Lors de la cérémonie d’ouverture de la session parlementaire ce mercredi, le président par intérim du Conseil de la nation, Salah Goudjil, a lancé un appel à la Kabylie à se joindre à « la nouvelle République », telle que projetée par l’Etat-Major sous sa façade civile conduite par le gouvernement de Abdelmadjid Tebboune.
Cette annonce, qui a provoqué l’indignation de la société, a soulevé beaucoup d’interrogations, aussi contradictoires les unes que les autres, sans avoir pu réellement dévoiler sa portée effective ni les arrières pensés de son énonciation. Allant de l’accusation du pouvoir à vouloir affaiblir le hirak, par l’accentuation de sa division entre islamistes et berbéristes, à sa tentative de récupération de cette région contre de probables concessions à ses revendications identitaires.
Bien que ces deux hypothèses sont justifiées et permettent effectivement au pouvoir de continuer à appliquer sa feuille de route sans remous, celle de l’illusion du changement dans la continuité, sans rien changer au système de pouvoir en vigueur depuis l’indépendance nationale, qui est la revendication principale du hirak, son appel à la collaboration de cette région dissimule mal sa stratégie bien rodée de clientéliser les forces de l’opposition les plus organisées pour un partage de la rente dans des proportions relativisées.
Hier, il devait composer avec l’alliance présidentielle, formée principalement par les partis FLN, RND, TAJ et MPA. Aujourd’hui, il cherche à clientéliser l’alliance la plus organisée du moment et justement celle-ci se nomme le PAD, qui est formée par des partis politiques dont l’idéologie unificatrice est la revendication identitaire et notamment berbériste, ancrée essentiellement en Kabylie.
Le pacte de l’alternative démocratique (PAD), qui rassemble une poignée de partis politiques, ancrés principalement en Kabylie (RCD, FFS, PST), auxquels se sont joint d’autres partis dits socialistes, dont le projet politique est fondamentalement culturaliste (MDS, PT, UPC) et la LADDH, composée majoritairement de militants berbéristes, s’avèrent être le client idéal pour le système.
Ainsi, il apparait bien évident, que l’appel à la Kabylie, pour une collaboration à « la nouvelle république », faite par Salah Goudjil, s’adresse directement au PAD, les invitant à former une nouvelle alliance présidentielle avec le FLN ressuscité, en perspective des échéances électorales qui se profilent, pour former un nouveau parlement, au détriment du hirak, de la véritable nouvelle république et d’un réel changement.
Il n’est pas certain que le PAD voudrait collaborer sans concessions majeurs de la part du pouvoir, sachant que ce dernier n’est pas prêt à céder. Néanmoins, l’objectif du pouvoir pourrait se résoudre à se contenter de provoquer l’implosion du PAD en amenant les plus cupides à le rejoindre comme cela c’était le cas dans de pareilles circonstances par le passé. Tous les coups sont permis pour neutraliser toute forme d’opposition à la pérennité du système et cet appel de Salah Goudjil en est l’expression bien rodée.
Youcef Benzatat