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Billet de blog 3 janv. 2022

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Il ne colle jamais.

Contre l'abjection coloniale alimentaire. https://nowtoronto.com/lifestyle/finance/aunt-jemima-uncle-bens-racist-stereotypes

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Il y a quelques jours, alors que je descendais les poubelles, mon attention fut attirée par un éclat de couleur orange jaillissant d'un sac éventré. 

Cette couleur, cette forme - pourtant parfaitement anodines - m'interpellèrent aussitôt sans que je ne puisse clairement les identifier. Je dégageai délicatement ce qui  apparut bientôt être un carton d'emballage alimentaire d'une époque ancienne et que je croyais révolue.

Subitement des images insupportables du temps d'avant, du temps de la HONTE, envahirent mon esprit.

Cet emballage, je le reconnaissais...

Oh Mon Dieu...

Un paquet de riz UNCLE BEN'S antérieur à 2020 !!!

Là, devant moi !!

Une fois le choc passé (j'ai été pris de nausées terribles, ainsi que de tremblements incontrôlables pendant un bon quart d'heure) je suis parvenu à retrouver suffisamment de sang-froid  pour accomplir le devoir de tout citoyen digne de ce nom et extraire l'odieuse chose (quand j'y repense maintenant, mon courage me surprend moi-même) de son contenant immonde afin de la livrer aux autorités compétentes. 

J'ai donc emprunté l'avenue Camelia Jordana jusqu'à l'esplanade Alice Coffin où je me suis recueilli quelques instants devant le memorial des martyrs de Tintin et Milou (la shohouahouah comme on dit maintenant) avant de poursuivre vers le  boulevard Adama Traoré où se trouve le commissariat Edwy Plenel,  décolonial et non genré.

Je dois dire que j'ai été très bien reçu. Les policiers désarmés ont commencé par s'excuser de tout le mal qu'ils avaient pu commettre depuis 2000 ans avant de prendre ma déposition et de procéder sur le champ aux prélèvements requis permettant d'identifier l'adn dégradé et monstrueux de l'ignoble possesseur de  l'abject objet. La rapidité et le sérieux - la fébrilité même - dont ils firent preuve me permirent de mesurer la gravité du cas que je j'étais venu leur soumettre.

En partant le policier en faction m'a tendu réglementairement la joue gauche afin que la gifle, puis la droite, avant de me proposer de lui cracher à la figure ("un petit extra, a-t'il dit, ça peut pas faire de mal") mais j'avais la flemme d'ôter mon masque.

Je suis rentré chez moi dans un état de vive excitation mêlé d'une sourde inquiétude : quelqu'un, dans  mon immeuble, avait gardé chez lui pendant tout ce temps un objet aussi révoltant. J'en frémissais d'indignation. Ma nuit fut traversée de terribles cauchemars où Winston Churchill, la bouche pleine de riz Uncle Ben's, devisait en postillonnant avec la statue de Colbert qui buvait un bol de Banania sur fond de zoubida.

Je m'éveillai brutalement en sueur, le coeur battant la chamade, l'oreille aux aguets.

De sourds éclats de voix - suivis de brefs bruits de lutte - se faisaient entendre sur mon palier. Collant discrètement mon regard à l'oeilleton de la porte d'entrée, je vis quatre hommes en uniformes de la brigade du vivre ensemble - de très jolis boubous rouge et or à motifs wolof en wax - plaquer au sol et menotter sans ménagement un petit homme grassouillet que je reconnus aussitôt comme mon voisin, mr Halimi. 

"alors comme ça tu manges du riz Uncle Ben's, espèce d'ordure !" criaient les policiers qui avaient fini par le maîtriser, assis sur son dos.

C'était donc lui !

Mr Halimi... toujours si gentil, discret, poli, serviable. Comme il cachait bien son jeu !

Comme il se débattait avec une grande énergie - "je ne suis pas sioniste ! " criait-il en se méprenant sur son propre compte -  il fut maintenu pendant de longues minutes dans une ferme position de plaquage ventral à l'efficacité éprouvée, et puis, doucement, par des gestes contrôlés d'un professionnalisme remarquable,  les policiers finirent par relâcher leur étreinte avant de relever l'infect personnage et de le traîner vers l'ascenseur et son destin, inerte...

Mr Halimi... 

Pas sioniste...

Tu parles.

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