Le 31 mars 2020
Monsieur le Président de la République,
Le confinement ne doit pas être un abandon des résidents et des personnels dans les EHPAD. C’est ce que je voudrais faire entendre depuis ma première lettre à vos équipes alors que la crise sanitaire sévit dans une pénurie alarmante. Il convient de protéger au moins les soignants : toute la population peut s’accorder sur ce point.
Pourquoi alors oublier les soignants des EHPAD qui ne bénéficient pas des mesures de gratuité de transport ? Ces travailleurs percevraient-ils des salaires enviables au point de pouvoir s’en passer ? Allez-vous les obliger à camper sur place ? Pourquoi l’un de vos ministres a-t-il invité les personnels à ne plus quitter leur établissement d’intervention ? Certes, ils risquent fort de contaminer leurs proches. Dans la mesure où le public qu’ils accompagnent a été désigné par le corps médical comme le premier concerné, pourquoi n’ont-ils obtenu que tardivement et au compte-goutte des matériels de protection ?
Isoler les résidents dans leur chambre comme cela a été imposé aura pour conséquence la dénutrition d’un grand nombre de personnes et une détresse accrue. A-t-on consulté les intervenants de terrain pour prendre cette décision qui semble contestée ? A-t-on songé que la nuit dans la plupart des EHPAD il n’y a pas de personnel médical, pas d’infirmière, tout au plus une aide-soignante qui en cas d’absence est remplacée par une agente des services logistiques ou une agente faisant fonction d’aide-soignante ? Qui soulagera alors les personnes en détresse respiratoire et en proie aux crises d’angoisse associées ?
Ne faut-il pas prendre des mesures de renfort en personnels soignants en faisant appel à tous les volontaires de la réserve pour aller au secours des EHPAD, portés à bout de bras par des personnels qui gagnent tout juste le SMIC ?
Les EHPAD vont tout droit à la catastrophe, Monsieur le Président de la République, vous ne pouvez plus l’ignorer. Les personnes âgées dépendantes, dans un pays supposé être celui des droits humains, ne peuvent continuer à passer par pertes et profits. Les femmes et les quelques hommes qui ne désertent pas le front ne peuvent pas non plus continuer à être sacrifié.e.s.
Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, mes salutations respectueuses de citoyenne.
Geneviève Chovrelat-Péchoux
Auteure sous le pseudonyme ROSALOU d’Un été en EHPAD Situation critique (HDiffusion, 2019)
PS J'ai envoyé cette lettre à des élus qui ont dû intervenir, le problème des frais de déplacement semble pris en compte maintenant pour les personnels des EHPAD.