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Billet de blog 19 août 2019

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Mitidja

Vieille histoire.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Je roule sur la route du col de Chréa dans une 4L louée un peu plus tôt à l’aéroport Houari Boumédienne (ex-Maison Blanche) d’Alger. Une fois passé le col, je redescendrai vers Blida où j’ai une vague affaire de succession à régler.

Depuis Alger, passer par Chréa constitue un détour d’une quarantaine de kilomètres. De puissantes réminiscences olfactives de cèdre brûlé et de petits pains à la tomate et au piment (n’est pas Proust qui veut) le justifient.

A Boufarik, j’ai quitté la Nationale et pris à gauche vers l’Atlas blidéen pour rejoindre Chréa par l’Est.
La forêt est magnifique, le paysage sauvage, quasi alpestre.
Peu avant l’arrivée au col, juste avant le replat où les lacets de la route se dénouent en ligne droite, je suis arrêté par ce qui semble être un barrage militaire.
Deux ou trois types en treillis dépareillés, sales, mal rasés, l’air torve me font descendre de voiture. Des mitraillettes d’un autre âge pendant à leurs épaules. Ils me posent les questions règlementaires (qu’est-ce que je fais là ? quelle est la suite de mon voyage ? pour quelles raisons ?) en inspectant mon passeport. On discute en français, ils m’expliquent qu’ici il y a un tas de sangliers, que c’est dommage qu’ils n’aient pas le droit d’en manger. Celui qui semble être le chef plaisante (deux barrettes, collées sur sa veste, lui donnent le grade de Lieutenant) : « Du civet de sanglier à la sauce Grand veneur ! La sauce Grand veneur ! » crie-t’il entre ses moustaches.
Il semble ivre, ou drogué. Vicieux, malsain, et dangereux.
Tout à coup une troupe de barbus (passés au henné) en sarouel et djellaba surgit des bois en proférant des menaces envers les pseudos soldats qui se mettent aussitôt à leur tirer dessus. Les barbus répliquent.
Je plonge à terre (derrière la 4L), et au moment précis où je touche le sol, je sens que quelque chose me frappe violemment sur le côté.
La fusillade se poursuit.
Je fais le mort et profite d’un moment d’accalmie pour prendre la fuite par les bois. Personne ne se met à ma poursuite.
Je cours le long de la route en direction de Blida. Une balle est coincée entre mes côtes. Je la sens qui se déplace à chaque foulée. J’ai peur que les secousses de mes pas la fasse glisser jusqu’au cœur, je prends des postures pour éviter ce contact, ça rend la course de plus en plus pénible. La douleur devient aigüe. A la limite du supportable.
Je me réveille.
Haletant, soulagé, mais pas pour longtemps.
La douleur persiste.
Je me dit ça y est, c’est l’infarctus.
Mais non.
Je suis simplement couché sur une boîte de lexomyl.

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