, mais une tentative à peine voilée de faire passer le service public pour une forme de tyrannie médiévale.
Certes BOLLORE pratique sans doute le droit de cuissage dans ses contrées, mais confondre les miettes arrachées par la peur aux seigneurs féodaux avec les conquêtes sociales arrachées par le courage à la barbarie fasciste, voilà qui exige une dose certaine d’inconscience, ou de cynisme. Faut-il rappeler à Madame Knafo que, si nos anciens consacraient quelques jours au seigneur pour ne pas être pendus à l’arbre le plus proche, c’est justement pour sortir de cet âge que la République a bâti l’impôt progressif, la sécurité sociale, les retraites et l’éducation gratuite ? L’État n’est pas un suzerain : il est, dans ses meilleures versions, la communauté des citoyens prenant soin d’eux-mêmes.
Mais ce qu’elle dénonce ici avec des trémolos dans la voix – cette « moitié de l’année » au service du bien commun – n’est pas un fardeau, c’est la trace encore vivante du programme du Conseil national de la Résistance.
Ce que dame Knafo regrette, ce n’est pas la fiscalité injuste – car elle ne dit mot des niches et des cadeaux offerts aux plus favorisés – mais bien l’existence d’un État redistributif, capable de corriger les inégalités et de contenir l’avidité des féodaux modernes.
C’est là tout le projet de ces nouveaux seigneurs : réduire les services publics à de simples "banalités", ces redevances féodales payées pour l’usage du moulin, du four ou du pressoir.
Sous prétexte de liberté, ils rêvent de ramener la République à un cadre strictement privé, où chaque droit devient marchandise, chaque soin un produit, chaque citoyen un client. Les communs, à commencer par la santé, l’éducation, la culture, ne seraient plus que des concessions temporaires, tolérées le temps d’en extraire le dernier sou.
Alors oui, gageons que ceux qui sont tombés pour la France libre, pour une société plus juste, doivent en ce moment se retourner dans leurs tombes.
Ceux qui, dans les maquis ou les mines, dans les camps ou les hôpitaux de fortune, ont rêvé d’un pays où la solidarité serait un socle, pas un fardeau, ne reconnaîtraient pas ce monde que l’on nous prépare avec le sourire carnassier de ceux qui confondent puissance et impunité.
La farce continue, certes. Mais l’histoire, elle, n’a pas encore dit son dernier mot. Saint STERIN protégez nous !
Une co-création avec ma pote LIA
