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Billet de blog 1 juin 2025

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Ressources INhumaines

Les ressources humaines affirment valoriser la compétence. En réalité, elles appliquent des logiques de tri normatif où la conformité comportementale prime sur le savoir-faire. Ce texte dissèque un système qui neutralise les profils dissonants, évacue les refus, automatise les exclusions et délègue la responsabilité au process.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Dans le cinéma comme dans les romans, les RH ont toujours le mauvais rôle.

On les montre froids, distants, parfois cyniques.

Et ce n’est pas une caricature : c’est une atténuation.

Certaines RH ont pris la parole pour dire que la fonction – souvent féminisée - ne s’identifie pas à ces portraits.

Que ce n'était pas leurs « valeurs ».

Mais que leur métier n’a rien de tendre.

MeToo n’y fait rien : la cruauté n’est pas genrée.

Elles trient, elles éliminent — proprement.

Comme un tueur à gages en mission commandée.

Je viens d’en faire l’expérience pour la énième fois.

Une seule réponse sur soixante-dix candidatures.

Et encore, seulement après une relance.

 Et ce n’était même pas la bonne : 

« Vous faites partie de la vague de recrutement ». 

C’est tout.

Sec dedans. Sec dehors.

Le pouvoir sans la science de l’arbitrage 

Arbitrer suppose un jugement, une responsabilité, un positionnement par le haut.

Ce qu’ils exercent aujourd’hui, ce n’est pas un arbitrage.

C’est une mécanique du tri sélectif - désormais confiée à des IA.

C’est sans engagement humain.

Filtrer. Écarter. Exécuter.

Certains candidats dévalisent les bibliothèques ou surfent sur le Net jusqu’à l’aurore pour apprendre à se vendre, réussir l’entretien d’embauche,

parce qu’ils s’imaginent encore les RH comme des experts de la gestion humaine, de la relation et de la compétence concrète.

Mais dans les faits, ils agissent comme des portiers de boîte de nuit.

Ils bloquent à l’entrée, sans explication.

Pas assez ceci, pas assez comme il faut.

Ce pouvoir est d’autant plus redoutable qu’ils n’en sont jamais l’auteur.

Ils l’exercent au nom de l’entreprise.

Le refus muet comme procédure 

La non-réponse est devenue le mode de communication standard.

Ce n’est pas un oubli. C’est une méthode.

Pas parce qu’il y a trop de candidats,

Mais parce qu’il est stratégiquement plus simple de ne pas assumer l’acte d’écarter.

On se contente d’éjecter puis de ne jamais contacter.

Pas de conflit, pas de justification, pas d’effondrement de soi : cela exigerait de regarder en face ce que l’on fait.

Un effacement standardisé

Là où un refus nommé engagerait l’interlocuteur,

Le silence laisse la responsabilité au système

qui dysfonctionne sous le flux, la masse, le volume.

Le néant.

Le vernis compassionnel 

Les entreprises parlent de bienveillance.

De responsabilité sociale. De bien-être.

Mais dans les faits, combien d’équipes dysfonctionnent,

Par manque de compétences, parce que les profils recrutés ont été choisis pour leur conformité,

Pas pour leur capacité à tenir le poste.

Combien de burn-out, de ruptures, d’échecs professionnels sont la conséquence de recrutements fondés sur la docilité plutôt que sur la justesse ? 

Les chiffres sont publics : arrêts maladies massifs, turn-over chronique, tensions internes non traitées. 

On ne revoit pas le système de recrutement.

On ouvre les cellules d’écoute de la médecine du travail.

Arendt  

Hannah Arendt l’avait formulé avec une rigueur inégalée : 

Le mal moderne ne vient pas de la haine, mais de la soumission à la fonction. 

Les RH reproduisent à leur échelle cette logique : un pouvoir d’autant plus efficace qu’il se déguise en neutralité.

Conclusion – Ce que le système efface vraiment 

Les Ressources Humaines prétendent valoriser la compétence.

Mais ce n’est pas le savoir-faire concret (hard skills) qu’ils retiennent.

C’est l’ajustement à la norme, la conformité comportementale (soft skills).

La capacité à se fondre dans le moule.

La docilité à ne pas gêner la chaîne.

Ceux qui pensent autrement, qui sortent du script sont écartés.

Non pour incompétence, mais pour dissonance avec les codes du recrutement.

La diversité, la créativité, la lucidité sont valorisées en communication.

Mais dans le traitement RH, elles sont des anomalies, des menaces à l’uniformité.

Ce que le système RH efface,

ce n’est pas ce qui est faible,

mais ce qui est fort.

Et ça se produit par automatisme conformiste.

Et par consentement quotidien de ceux qui disent :

« Je ne fais que mon travail. »

Yades Hesse - 2025

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