Dans un tweet récent, daté du 11 septembre, Greenpeace fait la leçon et rappelle une évidence importante :

Glissons sur le côté très « lapalissade » de la formule employée, et pointons plutôt, chose rare, un accord sur ce point avec l’ONG écolo la plus envahissante sur les réseaux sociaux. En effet, il faut urgemment sortir au maximum de toutes les énergies fossiles, y compris le gaz ; non pas tant pour agiter un hochet de "transition énergétique », mais pour concrètement diminuer les émissions de CO2 et essayer d’éviter un emballement du réchauffement climatique.
Dont acte.
Mais au fait, à quoi Greenpeace fait-elle référence ? Pourquoi ce tweet-là à ce moment-là ? Quel est ce « discours naissant » qui propose de prolonger encore pour un trop long moment l’usage du gaz dont il faudrait se passer au plus vite ?
Réponse :

Donc, Greenpeace fait la leçon à Macron qui voudrait aller vite dans la sortie du pétrole mais sans trop se hâter en ce qui concerne le gaz.
OK.
Sauf que ce discours sur le gaz n'est pas vraiment "naissant", ça fait même quelques années qu'on l'entend. En effet, qui proposait en 2017 de ne pas trop vite se passer du gaz et au contraire d’intensifier un peu son usage parce que quand même, il y a d’autres priorités que de lutter contre le réchauffement climatique ?
Réponse :

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Ce document est un montage qui reprend une affiche de campagne de 2017 de Greenpeace sur leur « révolution énergétique », en y insérant un passage qui figure page 11 de la brochure qui développait leurs propositions à ce sujet. Bien entendu, Greenpeace imagine que, grâce sans doute à une opération du Saint-Esprit, le solaire et l’éolien vont devenir super performants et à terme – à terme, dans un loooooooong moment plus ou moins imaginaire – remplacer un gaz qui aura d’abord été mis en avant pour répondre aux exigences de la priorité numéro 1 de l’ONG : sortir du nucléaire.
Cette politique que propose inlassablement Greenpeace, c’est celle que l’Allemagne met en oeuvre depuis 2012, avec sa transition énergétique qui priorise la sortie du nucléaire. Le résultat, absolument désastreux, peut être constaté au quotidien sur le site Electricity maps, qui fournit en temps réel les donnés mondiales sur la production électrique et sa contribution au réchauffement climatique via les émissions de CO2. Au moment où j’écris ces lignes, ça donne ça si on compare la France et l’Allemagne.


Traduction : avec 37 g d’un côté et 527g de l’autre, l’Allemagne émet aujourd’hui 14 fois plus de CO2 que la France à quantité égale d’électricité produite.
L’explication de cette différence phénoménale réside évidemment dans la composition du mix de chacun des deux pays, en commençant par l'Allemagne :


Même si la France devrait faire mieux sur ce plan, la principale différence entre les deux pays ne porte pas sur la part des renouvelables : elle porte sur le choix du nucléaire versus le choix des fossiles. Et l’Allemagne a choisi son camp, qui est celui des recommandations de Greenpeace, une ONG fanatiquement antinucléaire particulièrement mal placée pour faire la leçon à Macron sur la nécessaire sortie du gaz. La priorité de Greenpeace, ce n’est pas et cela n’a jamais été de lutter contre le réchauffement global. Sa priorité est de se passer d’une source d’électricité largement décarbonée quitte à balancer plus de CO2 dans l’atmosphère.

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Cette situation apparemment paradoxale est au cœur de la campagne Dear Greenpeace que vient de lancer Ia Anstoot, une jeune suédoise camarade de combat de Greta Thunberg. Avec d’autres « militants du climat » de sa génération, elle retourne contre Greenpeace son propre langage et ses propres méthodes, avec tout le tralala de pétition en ligne et de procédure en justice.

Son argumentaire a le mérite de décrire la mouvance antinucléaire comme ce qu’elle est vraiment, c'est à dire un ramassis de vieux obscurantistes anti-science figés dans d’inébranlables certitudes mille fois contredites par le réel. De vieux fossiles donc, à l’instar de ces énergies lourdemment émettrices qu’ils favorisent en toute connaissance de cause.
Comme la traduction sur le site de la jeune activiste est une traduction automatique sans queue ni tête, je vous propose pour finir une version française de sa prose piquante et jeuniste :
« Cher Greenpeace,
Il y a urgence climatique ! Abandonnez votre opposition passéiste et antiscientifique à l’énergie nucléaire, et rejoignez nous plutôt dans le combat contre les énergies fossiles !
Mon nom est Ia. Je suis une militante suédoise de 18 ans qui entreprend une action en justice contre Greenpeace pour contester son opposition à l’usage favorable au climat de l’énergie nucléaire en Europe.
Pourquoi j’entreprends cette démarche juridique :
En 2022, une résolution votée par le Parlement européen a classé l’énergie nucléaire, décarbonée, parmi les énergies « durables » et l’a incluse dans une importante liste de financements durables intitulée « Taxinomie Verte ». Il s’agissait d’une victoire importante pour la science et d’une nouvelle sensationnelle pour moi et pour ma génération.
Tout cela sonne un peu "nerd", mais rien n’est plus important. Cela voulait dire que l’énergie nucléaire, aux côtés d’autres sources d’énergie propres comme le solaire et l’éolien, pouvait accéder aux sources de financements massifs nécessaires pour sauver notre climat.
Mais en avril 2023, j’ai découvert quelque chose d’incroyable. Greenpeace, une des organisations écologistes les plus influentes dans le monde, a annoncé qu’elle allait poursuivre en justice l’Union Européenne pour faire retirer le nucléaire de cette importante liste d’accès à des financements.
Je l’ai vécu comme un coup de poing dans l’estomac, pour moi et pour mes camarades écoliers grévistes pour le climat.
Contrairement à bien des dirigeants de Greenpeace, c’est ma génération qui va devoir subir les conséquences du changement climatique. Mon expérience me montre que les jeunes sont ouverts à toutes les solutions, y compris le nucléaire. Il y a urgence, après tout !
Ma génération respecte les institutions comme le GIEC qui disent que l’on ne peut pas atteindre les objectifs de l’Accords de Paris en se passant du nucléaire. Dit autrement, nous avons confiance en la science. Notre vrai ennemi n’est pas le soutien de l’Union Européenne à l’énergie nucléaire, mais les énergies fossiles.
J’aime Greenpeace et je les respecte. Ils m’inspirent et je ne veux pas les voir sombrer. Mais parfois il faut savoir faire face aux gens que vous aimez.
C’est pourquoi j’ai uni mes forces à celle du réseau militant Replanet, et avec le soutien d’un cabinet d’avocats d’Amsterdam nommé Houthoff, nous avons soumis à la Cour Européenne de Justice une demande pour être partie prenante de la procédure judiciaire entamée par Greenpeace, en tant que « partie intéressée » à la défense de l’énergie nucléaire décarbonée.
C’est là que j’ai besoin de votre aide [une demande de dons suit]
Si notre requête est acceptée par la Cour, cela signifierait qu’aux côtés de scientifiques du climat et d’autres experts, nous pourrions développer des arguments et montrer que l’énergie nucléaire est sûre, pérenne et nécessaire. [etc., demande de dons pour financer la campagne]
Il y a là un retour de boomerang assez savoureux, quand même.
Yann Kindo
PS : Merci à Ranium Natty Bass pour les infos et les documents de la première partie de l'article.