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Billet de blog 16 juin 2020

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Racisme systémique et violences policières : le déni de classe français

Il aura fallu un meurtre raciste commis par un policier aux États-Unis et une mobilisation massive à travers le comité « Justice pour Adama » pour qu’une partie de la classe politique française commence timidement à sortir de son déni face aux ravages du racisme systémique et des violences policières en France.

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En France, on préfère se battre sur les mots plutôt que les maux engendrés par le racisme systémique. Cette bataille sémantique est révélatrice du déni d’une représentation politique et médiatique socialement homogène et hermétique à la diversité en son sein, de telle sorte que les enjeux liés au racisme et aux violences policières sont trop souvent occultés. Comment lutter efficacement contre quelque chose qui n’existe pas, que l’on nie. Ce déni de classe est une violence supplémentaire infligée à toutes celles et ceux qui subissent le racisme au quotidien en France.

Le racisme systémique crée et maintient des inégalités entre les personnes blanches et les personnes racisées, ces inégalités portent atteinte à plusieurs droits fondamentaux en tant qu’individu. Comme le sexisme, le racisme est un système dont on a hérité et dont on n’a pas toujours conscience. C’est en les reconnaissant et en comprenant les rouages qu’on peut travailler ensemble à y mettre fin.

C’est pourquoi le préalable nécessaire avant toute action pertinente et efficace commence par la reconnaissance de son ampleur et de ce caractère systémique.  

 Cela commence par écouter les personnes qui le subissent et mettre de l’avant leurs expériences, être ouvert aux critiques en prenant ainsi conscience de nos privilèges et préjugés, dénoncer les propos et les actes racistes, questionner les façons de faire qui excluent les personnes racisées, appuyer les luttes des groupes antiracistes et militer pour des politiques publiques qui favorisent l’égalité de toutes et tous.

Au même titre que je suis privilégié d’être un homme dans une société patriarcale, j’ai le privilège de ne pas subir les injustices, le rejet et les embûches causés par le racisme au quotidien. Reconnaître ce privilège, ça n’est aucunement s’auto flageller ou s’auto culpabiliser, c’est prendre conscience que nous faisons tous partis du système et agir ainsi pour le changer individuellement et collectivement.

Je suis blanc et j’ai pu voir concrètement le privilège que cela m’accordait comparativement à mes amis racisés. J’avais moins de difficultés à obtenir un entretien d’embauche bien que nous postulions aux mêmes offres et je n’avais aucune difficulté à visiter des appartements alors que nous répondions aux mêmes annonces. Je n’avais pas peur de la police, eux oui, de me faire contrôler constamment, eux oui. 

Dans ce contexte, on assiste au même déni de classe face aux violences policières. Inexistantes pour les personnes protégées socialement mais triste réalité quotidienne pour les autres. La police française participe pleinement au racisme systémique de notre société.

Au début des années 2000 sous l’impulsion du ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, la police s’est recentrée exclusivement sur son aspect répressif. À tel point que nous avons assisté à une accélération de la dégradation du lien entre la population et sa police dans les quartiers. Recréer du lien, en établissant une réelle police de proximité qui, au-delà de son devoir de protection, se doit d’être au service de la population.

Lors du confinement, une grande partie de la population française a pu faire l’expérience de la pression policière exercée lors de contrôles récurrents. Sachez que ce que vous avez vécu temporairement n’est qu’un aperçu de ce que subissent les personnes racisées en France. De nombreuses études ont démontré que votre couleur de peau détermine la récurrence des contrôles policiers alors que vous ne commettez aucun délit.

Comment peut-on accepter dans un pays dit démocratique que des personnes n’ayant commis aucun délit soient constamment contrôlées ? Leur présence dans l’espace public serait-elle considérée comme un délit ?

Il faut abolir cette politique de contrôle arbitraire, non pas par des attestations afin d’en limiter le nombre mais faire en sorte que tout contrôle et intervention policière soient motivés et justifiés par un délit caractérisé.

La police doit être au service des citoyens. En tant qu’agent dépositaire de la force publique, elle se doit d’être à tous les niveaux irréprochables. Pour cela, il est nécessaire de revoir la formation et la sélection des policiers sur les bases d’une refonte de ses missions et de l’autorité qui la contrôle. L’inspection générale de la Police Nationale tant par sa composition, faite de commissaires et d’officiers de police judiciaire, que par sa hiérarchie de tutelle la direction générale de la Police nationale dépendant elle-même du ministère de l'Intérieur ne permet pas de garantir un traitement équitable des plaintes contre les violences policières.

Le moindre manquement doit être investigué et condamné sans ménagement par une autorité indépendante du corps policier, il est donc indispensable de sortir du déni et d’engager de réelles actions pour combattre ainsi le racisme systémique à sa racine et faire en sorte que la police ne soit plus crainte mais respectée.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.