yamustafa

Abonné·e de Mediapart

44 Billets

0 Édition

Billet de blog 15 mai 2023

yamustafa

Abonné·e de Mediapart

Black bloc : le terrorisme sans danger.

Face au fascisme qui vient en rampant, tout en étant déjà là, et la colère sans précédent qu'il provoque au plus profond de la société, la tentation de l'action directe se fait de plus en plus prégnante à gauche, mais il y a un problème : c'est dangereux.

yamustafa

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Pour faire front au libéral-fascisme hollando-macronien, divers types d'actions subversives - mais pas vraiment - ont été envisagés par la gauche ces dernières années. 

  • Le fairepeurisme, initié brillamment par Frédéric Lordon lors des hypnotiques "Nuits debout", malencontreusement noyé dans les apéros sauvages, 
  • le cassepiérisme cher à Chantal Mouffe et expérimenté avec le succès que l'on sait par LFI à l'Assemblée Nationale, 
  • le toijetecausepasdaborisme de Geoffroy de Lagasnerie dont il nous est par définition interdit de parler ici, 
  • les casserolades, qui, à défaut de résultats probants, ont au moins le mérite de faire le bonheur des quincaillier.e.s,
  • le blackblockisme enfin, le plus spectaculaire et le plus populaire auprès des medias.

Bizarrement, alors que la menace n'a jamais été aussi lourde, la colère aussi puissante et l'urgence aussi imminente, la forme de lutte révolutionnaire classique, qualifiée de "terrorisme" par ses détracteurs - telle qu'on a pu la voir à l'oeuvre dans les années 80 - ne semble pas du tout au goût du jour. On pourrait - devrait - s'interroger sur les raisons de cette désaffection de l'action armée : 

  • Proportionnalité de la menace : François Mitterrand étant, comme chacun sait, beaucoup plus fasciste qu'Emmanuel Macron, il était normal à l'époque d'adopter une forme de lutte réellement radicale 
  • Dangerosité de la pratique : les sanctions judiciaires se comptent en plusieurs dizaines d'années de prison, sans parler des risques d'atteintes physiques, souvent léthales.
  • Manque de motivation des contestataires : la révolution d'accord, mais avec des rtt.

Face à cette situation d'impuissance - douloureuse, ô combien - le blackbockisme apparaît comme LA solution idéale. Les peines encourues, entre amendes, stage de citoyenneté et sursis, sont anecdotiques, les risques d'atteintes physiques demeurent très mesurés - les victimes des violences policières n'étant que très rarement les fauteur.e.s de troubles iels-mêmes, mediapart s'en fait d'ailleurs régulièrement l'écho (pas plus tard que cette semaine, une innocente manifestante de Sainte Soline en témoigne) - et, d'une manière générale l'impunité quasi totale. Les actions les plus spectaculaires ne sont en effet jamais revendiquées (telle l'incendie de la porte de la mairie de Bordeaux le 23 mars dernier) et en outre laissées sans vergogne à la responsabilité de personnes n'y ayant le plus souvent aucune part.

En terme managériaux on pourrait qualifier sans hésitation le blackblockisme de pratique "win-win", et en termes financiers de retour sur investissement optimum : risques quasi nuls, rentabilité médiatique maximale et frisson révolutionnaire garanti. 

Le black block, constitue donc l'alternative idéale au terrorisme armé pour tous les révolutionnaires du dimanche, ayant envie de se faire plaisir à pas cher, mais effrayés à l'idée de prendre de vrais risques et n'ayant pas honte de laisser autrui être puni à leur place. 

A titre comparatif on notera qu'aux USA - autre grand pays fasciste - les participants à l'assaut du chantier d'un centre de formation de la police d'Atlanta durant lequel aucun policier n'a été blessé, sont poursuivis pour terrorisme intérieur et encourent des peines de 35 ans d'emprisonnement. 

On notera encore qu'au Royaume Uni - encore plus grand pays fasciste - des militants de "just stop oil" ont pris 3 ans pour avoir bloqué un pont.

Voilà ce que sont des gens courageux.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.