Y. Benzatat

Abonné·e de Mediapart

112 Billets

0 Édition

Billet de blog 29 avril 2019

Y. Benzatat

Abonné·e de Mediapart

Lettre ouverte à Gaïd Salah

Je m’adresse à vous dans cette forme de lettre ouverte en tant que simple citoyen, épris d’amour pour mon peuple et de patriotisme pour ma patrie, comme l’aurai été tout autre citoyen...

Y. Benzatat

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.


Par Youcef Benzatat, le 29 Avril 2019

Mon Général,

Je m’adresse à vous dans cette forme de lettre ouverte en tant que simple citoyen, épris d’amour pour mon peuple et de patriotisme pour ma patrie, comme l’aurai été tout autre citoyen épris d’amour pour ses compatriotes et de patriotisme pour sa patrie.

Je m’adresse à vous en tant que chef du dernier rempart contre tous les périls qui pourraient menacer l’intégrité territoriale de notre pays, la souveraineté de notre nation, l’unité de notre peuple, l’exercice de sa volonté et sa souveraineté et la paix civile qui lui assure liberté et prospérité.

Comme vous, qui ne cessez de proclamer que vous êtes disposé à soutenir la révolution que le peuple est en train d’accomplir, je souhaiterai moi aussi que cette révolution, que notre peuple a entamée depuis le 22 février de cette année avec joie, pacifisme et un grand esprit patriotique, ne puisse être entravée dans sa trajectoire, jusqu’à l’aboutissement des objectifs qu’il s’était fixé, afin de lui permettre d’éprouver un profond et permanent sentiment de dignité et de liberté.

Mon Général, si je m’adresse à vous dans cette lettre ouverte, c’est pour vous rappeler qu’entre vos proclamations et vos promesses chargées de bonnes intentions, de vouloir respecter la souveraineté du peuple et l’attitude que vous affichez envers ses choix, je relève une insurmontable contradiction, qui résonne comme une méprise contre sa volonté et son intelligence.

Notamment, lorsqu’il exige la restitution de sa souveraineté pour pouvoir accomplir par sa seule volonté le redressement de son Etat et de ses institutions, qui ont été malmenés de la pire des manières par ceux que vous appelez vous-même « la bande », où mieux encore, « les forces extraconstitutionnelles », vous vous dresser contre sa volonté en confiant à cette même bande de forces extraconstitutionnelles d’organiser des Présidentielles à court termes dont il n’a jamais voulu !

On aimerait bien croire en votre bonne foi, lorsque vous évoquez l’alibi de la crainte du vide constitutionnel et le devoir du strict respect de la Constitution. Mais comment accepter le fait de confier la poursuite de la gestion de notre Etat et de nos institutions à des forces qui ont de tout temps suspendu le recours à la Constitution et qui n’ont jamais cessés de la fouler de leurs pieds ! Sommes-nous si stupides à vos yeux et dépourvus à ce point du minimum d’intelligence pour pouvoir discerner la contradiction de votre rhétorique. Encore faudra-il que vous puissiez vous-même commencer par respecter le règlement de votre propre institution, qui fixe votre départ à la retraite avant l’âge de 60 ans, alors que vous en avez plus de 80 ans, pour prétendre être éligible à la défense de la stricte application de la Constitution.

Au lieu de cela, vous continuer à vous accrochez encore à votre poste comme si l’institution militaire était une entreprise privée qui vous revient par un droit de succession.

Alors que le peuple exige de vous tous, qui avez participé de près ou de loin à l’entretient et à la perpétuation de ce système responsable de toutes les dérives qu’avait subie notre nation, de partir et de lui restituer son Etat et ses institutions, ainsi que sa souveraineté dans son intégralité, pour pouvoir choisir souverainement ses représentants, vous venez de cautionner le remplacement du Président du conseil constitutionnel par un membre de ce même conseil, responsable de toutes les violations de la Constitution et de ses amendements arbitraires depuis fort longtemps.

En tant qu’ancien Moudjahid, il ne doit pas pourtant vous échapper le sens profond de ce que signifie le concept de Révolution, pour l’avoir déjà éprouvé pendant votre combat libérateur contre le colonialisme !

Vous conviendrez avec moi que, par révolution, les peuples qui ont été privés de leur souveraineté, de leur dignité et de leur liberté, entendent généralement la volonté de réaliser le passage d’un ordre ancien, qui est révolu, à un ordre nouveau qui doit advenir ! Le peuple algérien se trouve justement en ce moment, après l’échec d’une expérience d’un demi-siècle d’indépendance, à un tournant majeur de son histoire où l’ordre ancien est devenu obsolète et doit laisser la place à un ordre nouveau qui correspond à ses besoins, à ses attentes, à ses ambitions et à ses rêves et désirs.

Vous appartenez à cet ancien ordre mon Général ! Vous ne pouvez pas comprendre cela, comme vous ne pouvez pas aider le peuple dans sa révolution à se défaire de l’ordre auquel vous appartenez et qui vous a façonné et façonné votre mode de penser et d’agir. Vous ne pouvez pas être son sauveur et le sauveur de sa révolution comme vous le prétendez.

Si vous voulez réellement briser cette fatalité et vous inscrire dans l’histoire comme un véritable sauveur de la nation, comme vous l’avez déjà fait une première fois, en l’arrachant des griffes du colonisateur pendant la glorieuse révolution et d’éviter de subir l’humiliation et l’indignation, à l’image du Président déchu, Abdel Aziz Bouteflika, parti sans gloire et sans honneurs, il est temps de vous mettre définitivement du côté du peuple et de l’histoire. Au lieu de vous adonnez à des querelles stériles de personnes à personnes, de clans à clans, de bandes à bandes, sous forme de règlements de compte par une justice sélective, vous devriez mesurer l’importance du rôle que vous pourrez jouer dans le dénouement de la crise que traverse notre nation à bon escient et accompagner le peuple à la réappropriation de sa souveraineté intégralement, pour ensuite partir à la retraite, vous et tous les membres à l’âge de la retraite de la chaine de commandement de votre institution et laisser la place aux jeunes officiers pour reprendre le témoin, pour que vive le peuple libre et souverain parmi les peuples libres des grandes nations et pour que vive l’Algérie éternelle dans le respect et la considération.
Y.B.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.